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Droit pénal spécial
Retour sur les éléments constitutifs du harcèlement moral
Mots-clefs : Dignité, Santé physique, Santé mentale, Supérieur hiérarchique, Sanctions disciplinaires, Harcèlement moral (éléments constitutifs, résultat, indifférence), Infraction formelle, Environnement professionnel, Dégradation des conditions de travail, Comportement irrévérencieux
Selon l’article 222-33-2 du Code pénal, le délit de harcèlement moral est constitué sur la simple possibilité d’une dégradation des conditions de travail. En outre, l’existence d’un pouvoir hiérarchique est indifférente à la caractérisation de l’infraction.
À la suite du suicide d’un chef de service, l’un de ses subordonnés fut poursuivi pour l’avoir harcelé moralement. En effet, il aurait dévalorisé l’action de son supérieur de façon réitéré, diffusé à son propos une image d’incompétence dans son milieu professionnel, et adopté à son encontre un comportement irrévérencieux et méprisant. Le tribunal correctionnel ayant reconnu la culpabilité du prévenu, ce dernier fit appel de ce jugement. La cour d’appel infirma la décision, considérant que les conséquences de la dégradation des conditions de travail devaient être avérées. De plus, elle estima que le prévenu étant le subordonné de la victime, il n’avait ni les qualités, ni les moyens de compromettre l’avenir professionnel de celle-ci. Saisie par le procureur général près la cour d’appel, la chambre criminelle précise les éléments constitutifs du délit de harcèlement moral.
La Cour de cassation estime que la cour d’appel a ajouté à la loi des conditions qu’elle ne contient pas. Elle rappelle au visa de l’article 222-33-2 du Code pénal, que la simple possibilité d’une dégradation des conditions de travail suffit à constituer le délit de harcèlement moral (peu importe, donc, que les conséquences de cette dégradation soient avérées) ; de plus, elle précise que l’existence d’un pouvoir hiérarchique est indifférente à la caractérisation de l’infraction.
Sur le premier point, on rappellera que le harcèlement moral apparaît comme « un ensemble d’agissements répétés », « dégradant les conditions de travail » de la victime, « qui ont pour but et souvent pour effet de porter atteinte à la dignité » d’une ou plusieurs personnes, « ce qui entraîne, sans que cela ne soit obligatoire, des conséquences sur leur santé mentale souvent, et physique parfois ». (v. Patrice Adam). En outre, il n’est pas indispensable qu’une victime invoque un dommage ou que le harcèlement ait produit des effets pour que les faits soient sanctionnés. Le harcèlement moral est un délit formel, qui n’intègre pas le résultat dans ses composantes, à la différence des violences volontaires ou de l’atteinte à la dignité humaine par exemple : « il ne sanctionne que le comportement consistant à dégrader les conditions de travail, sans intégrer dans sa matérialité, l’effectivité de l’atteinte à la dignité humaine ou à l’intégrité des personnes » (v. Y. Mayaud).
Sur le second point, on notera que l’article 222-33-2 du Code pénal ne désigne pas les auteurs possibles du harcèlement moral. En effet, la loi entend viser tous les cas possibles, même les moins fréquents. Sont donc concernés aussi bien le harcèlement vertical qu’il soit ascendant — du subordonné sur son supérieur — ou descendant — harcèlement d’un supérieur sur son subordonné —, que le harcèlement horizontal — entre salariés (Soc. 24 janv. 2006).
Crim. 6 dec. 2011, n°10-82.266, F-P+B
Références
■ Article 222-33-2 du Code pénal
« Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. »
■ Article L. 1152-1 du Code du travail
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
■ Rép. trav., V° « Harcèlement moral », par Patrice Adam, oct. 2008, no 117.
■ Y. Mayaud, RSC 2003. 561 (note sur l'arrêt Crim. 4 mars 2003, n°02-82.194).
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