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Droit européen et de l'Union européenne
Rétroactivité de la loi pénale plus douce et motivation du législateur
La Cour de justice de l’UE précise que le principe général du droit de la rétroactivité de la loi pénale plus douce n’est opposable que si le législateur a changé d’avis soit sur la qualification pénale des faits soit sur la peine à appliquer à une infraction. Cette appréciation s’effectue au regard de la motivation qui a été celle du législateur au moment de la modification du droit applicable.
Cette décision de la Cour de justice démontre une nouvelle fois que la mise en œuvre des droits fondamentaux s’effectue au regard d’un contexte juridique, qui doit être examiné, l’application d’un principe n’ayant rien de systématique. Cette approche se vérifie pour le principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce dont l’opposabilité n’est pas liée seulement à la modification du contenu de l’infraction ou de la sanction pénale, mais également à la volonté du législateur.
Le contentieux est né de fausses déclarations et de manœuvres ayant eu lieu entre 1987 et 1992, entre autres par Monsieur Clergeau, à propos de la nature de morceaux de viande. L’objectif de ce comportement était de bénéficier d’aides agricoles, sous forme de restitutions particulières à l’exportation en faisant passer des quartiers avant de viande pour des quartiers arrière. En effet les restitutions étaient encadrées à l’époque par le règlement n° 1964/82 de la Commission du 20 juillet 1982. Ce dernier ne prévoyait des aides que pour les morceaux de quartiers arrière de viande. Or ce règlement a été modifié en 1998, en étendant le bénéfice des aides aux morceaux de quartiers avant. Dès lors, au regard du règlement modifié, les personnes poursuivies considèrent qu’elles ne devraient plus faire l’objet d’une procédure pénale, l’objet des fausses déclarations, les morceaux de viande de quartiers avant, étant dorénavant éligible aux restitutions. Dans ces conditions, les personnes poursuivies ont alors soulevé l’application du principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce.
La Cour de cassation française a introduit une question préjudicielle afin de déterminer si le principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce devait s’appliquer dans cette hypothèse.
Avant de revenir sur le fond de la question préjudicielle, la Cour fait quelques rappels sur la possible application de ce principe aux faits. En effet, si la Cour rappelle que le principe figure aujourd’hui à l’article 49, paragraphe 1 de la Charte des droits fondamentaux, la Cour de justice précise également que la Charte n’est devenue opposable aux États membres qu’à partir de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, c’est-à-dire que le 1er décembre 2009. Or les faits sont antérieurs à 1992, ne permettant pas l’application de la Charte. Toutefois, la Cour de justice indique que le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce constitue aussi un principe général du droit de l’Union. Dès lors le juge national doit le respecter lorsqu’il applique une disposition de droit national entrant dans le champ d’application du droit de l’Union. La Cour de justice considère que cette condition est ici réalisée que l’article 426, 4° du Code des douanes, fondement des poursuites, visant à réprimer notamment l’atteinte aux intérêts financiers de l’Union.
Sur le fond, la Cour de justice s’intéresse au contexte juridique afin de déterminer si le principe peut s’appliquer. Les juges de l’Union recherchent, d’une part, si l’article du Code des douanes a fait l’objet de modifications et, d’autre part, la motivation de la modification du règlement par le législateur européen, visant à étendre les restitutions à l’exportation. En effet, pour la Cour de justice, le principe de la rétroactivité de la loi pénale plus douce ne peut être envisagé que si le législateur a changé d’avis sur la qualification pénale des faits ou sur le quantum de la peine à appliquer à l’infraction.
La Cour remarque alors que le Code des douanes français n’a pas fait l’objet de modifications. L’article vise toujours à sanctionner les fausses déclarations et les manœuvres. Ainsi, les faits demeurent répréhensibles aujourd’hui. Parallèlement, le règlement a été modifié uniquement pour prendre en considération l’évolution du marché et les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Ainsi la motivation est de nature purement économique et technique et ne visait pas à remettre en cause la qualification pénale retenue par les autorités nationales dont l’objet était de mettre fin à l’obtention indue de restitutions à l’exportation.
La Cour de justice en conclut que le principe n’a pas à s’appliquer dans cette situation, les personnes peuvent ainsi être poursuivies et condamnées en raison de fausses déclarations et de manœuvres pour des marchandises devenues éligibles postérieurement.
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