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[ 31 mai 2013 ] Imprimer

Droit des sociétés

Révocation ad nutum : respect de la contradiction

Mots-clefs : Société anonyme, Président du conseil d’administration, Révocation ad nutum, Principe de la contradiction

La cour d’appel statuant sur le respect de la contradiction dans la révocation d’un administrateur d’une société anonyme, est tenue de vérifier si celui-ci a eu connaissance des motifs d’une telle action avant de procéder au vote.

En l’espèce, le requérant, président du conseil d’administration d’une société anonyme, se plaignait d’avoir été révoqué de manière abusive de ses fonctions d’administrateur. La révocation, qui n’était pas inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée des actionnaires, n’aurait pas respecté le principe de la contradiction et aurait été entourée de circonstances à caractère vexatoire.

En vertu de l’article L. 225-18 du Code de commerce, un administrateur peut être révoqué à tout moment par l’assemblée générale ordinaire. Cette révocation est dite ad nutum, « sur un simple signe de tête », et emporte trois conséquences. Ainsi, l’administrateur :

▪ peut être révoqué de ses fonctions sans préavis et sans que la question soit inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée (C. com., L. 225-105) ;

▪ peut être révoqué sans justification (on parle de révocation sans juste motif, v. par ex : Com. 3 janv. 1985) ;

▪ sauf exceptions ci-dessous examinées, ne peut prétendre à aucune rémunération en contrepartie de sa révocation.

Lorsque des problèmes relatifs à la révocation sont soumis aux juges, ceux-ci n'apprécient pas le bien-fondé des griefs reprochés à l’intéressé, mais vérifient qu’elle n'a pas été abusive. Dans le cas où l’abus serrait reconnu, l'intéressé pourrait se voir indemniser sous la forme de dommages et intérêts (Com. 21 juill. 1969), étant précisé que ceux-ci ne peuvent toutefois réparer que le préjudice découlant des circonstances de la révocation et non la perte d'une chance de conserver ses fonctions (Com. 13 nov. 2003).

La révocation est ainsi abusive :

▪ lorsque les circonstances dans lesquelles elle est intervenue sont injurieuses ou vexatoires (v. par ex : quand la décision a été brutalement prise devant le personnel, en faisant appel à la police et en l'ébruitant dans le milieu professionnel, Paris, 13 oct. 2006) ;

▪ lorsque le principe de la contradiction n’a pas été respecté :

– il peut s’agir, par exemple, de la situation où le révoqué n’a pas été en mesure de présenter ses observations pour « se justifier avant que la révocation ne soit votée » (Paris, 2 oct. 1997). La jurisprudence estime toutefois que tel n’est pas lorsque le révoqué est absent lors de l’assemblée alors qu’il y était régulièrement convoqué (Com. 15 mai 2007) ;

– il s’agit aussi de la situation dans laquelle le révoqué n’a pas été en mesure d'entendre les griefs qui lui étaient reprochés (Com. 29 mars 2011) et n’a pu dès lors se défendre.

Dans l’affaire ici commentée, la cour d’appel estime que le principe de la contradiction a été respecté. En effet, la séance de l’assemblée des actionnaires a été suspendue pour que le requérant puisse contacter des tiers en vue de présenter ses observations écrites et orales avant le vote. Cette décision est cassée par la Cour régulatrice qui estime que les juges du fonds auraient dû vérifier si l’administrateur avait eu connaissance des motifs de sa révocation avant qu’il fût procédé au vote. Cette solution se comprend aisément : laisser le temps à l’administrateur de préparer sa défense est futile s’il ne sait pas sur quel terrain se battre. Pour respecter le principe de la contradiction, la société doit notifier au futur révoqué les griefs qui lui sont reprochés afin qu’il puisse en contester la pertinence.

Au surplus, le requérant a assigné en paiement de dommages-intérêts les actionnaires majoritaires, en ce qu’ils auraient commis un abus de droit en agissant de manière déloyale et n’auraient pas respecté les stipulations d’un pacte d’actionnaires conditionnant la révocation d’un administrateur à l’autorisation préalable du conseil d’administration.

