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Droit pénal général
Responsabilité d’une personne morale pour contravention à un arrêté de police
Mots-clefs : Repos hebdomadaire, Fermeture hebdomadaire, Contravention, Amende, Personne morale, Organe, Représentant, Responsabilité
N’a pas justifié sa décision la cour d’appel qui a déclaré une société seule coupable d’une contravention sans rechercher si les faits avaient été commis, pour le compte de la personne morale, par un de ses organes ou représentants alors en fonction.
Aux termes de l’article 121-2 du Code pénal, les personnes morales sont responsables « des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ». En résultent deux conditions pour mettre en œuvre la responsabilité de la personne morale : une infraction commise par un organe ou un représentant, pour le compte de la personne morale. Le présent arrêt, qui concerne le non-respect de l’obligation de fermeture hebdomadaire, illustre le mode d’appréciation du respect de la première.
En l’espèce, la société Picard surgelés et son président-directeur général, M. Philippe X., ont été poursuivis devant le tribunal de police pour avoir méconnu les dispositions d'un arrêté préfectoral prescrivant, en application de l'article L. 3132-29 du Code du travail, que, du 16 septembre au 30 juin, les établissements et parties d'établissement vendant au public des denrées alimentaires au détail seraient totalement fermés une journée entière par semaine. Estimant que l’infraction n’était punie que d’une amende prévue pour les contraventions de la 1re classe, en vertu de l’article R. 610-5 du Code pénal qui punit le manquement aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police, le tribunal de police de Cannes se déclara incompétent et renvoya le ministère public à mieux se pourvoir. Sur l’appel du parquet, la cour d’appel d’Aix-en-Provence infirma ce jugement ; elle écarta l’exception d’incompétence de la juridiction de police au profit de la juridiction de proximité au motif que l’infraction poursuivie constituait la contravention de 5e classe d'ouverture au public d'établissement malgré décision administrative de fermeture hebdomadaire prévue à l’article R. 3135-2 du Code du travail, déclara la SA Picard surgelés coupable de ce chef et la condamna au paiement de deux amendes de 70 euros.
Dans son pourvoi, la société prévenue faisait valoir trois moyens : l’incompétence du tribunal de police, la nullité du procès-verbal établi par le contrôleur du travail et l’absence d’identification de l’organe ou du représentant ayant agi pour le compte de la personne morale. La chambre criminelle écarte facilement les deux premiers. Sur le premier moyen, elle constate que « l'article R. 610-5 du code pénal, qui punit le manquement aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police de l'amende prévue pour les contraventions de la 1re classe, n'est pas applicable lorsque la méconnaissance de telles obligations est sanctionnée par un texte spécial », en l’espèce l’article L. 3132-29 du Code du travail (sanctionné par l'article R. 3135-2 du même code). Sur le second, elle considère que « les juges n'étaient pas tenus de répondre au grief, inopérant, pris d'un défaut de mise en œuvre des préconisations d'une circulaire ministérielle dépourvues de caractère impératif [recommandant de mentionner sur le PV que la personne entendue a bien été avertie de l’usage qui pourrait être fait de ses propos] ».
En revanche, la cassation est prononcée sur le troisième moyen, et ce au double visa des articles 121-2 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale. Rappelant d’une part, que « les personnes morales, à l'exception de l'État, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants » et, d’autre part, que « tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision », la chambre criminelle estime que la cour d’appel, qui a relaxé M. X. au motif qu'il n'était pas encore titulaire des fonctions de président-directeur général de la société à la date des faits reprochés, sans rechercher si ceux-ci avaient été commis, pour le compte de la personne morale, par un de ses organes ou représentants, alors en fonction, n’a pas justifié sa décision.
Cette solution s’inscrit dans la tendance jurisprudentielle actuelle faisant de l’identification de l’organe ou du représentant agissant pour le compte de la personne morale une condition « consubstantielle » à l’engagement de la responsabilité pénale de cette dernière (V. D. Goetz, obs. ss. Crim. 22 mars 2016, n° 15-81.484 ; V. aussi, Crim. 1er avr. 2014, n° 12-86.501 ; Crim. 19 juin 2013, n° 12-82.872 ; Crim. 2 sept. 2014, n° 13-83.956, Bull. crim. n° 178) et marquant un retour à une certaine orthodoxie juridique en la matière (V. D. Goetz, préc. ; V. aussi, Y. Mayaud, RSC 2013. 73). En 2006, la chambre criminelle avait en effet raisonné non plus par implication mais par présomption (s’agissant d’infractions qui, compte tenu de leur nature, n’avaient pu être commises que par un organe ou un représentant de la personne morale ; V. Crim. 20 juin 2006, n° 05-85.255), initiant une période assez incertaine quant à la vérification de la condition légale tenant à l’identification de l’organe ou du représentant. On précisera que le terme « organe » désigne, pour les sociétés, le gérant, le président-directeur-général, le conseil d’administration, le directoire, le conseil de surveillance ou encore l’assemblée générale. Le « représentant », pour sa part, vise l’organe, le mandataire de la personne morale ou encore le salarié dont les fonctions comprennent la représentation de la société à l’égard des tiers.
Crim. 6 sept. 2016, n° 14-85.205
Références
■ Y. Mayaud, De la commission de l’infraction par les organes ou représentants des personnes morales. Ni présomption, ni revirement, RSC 2013. 73.
■ Crim. 22 mars 2016, n° 15-81.484 P, Dalloz actualité, 8 avr. 2016, obs. D. Goetz ; AJ pénal 2016. 381, obs. J. Lasserre Capdeville.
■ Crim. 1er avr. 2014, n° 12-86.501 P, Dalloz actualité, 9 mai 2014, obs. L. Priou-Alibert ; D. 2014. 826 ; ibid. 2207, obs. J.-C. Galloux et J. Lapousterle ; AJ pénal 2014. 356, obs. J. Gallois.
■ Crim. 19 juin 2013, n° 12-82.872, Rev. sociétés 2014. 55, note B. Bouloc.
■ Crim. 2 sept. 2014, n° 13-83.956 P, D. 2014. 1766 ; ibid. 2015. 2465, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi et S. Mirabail ; AJ pénal 2015. 43, obs. J. Lasserre Capdeville ; Dr. soc. 2015. 159, chron. R. Salomon ; RTD com. 2014. 877, obs. B. Bouloc.
■ Crim. 20 juin 2006, n° 05-85.255 P, D. 2007. 617, note J.-C. Saint-Pau ; ibid. 399, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé et S. Mirabail ; ibid. 1624, obs. C. Mascala ; AJ pénal 2006. 405, obs. P. Remillieux ; Rev. sociétés 2006. 895, note B. Bouloc ; RSC 2006. 825, obs. Y. Mayaud ; RTD com. 2007. 248, obs. B. Bouloc.
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