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Retrait d’une décision de nomination d’un magistrat : des conditions particulières
Mots-clefs : Magistrature, ENM, Nomination, Auditeur de justice, Bonne moralité, Retrait, Président de la République, Séparation des pouvoir, Indépendance de la magistrature
Le président de la République ne peut retirer une décision de nomination d’un magistrat en dehors de toute procédure disciplinaire, précise le Conseil d’État dans un arrêt de section du 1er octobre 2010.
À l’issue de sa scolarité à l’École nationale de la magistrature, une auditrice de justice a été nommée aux fonctions de magistrat par le président de la République, Nicolas Sarkozy, par décret du 18 juillet 2007.
À la suite de sa nomination, elle reconnaît, le 23 août 2007, avoir effectué des achats par correspondance en utilisant frauduleusement la carte de crédit d’un magistrat auprès duquel elle avait effectué un stage alors qu’elle était encore auditrice de justice (juin-juillet 2007). Ces faits mettant en cause sa bonne moralité (qualité nécessaire pour devenir magistrat), ont conduit le président de la République à retirer la nomination de cette magistrate le 16 novembre 2007.
La question à laquelle était confrontée le Conseil d’État était la suivante : la jurisprudence Ternon trouve-t-elle application dans le cas d’une décision illégale de nomination d’un magistrat ?
En d’autres termes, le président de la République pouvait-il retirer la décision de nomination d’une magistrate, décision illégale en l’espèce, car les conditions requises pour être magistrat n’étaient pas remplies, dans le délai de quatre mois, comme le précise la jurisprudence du Conseil d’État dans l’arrêt d’Assemblée Ternon du 26 octobre 2001 ou devait-il, avant toute décision, attendre que la formation disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature ait statué ?
Le Conseil d’État précise que la jurisprudence Ternon ne peut s’appliquer en l’espèce. En effet, le principe de séparation des pouvoirs (art. 16 Const. 1958) et celui de l’indépendance de l’autorité judiciaire inscrits dans la Constitution imposent que des garanties particulières s’attachent à la qualité de magistrat de l’ordre judiciaire. Ainsi, les magistrats ne peuvent-ils se voir retirer cette qualité et les garanties particulières qui s’y attachent qu’en vertu de dispositions expresses de leur statut (Ord. n° 58-1270 du 22 déc. 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) et dans les conditions prévues par ces dernières. Aucune disposition ne prévoit la privation de la qualité de magistrat en dehors de la procédure disciplinaire régie par la chapitre VII de l’ordonnance du 22 décembre 1958.
CE, Sect., 1er oct. 2010, req. n° 311938.
Références
■ CE, Ass., 26 octobre 2001, Ternon, n° 197018, Lebon 497, GAJA, 17e éd., n° 109.
■ Conseil supérieur de la magistrature (CSM)
« Organe constitutionnel destiné à garantir l’indépendance de l’autorité judiciaire. Profondément modifié par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (L. no 2008-724).
Comprend une formation compétente à l’égard des magistrats du siège et une autre pour les magistrats du parquet.
La première est présidée par le Premier président de la Cour de Cassation. Elle est composée de 5 magistrats du siège, un magistrat du Parquet, un conseiller d’État, un avocat et 6 personnalités qualifiées désignées (2 chacune) par le président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat (nominations soumises à l’avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée).
La seconde formation est présidée par le Procureur général près de la Cour de Cassation. Elle comprend 5 magistrats du Parquet, un magistrat du siège plus le conseiller d’État, l’avocat et les personnalités qualifiées membres de la première formation.
La formation compétente pour les magistrats du siège fait des propositions pour les nominations à la Cour de Cassation et celles de premier président de Cour d’appel ou de président d’un tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur avis conforme.
La formation relative aux magistrats du parquet donne un avis sur les nominations.
Le Conseil statue également comme conseil de discipline pour les magistrats du siège (la formation les concernant) et donne un avis sur les sanctions disciplinaires relatives aux magistrats du parquet (la formation les concernant).
Le Conseil se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d’avis formulées par le président de la République, comme aux questions de déontologie ou relatives au fonctionnement de la justice posées par le ministre de la Justice. La formation plénière comprend 3 des 5 magistrats du siège comme du parquet, le conseiller d’État, l’avocat et les personnalités qualifiées. Elle est présidée par le premier président de la cour de Cassation.
Cette importante révision qui vise à garantir l’indépendance du Conseil autrefois présidé par le président de la République avec le ministre de la Justice comme vice-président pourra en outre être saisi par un justiciable dans les conditions fixées par une loi organique. »
■ École nationale de la magistrature (ENM)
« École qui a succédé au Centre national d’études judiciaires. Elle est destinée à assurer la formation professionnelle des auditeurs de justice (recrutés par concours ou sur titre) et la formation continue des magistrats. Elle peut contribuer à la formation des personnes qui n’appartiennent pas au corps judiciaire mais qui sont amenées à exercer dans l’ordre judiciaire certaines fonctions juridictionnelles (juges des tribunaux de commerce, juges de proximité) ou non (délégués du procureur, médiateurs ou conciliateurs judiciaires…).
Les candidats qui remplissent les conditions de l’accès au premier concours (être titulaire d’un diplôme sanctionnant 4 années d’études supérieures) peuvent être admis à une classe préparatoire (CPE) afin de permettre une diversification de l’accès au corps de la magistrature en tenant compte de l’origine géographique et des ressources des candidats. »
« Mise à néant d’un acte administratif unilatéral par son auteur. Du point de vue du régime juridique applicable, il convient de distinguer :
- le retrait proprement dit, dont la portée est rétroactive ;
- l’abrogation, dont les effets ne se produisent que du jour de son intervention. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Article 16 de la Constitution du 4 octobre 1958
« Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacées d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier Ministre, des Présidents des assemblées ainsi que du Conseil Constitutionnel.
Il en informe la Nation par un message.
Ces mesures doivent être inspirées par la volonté d'assurer aux pouvoirs publics constitutionnels, dans les moindres délais, les moyens d'accomplir leur mission. Le Conseil Constitutionnel est consulté à leur sujet.
Le Parlement se réunit de plein droit.
L' Assemblée Nationale ne peut être dissoute pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels.
Après trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d'examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée.
« Principe qui tend à prévenir les abus du pouvoir en confiant l’exercice de celui-ci non à un organe unique, mais à plusieurs organes, chargés chacun d’une fonction différente et en mesure de se faire mutuellement contrepoids. Principe formulé par Locke et surtout par Montesquieu (Esprit des lois, Livre XI, chap. 6), à qui l’on fait remonter la distinction classique des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. La séparation des pouvoirs peut être rigide (indépendance des pouvoirs caractéristiques du régime présidentiel) ou souple (collaboration des pouvoirs caractéristique du régime parlementaire). »
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