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[ 6 octobre 2015 ] Imprimer

Procédure civile

Restitution de l’exacte qualification des actes par le juge

Mots-clefs : Qualification, Pouvoir du juge, Clause pénale

Conformément à l’application de l’article 12 du Code de procédure civile, le juge a l’obligation de donner ou restituer l’exacte qualification aux faits et actes, indépendamment de celle attribuée par les parties. 

En l’espèce, lors de la conclusion d’une vente par acte authentique, les vendeurs s’engagent à enlever une jardinière établie sur le domaine public. Une clause, qualifiée d’astreinte dans le contrat, prévoit une indemnité journalière à défaut d’enlèvement de celle-ci. 

L’obligation n’étant pas exécutée par les vendeurs, l’acquéreur, qui voit sa demande de liquidation de l’astreinte rejetée par le juge de l’exécution, engage une saisie vente et deux saisies attributions, fondées sur l’acte notarié qui vaut titre exécutoire. 

Les demandes d’annulation du commandement de saisie et de main levée des saisies sont rejetées par le juge de l’exécution, les vendeurs font appel. La Cour d’appel accueille favorablement ces prétentions, au motif que l’astreinte ne peut donner lieu à une saisie tant qu’elle n’a pas été liquidée.

L’acquéreur se pourvoit en cassation afin de pouvoir procéder à la saisie. Il reproche à la Cour d’appel de ne pas avoir requalifié l’astreinte en clause pénale, l’indemnité découlant de la clause pénale n’ayant pas besoin d’être liquidée par le juge. Ainsi, en fonction de la qualification de cette clause, les saisies pourront être exercées ou non. En effet, l’astreinte doit être liquidée par le juge de l’exécution préalablement à toute saisie (C. pr. civ., art. L. 131-3). A l’inverse, la clause pénale n’a pas à être contrôlée par le juge, elle peut être mise en jeu en invoquant la créance sur laquelle repose ladite clause (Civ. 2e, 5 avr. 1993, n° 91-19.979). 

La question qui se pose alors est de savoir si les juges du fonds sont tenus par la qualification donnée par les parties ou si au contraire ils doivent lui substituer la qualification exacte. 

La Cour de cassation, rappelle une solution classique qui impose aux juges du fond de donner l’exacte qualification aux actes, indépendamment de celle donnée par les parties (Soc. 1re, 1er déc. 1971, n° 70-13.065). Ainsi, la Cour d’appel aurait dû qualifier la clause de pénale en dépit de la qualification d’astreinte donnée par les parties.

L’astreinte est définie comme l’indemnité prononcée par le juge, ou mise en place conventionnellement, afin d’inciter une partie à exécuter une décision de justice (C. pr. civ., art. L. 131-1). Au contraire, la clause pénale est une évaluation forfaitaire et anticipée des conséquences d’une inexécution contractuelle (C. civ., art. 1152 et Civ. 1re, 10 oct. 1995, n° 93-16.869). 

En l’espèce, les parties ont évalué l’indemnité due en cas de non enlèvement de la jardinière, ce qui correspond donc à la définition de la clause pénale. La Cour d’appel devait donc requalifier l’astreinte en clause pénale et en tirer les conséquences quant à la solution. 

Toutefois, ce devoir est conditionné à la demande de requalification qui doit être faite par une des parties (Soc. 30 oct. 2002, n° 00-45.572). 

De plus, cette solution est applicable aux faits et actes juridiques. En effet, concernant les dénominations ou fondement juridique de la demande, le juge n’a pas l’obligation de qualifier mais seulement une faculté, sauf existence de dispositions contraires (Ass. plén., 21 déc. 2007, n° 06-11.343).

Civ. 2e, 3 septembre 2015, n° 14-20.431

Références

■ Code civil

Article 1152

« Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. »

■ Code de procédure civile 

Article 12

« Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.

Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d'appel si elles n'y ont pas spécialement renoncé. »

NOTA : 

Par décisions n° 1875, n° 1905 et n° 1948 à 1951 du 12 octobre 1979, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé les dispositions indivisibles du troisième alinéa de l'article 12 et du premier alinéa de l'article 16 du présent code, telles qu'elles résultent du décret n° 75-1123 du 5 décembre 1975.

■ Code de procédure civile d’exécution

Article L. 131-1

« Tout juge peut, même d'office, ordonner une astreinte pour assurer l'exécution de sa décision.
 Le juge de l'exécution peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances en font apparaître la nécessité.».

Article L. 131-3

« L'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir.». 

■ Cass., ass. plén., 21 déc. 2007, n° 06-11.343Bull. ass. plén. n° 10; D. 2008. 228, obs. L. Dargent ; ibid. 1102, chron. O. Deshayes ; RDI 2008. 102, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2008. 317, obs. P.-Y. Gautier.

■ Soc., 30 oct. 2002, n° 00-45.572Bull. civ. V, n° 332. D. 2002. 3124 ; Dr. soc. 2003. 465, note C. Roy-Loustaunau.

■ Civ. 1re, 10 oct. 1995, n° 93-16.869Bull. civ. I, n° 347;  D. 1996. 486, note B. Fillion-Dufouleur ; ibid. 116, obs. P. Delebecque.

■ Civ. 2e, 5 avr. 1993, n°91-19.979, Bull. civ. II, n° 142.

■ Soc., 1er déc. 1971, n° 70-13.065Bull. civ. V, n° 703.

 

 

Auteur :A. M.

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