Actualité > À la une

À la une

[ 15 mai 2018 ] Imprimer

Droit des obligations

Réticence dolosive : rappel des éléments constitutifs

Le fait pour un vendeur de dissimuler, par son silence délibéré, l’existence d’une servitude relative au bien objet de la vente dans le dessein de réaliser cette vente, est constitutif d’une réticence dolosive.

Une société a vendu un terrain à bâtir à un acquéreur, lequel entreprend des travaux pour y construire un pavillon; seulement, ceux-ci sont interrompus par la découverte, sous la maison, de canalisations en inéquation avec le plan de bornage du lot annexé à l’acte de vente.

Aussi, l’acquéreur assigne la société en dommages-intérêts sur le fondement du dol. La cour d’appel fait droit à ses demandes, considérant que la société a commis une réticence dolosive.

Mécontente, la société forme un pourvoi en cassation qui est rejeté. En effet, elle estime que la société, présente aux réunions de chantier, était informée de la présence des canalisations sous la parcelle de terrain, et que le plan de bornage annexé au contrat de vente ne faisait pour autant pas état de la servitude de passage liée à cette canalisation. Elle approuve ainsi la cour d’appel d’avoir considéré qu’en tant que professionnel, la société « ne pouvait arguer ni de sa bonne foi, ni de son ignorance ou d’une erreur dans la production des documents joints à l’acte de vente [et que] son silence délibéré était destiné à conduire à la vente du terrain », lequel silence traduisait une réticence dolosive.

Ainsi, la Cour de cassation rappelle que la réticence dolosive, ici décrite comme le « silence délibéré », est bien constitutive d’un dol. La réticence dolosive s’entend du silence volontairement gardé sur un fait que le cocontractant aurait intérêt à connaître Cette notion a initialement été consacrée par la jurisprudence, après quelques hésitations, par un arrêt du 19 mai 1958 (Civ. 1re, 19 mai 1958, Bull. civ. I, n° 251 et Civ. 3e, 15 janv. 1971, n° 69-12.180: « Le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter »). 

Si l’arrêt ici commenté n’est donc que l’application d’un principe solidement ancré dans la jurisprudence, il permet utilement de rappeler les éléments caractéristiques de la réticence dolosive : un silence intentionnel et une erreur déterminante du consentement.

Ainsi, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir déduit que la société avait connaissance de la servitude de passage, en relevant d’une part que la société « était présente aux réunions de chantiers », et d’autre part que celle-ci était un professionnel de la construction, et donc un contractant averti. Elle semble donc mettre en œuvre une sorte de présomption, déduisant la connaissance de l’information de la présence du vendeur sur les chantiers, et de sa qualité, en précisant que la société ne peut dès lors arguer de sa bonne foi, ou d’une erreur.

Notons qu’à l’inverse, l’acquéreur semble être un profane dans le domaine de la construction ; on ne peut donc lui reprocher de ne pas s’être renseigné, d’autant que l’objet de la réticence, à savoir l’existence de canalisations sous le terrain, n’est pas un fait courant, et que le plan de bornage indexé au contrat de vente n’en faisait pas état.

Par ailleurs, la cour souligne que le silence gardé par la société, était intentionnel et destiné à déterminer le consentement de l’acquéreur. Elle semble donc déduire la réticence dolosive, non seulement de la connaissance qu’avait la société de la présence des canalisations, et donc de l’inégalité de l’information, mais également du dessein dans lequel le vendeur a retenu cette information.

Cela n’est pas une surprise, puisque la réticence dolosive n’est jamais qu’une forme de dol : la réticence est intentionnelle, et c’est précisément ce qui la distingue du manquement à une obligation d’information. C’est pourquoi la cour de cassation s’attache ici, non seulement à relever la connaissance du fait en cause, mais également la volonté de le celer. Les deux éléments étant, selon le pouvoir souverain de la cour d’appel, caractérisés, c’est donc en toute logique que la Cour de cassation retient l’existence d’une réticence dolosive.

Civ. 3e, 29 mars 2018, n° 17-12.028

Références

■ Fiche d’orientation Dalloz : Dol

■ Civ. 1re, 19 mai 1958, Bull. civ. I, n° 251.

■ Civ. 3e, 15 janv. 1971, n° 69-12.180 P: RTD civ. 1971. 839, obs. Loussouarn.

 

Auteur :Violette Laville

Autres À la une


  • Rédaction

    Directeur de la publication-Président : Ketty de Falco

    Directrice des éditions : 
    Caroline Sordet
    N° CPPAP : 0122 W 91226

    Rédacteur en chef :
    Maëlle Harscouët de Keravel

    Rédacteur en chef adjoint :
    Elisabeth Autier

    Chefs de rubriques :

    Le Billet : 
    Elisabeth Autier

    Droit privé : 
    Sabrina Lavric, Maëlle Harscouët de Keravel, Merryl Hervieu, Caroline Lacroix, Chantal Mathieu

    Droit public :
    Christelle de Gaudemont

    Focus sur ... : 
    Marina Brillié-Champaux

    Le Saviez-vous  :
    Sylvia Fernandes

    Illustrations : utilisation de la banque d'images Getty images.

    Nous écrire :
    actu-etudiant@dalloz.fr