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[ 22 septembre 2011 ] Imprimer

Droit des obligations

Rupture brutale d’une relation commerciale établie : responsabilité à l’égard des tiers

Mots-clefs : Responsabilité, Rupture des relations commerciales, Tiers, Responsabilité délictuelle

Un tiers peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la rupture brutale d’une relation commerciale dès lors que ce manquement lui a causé un préjudice.

Un fournisseur a rompu ses relations commerciales avec l’exportateur français qui assurait la distribution de ses produits en Thaïlande par l’intermédiaire d’une de ses filiales. L’exportateur et le distributeur ont assigné le fournisseur en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive d’une relation commerciale établie (art. L. 442-6, I, 5 °C. com.).

La cour d’appel a fait droit à leur demande. En particulier, elle a considéré que, bien que tiers aux relations commerciales ayant existé entre le fournisseur et l’exportateur, le distributeur est fondé à demander réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. Les juges du fond ont motivé leur décision en se référant à l’arrêt d’Assemblée plénière du 6 octobre 2006. On se souvient que, dans celui-ci, la Cour de cassation a admis que « le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ». Appliquant cette décision, la cour d’appel en a déduit que la responsabilité du fournisseur à l’égard du distributeur était engagée dès lors qu’étaient établis :

– une faute (la rupture brutale de la relation commerciale établie entre le fournisseur et l’exportateur) ;

– un dommage (la perte de chiffre d’affaires du distributeur) ;

– et un lien de causalité entre les deux (cette perte est due à ladite rupture).

Dans son pourvoi dirigé contre cet arrêt, le fournisseur fait notamment valoir que « la vocation de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce de ne régir que les relations entre les partenaires commerciaux ne permet d’indemniser que le dommage directement subi par la victime de la rupture mais non un éventuel dommage par ricochet. En condamnant le fournisseur à indemniser un tiers, au motif qu’il assurait la revente des produits objets de la relation commerciale entre le fournisseur et l’exportateur rompue brutalement, la cour d’appel a violé le texte précité, ensemble l’article 1382 du code civil ».

Insensible à cette argumentation, la Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve la cour d’appel d’avoir fait application de la solution dégagée en 2006. Si la philosophie des deux arrêts est identique, une différence importante doit être relevée. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de 2006, il s’agissait de savoir si un manquement contractuel d’une partie pouvait entraîner l’engagement de sa responsabilité délictuelle à l’égard d’un tiers. Dans cet arrêt du 6 septembre 2011 en revanche, c’est la responsabilité délictuelle du fournisseur à l’égard de l’exportateur qui est invoquée par le distributeur au soutien de sa demande de dommages-intérêts. La Cour de cassation considère en effet que la rupture brutale d’une relation commerciale établie « engage la responsabilité délictuelle de son auteur » (Com. 6 févr. 2007). Il s’ensuit qu’un tiers au même titre qu’une partie au contrat peut invoquer un manquement délictuel d’un cocontractant dès lors qu’il en est résulté pour lui un préjudice.

Com. 6 sept. 2011, n° 10-11.975, F-P+B

 

 

Références

Article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce

« I.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

(…)

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur.A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d'une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l'application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d'au moins un an dans les autres cas ;

(…) »

■ Article 1382 du Code civil

« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Ass. plén. 6 oct. 2006, n° 05-13.255, D. 2006. 2825.

Com. 6 févr. 2007, n° 04-13.178, RTD civ. 2007. 343.

 

Auteur :I. G.


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