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Révision de la loi de bioéthique : l’avis du Comité consultatif national d’éthique
La révision de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, prévue par son article 47, devrait intervenir fin 2018, début 2019. Cette révision a été précédée des états généraux de la bioéthique organisée par le comité consultatif national d’éthique qui a rendu son avis en septembre 2018. Dalloz Actu Étudiant propose un point rapide sur ce comité et sur l’avis du comité.
■ Le comité consultatif national d’éthique
Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) a été créé en 1983. C’est un organisme qui émet des avis uniquement consultatifs.
· Saisine
Il peut être saisi par le Président de la République, les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, les membres du Gouvernement, un établissement d’enseignement supérieur, un établissement public ou encore une fondation reconnue d’utilité publique ayant pour activité principale la recherche, le développement technologique ou la promotion et la protection de la santé. Le CCNE peut également s’autosaisir de toutes questions posées par un citoyen ou l’un de ses membres.
· Composition
Le CCNE est composé d’un Président nommé pour 4 ans par le Président de la République pour une période de deux ans renouvelable (actuellement, il s’agit du professeur Jean-François Delfraissy) et de 39 membres nommés pour 4 ans (V. CSP, art. L. 1412-2).
· Missions
Ses missions sont définies aux articles L. 1412-1 et L. 1412-1-1 du Code de la santé publique. Il donne « des avis sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé» et il organise des débats publics sous forme d’états généraux « pour tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé ».
C’est donc en vertu de ces dernières dispositions issues de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique et pour la première fois que des états généraux ont eu lieu du 18 janvier au 30 avril 2018, qu’un rapport de synthèse a été publié en juin 2018 et qu’un avis 129 a été rendu le 18 septembre 2018 (V. également le résumé de l’avis).
■ L’avis du CCNE du 18 septembre 2018
Huit thématiques ont été abordées lors des états généraux de la bioéthique : la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ; les examens génétiques et la médecine génomique ; les dons et transplantations d’organes ; les neurosciences ; le numérique et la santé ; la santé et l’environnement ; la procréation et la fin de vie. Les deux derniers thèmes seront ici développés :
· La procréation.
Actuellement l’assistance médicale à la procréation (AMP) « recouvre l’ensemble des techniques, conçues par le corps médical, puis organisées par le législateur, pour répondre à des infertilités qui relèvent des dysfonctionnement de l’organisme ». Il existe une demande « d’utilisation de ces techniques à d’autres fins que celle de pallier l’infertilité pathologique chez les couples hétérosexuels ».
S’agissant de l’autoconservation ovocytaire par des jeunes femmes sans contrepartie d’un don, celle-ci n’est pas actuellement autorisée en France. « Il existe un décalage croissant entre la perception d’un bien-être général chez la femme, s’épanouissant à travers ses études, son statut professionnel, la création d’un couple, et son horloge biologique, immuable. « Il ressort des consultations le souhait que cette pratique soit autorisée, mais encadrée et non encouragée. Le CCNE considère que « la possibilité d’une autoconservation ovocytaire apparaîtrait comme un espace dans lequel la liberté des femmes pourrait s’exercer sans qu’elles compromettent leur maternité future. Il rappelle également que « différer un projet de grossesse à un âge tardif – connaissant les risques de ces grossesses tardives – peut difficilement être considéré comme participant à l’émancipation des femmes face aux limites biologiques. » Une grande partie du CCNE suggère que la possibilité d’une autoconservation ovocytaire de précaution puisse être proposée, toutefois il existe des positions divergentes au sein du Comité sur cette question.
