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[ 9 janvier 2015 ] Imprimer

Droit administratif général

Responsabilité médicale sans faute : précision sur la condition d’anormalité

Mots-clefs : Responsabilité sans faute, Responsabilité médicale, Condition d’anormalité, Solidarité nationale, ONIAM, Réparation, Dommage, Acte médicale, Risque

Par deux arrêts en date du 12 décembre 2014, le Conseil d’État précise la condition d’anormalité du dommage médical.

En vertu du II de l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) doit assurer, au titre de la solidarité nationale, la réparation des dommages résultant directement d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins à la double condition qu'ils présentent un caractère d'anormalité au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état et que leur gravité excède le seuil de 24%, seuil défini à l'article D. 1142-1 du même code.

Selon le Conseil d’État, la notion d’anormalité du dommage prévue par le Code de la santé publique doit toujours être considérée comme remplie lorsque l’acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé de manière suffisamment probable en l’absence de traitement.

Par ailleurs, lorsque les conséquences de l'acte médical ne sont pas notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie en l'absence de traitement, elles ne peuvent être regardées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.

Ainsi, elles ne peuvent être regardées comme anormales au regard de l'état du patient lorsque la gravité de cet état a conduit à pratiquer un acte comportant des risques élevés dont la réalisation est à l'origine du dommage.

Le premier arrêt (n° 355052) concernait un patient souffrant d'une hernie discale cervicale C4-C5 entraînant des douleurs, un déficit modéré du bras droit et une gêne à la marche. À la suite d’une intervention chirurgicale pratiquée afin de réduire cette hernie, il s’est réveillé avec un déficit moteur des quatre membres, entraînant une incapacité permanente d'un taux évalué par l'expert à 60 %. Selon cet expert, la gravité de ce handicap est sans commune mesure avec celle de l'état initial de l'intéressé. Il n'existait, par ailleurs, pratiquement aucun risque, en l'absence d'intervention, de voir la hernie discale cervicale C4-C5 évoluer vers une tétraparésie. Le Conseil d’État considère, en l’espèce, que la condition d'anormalité est remplie.

Le second arrêt (n° 365211) était relatif à une patiente diabétique insulino-dépendante victime d’un coma diabétique acido-cétosique. Lors de son transfert en urgence dans un centre hospitalier, elle a été intubée mais a, par la suite, présenté une sténose laryngée provoquant des difficultés respiratoires et des troubles de la phonation et de la déglutition. Selon l’expert, l’intubation pratiquée in extremis présentait un caractère vital en raison du coma diabétique de la patiente et la complication, « bien qu’exceptionnelle », était due à l’urgence de la situation. Les conséquences de l’intubation n’étaient pas plus graves que celles auxquelles la patiente était exposée par sa pathologie. La survenue d’une sténose laryngée entraînant des séquelles durables a été favorisée par l’intubation en urgence de la patiente, par un collapsus tensionnel et par le diabète. La condition d’anormalité n’est pas remplie en l’espèce.

CE 12 déc. 2014, ONIAM, req. n° 355052

CE 12 déc. 2014, Mme B., req. n° 365211

 

Références

■ Pour aller plus loin : Le Conseil d’État a publié, dans sa rubrique « Dossiers thématiques », le 5 janvier 2015, un dossier intitulé : L'engagement de la responsabilité des hôpitaux publics : http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Etudes-Publications/Dossiers-thematiques/L-engagement-de-la-responsabilite-des-hopitaux-publics

■ Code de la santé publique

Article L. 1142-1

« I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.

II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire.

Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. »

Article D. 1142-1

« Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %.

Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %.

A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :

1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ;

2° Ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence. »

 

Auteur :C. G.

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