Si les pactes d’actionnaires sont, en principe, valables, ils doivent, toutefois, respecter certaines conditions et, notamment, les règles posées par la loi. La révocation des administrateurs étant un principe absolu (règle d’ordre public : Civ. 30 avr. 1878), toute convention tendant à écarter ou limiter le droit de révocation est donc nulle. Est ainsi considéré comme limitant la révocation, l’engagement pris d’indemniser un dirigeant à l’occasion de sa révocation, en ce que cela pourrait décourager l’assemblée de procéder à une telle mesure (Com. 22 juill. 1986). C’est la raison pour laquelle, en l’espèce, la Cour de cassation confirme la solution retenue par les juges du fonds, qui ont estimé que le requérant ne pouvait se prévaloir du pacte d’actionnaire puisque l’autorisation préalable dont il était fait mention « aurait [eu] pour effet de limiter le droit de l’assemblée générale des actionnaires de révoquer à tout moment un administrateur ».

Enfin, le requérant n’apportant la preuve d’aucun agissement caractérisant de la part des actionnaires majoritaires une volonté malveillante ou l’intention de lui nuire, la responsabilité de ces derniers ne saurait être engagée.

Com. 14 mai 2013, n° 11-22.845

Références

■ J.-Fr. Barbièri, « L’obligation d’aviser des motifs, préalable à la révocation du directeur général », Rev. sociétés 2011. 563.

■ Ph. Merle, Sociétés commerciales16e éd., Dalloz, coll. « Précis », 2013.

■ Com. 3 janv. 1985, n° 83-16.014.

■ Com. 21 juill. 1969, Bull. civ. IV, n° 277.

■ Com. 13 nov. 2003, n° 01-00.376.

■ Paris, 13 oct. 2006, n° 05/23871.

■ Paris, 2 oct. 1997, n° 95/21650.

■ Com. 15 mai 2007, n° 05-19.464.

■ Com. 29 mars 2011, n° 10-17.667.

■ Civ. 30 avr. 1878, DP 1878. 1. 314.

■ Com. 22 juill. 1986, n° 85-12.384.

 Code de commerce

Article L. 225-18

« Les administrateurs sont nommés par l'assemblée générale constitutive ou par l'assemblée générale ordinaire. Dans le cas prévu à l'article L. 225-16, ils sont désignés dans les statuts. La durée de leurs fonctions est déterminée par les statuts sans pouvoir excéder six ans. Toutefois, en cas de fusion ou de scission, la nomination peut être faite par l'assemblée générale extraordinaire. 

Les administrateurs sont rééligibles, sauf stipulation contraire des statuts. Ils peuvent être révoqués à tout moment par l'assemblée générale ordinaire. 

Toute nomination intervenue en violation des dispositions précédentes est nulle, à l'exception de celles auxquelles il peut être procédé dans les conditions prévues à l'article L. 225-24. »

Article L. 225-105

« L'ordre du jour des assemblées est arrêté par l'auteur de la convocation. 

Toutefois, un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital ou une association d'actionnaires répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120 ont la faculté de requérir l'inscription à l'ordre du jour de points ou de projets de résolution. Ces points ou ces projets de résolution sont inscrits à l'ordre du jour de l'assemblée et portés à la connaissance des actionnaires dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'État. Celui-ci peut réduire le pourcentage exigé par le présent alinéa, lorsque le capital social excède un montant fixé par ledit décret.

L'assemblée ne peut délibérer sur une question qui n'est pas inscrite à l'ordre du jour. Néanmoins, elle peut, en toutes circonstances, révoquer un ou plusieurs administrateurs ou membres du conseil de surveillance et procéder à leur remplacement.

L'ordre du jour de l'assemblée ne peut être modifié sur deuxième convocation. 

Lorsque l'assemblée est appelée à délibérer sur des modifications de l'organisation économique ou juridique de l'entreprise sur lesquelles le comité d'entreprise a été consulté en application de l'article L. 432-1 du code du travail, l'avis de celui-ci lui est communiqué. »

 

Auteur :H. V.

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