S’agissant de l’assistance médicale à la procréation par des couples de femmes ou des femmes seules, celle-ci « s’inscrit dans une revendication de liberté et d’égalité dans l’accès aux techniques d’AMP pour répondre à un désir d’enfant. Elle modifie profondément les relations de l’enfant à son environnement familial, en termes de repères familiaux, d’absence de père, institutionnalisée ab initio. » De fait, plusieurs interrogations se posent sur la relation des enfants à leurs origines (don anonyme et gratuit en France) et le fait de grandir sans père. Le CCNE trouve qu’il serait pertinent de « s’appuyer sur des recherches fiables sur l’impact de cette situation ». Il propose cependant d’autoriser l’ouverture de l’insémination artificielle avec donneur à toutes les femmes. « Il considère que l'ouverture de l’AMP à des personnes sans stérilité peut se concevoir, notamment pour pallier une souffrance induite par une infécondité résultant d’orientations personnelles. » Le CCNE précise que cette proposition n’emporte pas une adhésion unanime au sein du comité. Ce sujet fait débat et en particulier « sur les conséquences pour l’enfant d’une institutionnalisation de l’absence de père, donc de l’absence de l’altérité « masculin-féminin » dans la diversité de sa construction psychique, mais aussi sur les risques possibles de marchandisation du corps humain accrus ». C’est pourquoi une partie minoritaire des membres du CCNE propose que le statu quo soit maintenu.
Le Conseil d’État vient de refuser une demande de renvoi de QPC sur ce thème : « Les couples formés d'un homme et d'une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe. Il résulte des dispositions de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique qu'en réservant l'accès à l'assistance médicale à la procréation aux couples composés d'un homme et d'une femme, vivants, en âge de procréer et souffrant d'une infertilité médicalement diagnostiquée, le législateur a entendu que l'assistance médicale à la procréation ait pour objet de remédier à l'infertilité pathologique d'un couple sans laquelle celui-ci serait en capacité de procréer. La différence de traitement, …, entre les couples formés d'un homme et d'une femme et les couples de personnes de même sexe est en lien direct avec l'objet de la loi qui l'établit et n'est, ainsi, pas contraire au principe d'égalité » (CE 28 sept. 2018, n° 421899)
Enfin, concernant la gestation pour autrui, le CCNE a estimé que la GPA porte atteinte « à l’intégrité des femmes porteuses de grossesse pour autrui, à la fois dans leur corps, dans leur affectivité, dans leur vie familiale. » Il existe « un nombre important de risques et de violences, médicales, psychiques, économiques, observables dans toutes les GPA. » Le désir d’enfant des uns ne constitue pas un « droit à l’enfant » si ce désir doit « passer par des atteintes à l’intégrité des femmes, même volontaires et altruistes dans leur démarche, et aux enfants qui en naîtraient. » S’est également posée la question selon laquelle l’interdiction de la GPA serait « une atteinte à la liberté des femmes d’être gestatrices ». Le CCNE considère que « n’est pas une liberté celle qui permet à la femme de renoncer par contrat à certaines de ses libertés (liberté de mouvement, de vie de famille, soins indispensables à sa santé), que n’est pas une liberté celle qui conduit à un contrat dont l’objet même est d’organiser juridiquement le transfert du corps et de la personne d’un enfant, transfert accepté par la mère porteuse en faveur des parents d’intention. La personne humaine, ici celle de l’enfant, ne peut pas être l’objet « d’actes de disposition », que ce soit à titre onéreux ou à titre gratuit. C’est l’une des raisons de l’interdiction de contrats d’adoption entre personnes privées. »
· La fin de vie
Il ressort de la consultation générale que l’ « on meurt mal en France ». Il existe un consensus sur l’idée « qu’il est urgent d’allouer les moyens humains et financiers nécessaires au développement des soins palliatifs ». En revanche, « aucun consensus sociétal n’est apparu lors de la consultation quant aux questions de l’assistance au suicide et de l’euthanasie ». Il ressort une large et ferme opposition à ces pratiques notamment de la part des professionnels de santé.
Le CCNE propose de ne pas modifier la loi existante sur la fin de vie (loi Claeys-Leonetti relative aux droits des malades et à la fin de vie de 2016) et insiste sur l’impérieuse nécessité que cette loi soit mieux connue, mieux appliquée et mieux respectée.
Référence
■ CE 28 sept. 2018, n° 421899
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