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[ 16 janvier 2019 ] Imprimer

Droit de l'entreprise en difficulté

Restitution d’un bien objet d’un crédit-bail et compétence du juge commissaire

La chambre commerciale de la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Orléans le 15 septembre 2016, portant sur la restitution d’un bien à la suite de la mise en liquidation judiciaire du crédit-preneur. 

Un contrat de crédit-bail a été et régulièrement publié entre deux sociétés. Ensuite, le crédit-preneur est placé en liquidation judiciaire. Le crédit-bailleur adresse alors au liquidateur nommé une demande de restitution du matériel, objet du contrat : le liquidateur acquiesce à la demande, en précisant toutefois que le bien n'était pas inventorié et a disparu. Le crédit-bailleur saisit donc le juge-commissaire pour avoir l’autorisation de procéder à l'appréhension du matériel en quelques lieux et mains qu'il se trouve. Le juge-commissaire ordonne la restitution du bien par le tiers détenteur. Ce dernier fait opposition à l’ordonnance et décline la compétence du juge-commissaire. 

Le tribunal de commerce ordonne sous astreinte la restitution du bien et la cour d’appel d’Orléans confirme ce jugement de première instance. En effet, l’article R. 624-14 du Code de commerce prévoit une procédure dérogatoire aux mesures prévues par le Code des procédures civiles d'exécution. Dès lors, le crédit-bailleur, dont le droit de propriété est opposable aux tiers, peut réclamer la restitution des biens au liquidateur et, à défaut de l'obtenir, saisir le juge-commissaire aux mêmes fins, l'appréhension éventuelle des biens n'étant que la conséquence de l'autorisation de restituer. 

La Cour de cassation par un arrêt du 21 novembre 2018 casse et annule pour violation de la loi l’arrêt rendu par la cour d’appel au visa des articles L. 624-10 et R. 624-14 du Code de commerce. 

Selon le premier de ces textes, « le propriétaire d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l'objet d'une publicité ». Ainsi, en l’espèce il n’y avait pas de doute sur le droit de propriété car le contrat de crédit-bail avait bien été publié sur le registre spécial, tenu à cet effet par le greffe du tribunal de commerce. Cette publicité dispense donc le crédit-bailleur d’exercer une action de revendication pour la reconnaissance de son droit de propriété. Le second texte fixe les conditions pour la restitution du bien, qui doit être « faite par le propriétaire du bien par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'administrateur, s'il en a été désigné, ou, à défaut, au débiteur », une copie de cette demande étant adressée au mandataire. L’alinéa 2 de ce même article précise qu’à défaut d'accord dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande ou en cas de contestation, le juge-commissaire peut être saisi à la diligence du propriétaire afin qu'il soit statué sur les droits de ce dernier » et que « même en l'absence de demande préalable en restitution, le juge-commissaire peut également être saisi à cette même fin par l'administrateur ou par le débiteur ». L’intervention du juge commissaire est donc subsidiaire, dans l’absence d’un accord entre le propriétaire du bien et le débiteur ou l’administrateur. 

Ainsi, le droit du crédit-bailleur à obtenir la restitution du bien dans le cadre de la procédure collective était définitivement acquis. En d’autres termes, et selon la Cour de cassation, ce droit n'était plus lui-même en cause. Par conséquent, le juge-commissaire n'était pas compétent pour ordonner l'appréhension de ce bien entre les mains d'un tiers détenteur. 

Com. 21 nov. 2018, n° 17-18.094 

 

Auteur :Fernanda Sabrinni

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