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Droit administratif général
Responsabilité médicale et condition d’anormalité
Mots-clefs : Responsabilité sans faute, Responsabilité médicale, responsabilité au titre de la solidarité nationale, Condition d’anormalité, Solidarité nationale, ONIAM, Réparation, Dommage, Acte médicale, Risque
Le Conseil d’État affine sa jurisprudence et donnant une nouvelle précision sur la condition d'anormalité en matière de responsabilité médicale sans faute.
Une femme, victime d’un accident de la circulation, a été prise en charge dans un état grave à l’hôpital où elle a subi une intervention chirurgicale au cours de laquelle elle est décédée.
Ses proches ont alors demandé réparation du préjudice subi.
Dans une décision du 29 avril 2015, le Conseil d’État leur refuse toute indemnisation que ce soit au titre de la responsabilité pour faute de l’hôpital ou au bénéfice de la réparation au titre de la solidarité nationale.
■ La responsabilité pour faute de l’hôpital (CSP, art. L. 1142-1, I, al. 1er).
En l’espèce, le cathéter mis en place dans des conditions normales au début de l’opération de la patiente, s’est par la suite déplacé. Mais selon l’expertise, il n’existe aucun geste fautif. Par ailleurs, aucune faute n’a pu être reprochée à l’anesthésiste. Ainsi, aucun geste fautif ne peut être retenu.
■ La réparation au titre de la solidarité nationale et la notion d’anormalité du dommage (CSP, art. L. 1142-1, II, al. 1er).
La réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) lorsque le dommage subi est anormal.
Cette condition d’anormalité du dommage a été précisée par le Conseil d’État dans ses décisions du 12 décembre 2014 (n° 365211 et n° 355052) : « La condition d'anormalité du dommage doit toujours être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l'absence de traitement ; lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible ; ainsi, les conséquences ne peuvent être regardées comme anormales lorsque la gravité de l'état du patient a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage. »
Ce considérant est repris dans la décision du 29 avril 2015. Toutefois il apporte une précision nouvelle afin de juger que la condition d’anormalité n’est pas remplie en l’espèce.
En effet, pour quantifier le risque, le Conseil d’État prend en compte le risque en cause et non l’origine du dommage : « si le déplacement du cathéter au cours de l’intervention, risque connu de l’utilisation des cathéters veineux centraux sous-claviers, a favorisé le décès de [la patiente], l’arrêt cardio-circulatoire s’explique également, d’une part, par les poly-fractures graves résultant de l’accident de la route, à l’origine d’un syndrome inflammatoire important, de troubles de la coagulation et de contraintes métaboliques liées à la douleur retentissant sur la fonction cardiaque et, d’autre part, par une pathologie cardiovasculaire dont l’intéressée était atteinte et qui limitait les mécanismes de réserve que le cœur pouvait mettre en jeu ; que l’arrêt évalue à 35 % le risque de complications cardiovasculaires, voire pulmonaires, mettant en jeu le pronostic vital auquel [la patiente]était exposée lors de l’intervention ».
Le Conseil d’État raisonne ainsi de la manière suivante : si la patiente n’avait pas été traitée, elle aurait été exposée à des conséquences aussi graves que celles qui ont résultées de l’opération, c'est-à-dire, la mort. Par ailleurs, le déplacement du cathéter a seulement concouru au dommage. Le dommage provient des complications cardiovasculaires de la patiente.
CE 29 avril 2015, n° 369473.
Références
■ Code de la santé publique
« I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.
Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.
II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.
Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. »
■ CE 12 déc. 2014, n° 365211 et n° 355052, au Lebon ; Dalloz actu étudiant, 9 janv. 2015; AJDA 2015. 769, note C. Lantero ; ibid. 2014. 2449 ; RDSS 2015. 279, concl. F. Lambolez.
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