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Droit administratif général
Roms : expulsion d’un terrain ne vaut pas expulsion du territoire
Mots-clefs : Occupation illégale du domaine public, Ordre public (menace), Reconduite à la frontière, Expulsion
Une occupation illégale d’un terrain ne constitue pas en elle-même, en l’absence de circonstances particulières, une menace suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société et ne peut dès lors être considérée comme une menace pour l’ordre public au sens des dispositions de l’article L. 511-1-II-8° du CESEDA.
Par 11 jugements, en dates des 27 et 31 août 2010, le tribunal administratif de Lille a annulé 11 arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) ordonnant l’expulsion de 11 ressortissants roumains résidant en France depuis moins de trois mois. Ces APRF ont été pris à la suite de leur expulsion pour occupation illégale d’un terrain situé dans la commune de Villeneuve d’Ascq et appartenant à Communauté urbaine de Lille.
Le droit de l’Union européenne (UE) permet à tout ressortissant de l’Union de s’installer librement (art. 45 TFUE). Néanmoins, l’article 27 de la directive n° 2004/38/CE du 29 avril 2004 donne la possibilité à un État membre de l’UE de restreindre le droit d'entrée et de séjour des ressortissants communautaires pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Cependant, les mesures d’ordre public ou de sécurité publique « doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. (…) Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. »
Ainsi, constitue, par exemple, une menace réelle, actuelle et grave pour l’ordre public, un ressortissant roumain hospitalisé dans un établissement psychiatrique ayant tenté d’agresser au couteau le personnel soignant et de sécurité (CAA Lyon, 11 oct. 2007, Préfet du Rhône c. Moisa).
Tel n’est pas le cas, en revanche, de l’hypothèse d’une occupation illégale d’un terrain (TA Cergy-Pontoise, 13 août 2008, Bimbai ; CAA Versailles, 15 juillet 2009, Préfet du Val d’Oise). Selon l’arrêt de la CAA de Versailles, l’occupation illégale d’un terrain, « en l’absence de circonstances particulières, (…), ne suffisait pas à elle seule à caractériser l’existence d’une menace à l’ordre public (…) ».
Ainsi, les juges de la reconduite à la frontière, lors des audiences des 27 et 31 août 2010, ont repris cette même argumentation afin de justifier l’annulation des 11 APRF. Un préfet n’a pas la possibilité de motiver uniquement un arrêté de reconduite sur le fondement d’une occupation illégale d’un terrain. Cette atteinte au droit de propriété ne peut être considérée comme une menace suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société, comme une menace pour l’ordre public.
Le fait d’occuper le terrain d’autrui est puni d’une amende de cinquième classe (art. R. 116-2 C. voirie rout.) mais ne peut avoir pour conséquence de fonder une reconduite à la frontière, en l’absence de circonstances particulières.
C. de Gaudemont
TA Lille, 27 août 2010, Mme V., req. n° 1005249
Références
« Mesure prise par arrêté préfectoral à l’égard d’un étranger qui est la conséquence d’une obligation de quitter le territoire. Elle résulte, soit d’une décision de l’autorité administrative contre un étranger qui s’est vu refuser un titre de séjour, soit de plein droit du prononcé de la peine d’interdiction du territoire. »
« Ordre donné par le ministère de l’Intérieur à un étranger de quitter le territoire français. Cet ordre est contenu dans un arrêté d’expulsion. »
Source : Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010
■ CAA Lyon, 11 oct. 2007, Préfet du Rhône c. Moisa, req. n° 07LY1451.
■ TA Cergy-Pontoise, 13 août 2008, Bimbai, req. n° 0808705.
■ CAA Versailles, 15 juillet 2009, Préfet du Val d’Oise, req. n° 08VE03042.
■ Article L. 511-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
« I.-L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation.
La même autorité peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse à quitter le territoire français lorsqu'elle constate qu'il ne justifie plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par l'article L. 121-1.
L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration.
Les dispositions du titre V du présent livre peuvent être appliquées à l'étranger faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent.
L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut solliciter le dispositif d'aide au retour financé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, sauf s'il a été placé en rétention.
II.L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants :
1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;
2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ;
3° Si l'étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ;
4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre ;
5° Si l'étranger a fait l'objet d'une condamnation définitive pour contrefaçon, falsification, établissement sous un autre nom que le sien ou défaut de titre de séjour ;
6° Abrogé ;
7° Si l'étranger a fait l'objet d'un retrait de son titre de séjour ou d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour, dans les cas où ce retrait ou ce refus ont été prononcés, en application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, en raison d'une menace à l'ordre public.
8° Si pendant la période de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, pendant la période définie au 2° ci-dessus, le comportement de l'étranger a constitué une menace pour l'ordre public ou si, pendant cette même durée, l'étranger a méconnu les dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail. »
■ Article 27 de la directive n°204/38/CE du 29 avril 2004
« Principes généraux
1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d'un citoyen de l'Union ou d'un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.
2. Les mesures d'ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l'individu concerné. L'existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.
Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues.
3. Aux fins d'établir si la personne concernée représente un danger pour l'ordre public ou la sécurité publique, l'État membre d'accueil peut, lors de la délivrance de l'attestation d'enregistrement ou, s'il n'existe pas de système d'enregistrement, au plus tard dans les trois mois suivant l'entrée de la personne concernée sur son territoire ou à compter de la date à laquelle cette personne a signalé sa présence sur son territoire conformément à l'article 5, paragraphe 5, ou encore lors de la délivrance de la carte de séjour et s'il le juge indispensable, demander à l'État membre d'origine et, éventuellement, à d'autres États membres des renseignements sur les antécédents judiciaires de la personne concernée. Cette consultation ne peut avoir un caractère systématique. L'État membre consulté fait parvenir sa réponse dans un délai de deux mois.
4. L'État membre qui a délivré le passeport ou la carte d'identité permet au titulaire du document qui a été éloigné d'un autre État membre pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique de rentrer sur son territoire sans aucune formalité, même si ledit document est périmé ou si la nationalité du titulaire est contestée. »
(ex-article 39 TCE)
« 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de l'Union. FR 30.3.2010 Journal officiel de l’Union européenne C 83/65
2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.
3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique:
a) de répondre à des emplois effectivement offerts,
b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres,
c) de séjourner dans un des États membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux, d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements établis par la Commission, sur le territoire d'un État membre, après y avoir occupé un emploi.
4. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l'administration publique. »
■ Article R. 116-2 du Code de la voirie routière
« Seront punis d'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe ceux qui :
1° Sans autorisation, auront empiété sur le domaine public routier ou accompli un acte portant ou de nature à porter atteinte à l'intégrité de ce domaine ou de ses dépendances, ainsi qu'à celle des ouvrages, installations, plantations établis sur ledit domaine ;
2° Auront dérobé des matériaux entreposés sur le domaine public routier et ses dépendances pour les besoins de la voirie ;
3° Sans autorisation préalable et d'une façon non conforme à la destination du domaine public routier, auront occupé tout ou partie de ce domaine ou de ses dépendances ou y auront effectué des dépôts ;
4° Auront laissé écouler ou auront répandu ou jeté sur les voies publiques des substances susceptibles de nuire à la salubrité et à la sécurité publiques ou d'incommoder le public ;
5° En l'absence d'autorisation, auront établi ou laissé croître des arbres ou haies à moins de deux mètres de la limite du domaine public routier ;
6° Sans autorisation préalable, auront exécuté un travail sur le domaine public routier ;
7° Sans autorisation, auront creusé un souterrain sous le domaine public routier. »
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