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Rupture fautive des concours bancaires : seul le préjudice personnellement subi par la caution peut être indemnisé
Mots-clefs : Rupture fautive des concours bancaires, Responsabilité de la banque envers la caution, Conditions d’engagement, Préjudice personnel de la caution
La caution ne peut prétendre à être indemnisé du préjudice causé par la rupture fautive des concours bancaires, et consistant dans la perte de valeur du fonds de commerce de son propriétaire, dès lors que ce préjudice est subi par le débiteur principal et non, à titre personnel, par la caution.
La gérante d’une EURL s'était portée caution solidaire de la société pour le remboursement de plusieurs prêts bancaires et le solde du compte courant de cette dernière. Celle-ci ayant été placée en liquidation judiciaire, la banque avait assigné la caution en paiement. La cour d’appel la débouta de sa demande au motif de la rupture fautive des concours financiers qu’elle s’était engagée à accorder à la société et que la caution était fondée à invoquer, pour échapper au paiement des sommes restant dues et obtenir une indemnisation de son préjudice. La banque forma un pourvoi en cassation pour contester la faute qui lui était reprochée.
Elle invoquait que la rupture d'une autorisation de découvert à durée déterminée n'est pas soumise au délai légal de préavis de soixante jours, applicable aux seuls concours à durée indéterminée, mais doit seulement être précédée d'un préavis dont il appartient au juge de s'assurer qu'il était suffisant. Elle soutenait, également, que la banque peut réduire ou interrompre un crédit sans préavis lorsque le bénéficiaire se trouve dans une situation irrémédiablement compromise.
La Cour refusa d’accueillir le moyen au motif que, sauf stipulation contractuelle, une ouverture de crédit consentie à une entreprise pour une durée déterminée ne peut être réduite ou interrompue avant son terme que dans les cas prévus par l'article L. 313-12, alinéa 2, du Code monétaire et financier.
Si c'est à tort que la cour d’appel, après avoir constaté que la banque ne rapportait pas la preuve du caractère irrémédiablement compromis de la situation de l'EURL, en a déduit qu'elle était tenue de respecter le délai de préavis de soixante jours fixé par l'alinéa 1er de ce texte (qui ne concerne que les concours à durée indéterminée), l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure dès lors que n'était invoquée aucune autre cause de rupture anticipée.
En revanche, la décision des juges du fond est cassée concernant la responsabilité de la banque envers la caution. Celle-ci est tenue, en vertu du caractère accessoire de son engagement, de payer à la banque le montant des sommes restant dues par le débiteur principal. Elle ne peut prétendre à la réparation du préjudice – la perte de valeur du fonds de commerce –, subi par l’entreprise, et non par elle à titre personnel.
Conformément au droit commun des contrats, un établissement bancaire ne peut rompre à sa guise ses relations contractuelles avec un client. Ainsi la rupture partielle ou totale de la convention d'ouverture de crédit sera-t-elle considérée comme fautive si elle intervient, comme en l’espèce, avant le terme fixé.
La faute sera également retenue si la banque rompt ses concours sans délai de préavis, dans le cas d’un crédit consenti pour une durée indéterminée (C. mon. fin., art. L. 313-12).
En outre, la cause de la rupture est contrôlée par les juges ; or la mise en redressement ou en liquidation judiciaire d'une entreprise provoquée par le refus d'un crédit promis (Com. 31 mars 1992) ou par le retrait brutal d'un concours financier, engage la responsabilité du banquier (Com. 14 déc. 1999 ; Com. 26 sept. 2006). Il en va de même, lorsque la raison invoquée par le banquier pour interrompre son concours et rendre immédiatement exigible le crédit consenti est la cessation des paiements de son client (Com. 25 mars 2003).
Dans la plupart des cas, le dommage résultant de la réduction ou de l'interruption du crédit n’est pas seulement subi par l'entreprise emprunteuse. Il atteint également différents tiers – notamment les créanciers de celle-ci lorsqu'il se traduit par l'ouverture d'une procédure collective–, ainsi que la caution appelée en paiement à la place du débiteur. Les dommages réparés ne sont toutefois pas identiques.
Collectif, le préjudice subi par les créanciers est, pour cette raison, réservé au mandataire judiciaire, alors que la caution poursuivie en paiement est recevable à agir en responsabilité, à titre individuel, contre la banque, et à solliciter des dommages-intérêts en réparation de son préjudice personnel, distinct de celui subi par le débiteur principal, résultant de la rupture brutale par celle-ci de ses concours (Com. 26 sept. 2006, préc. ; Com. 19 juin 2007).
En règle générale, le préjudice subi par la caution réside dans sa perte d'une chance de ne pas avoir été appelée en paiement, ou de l’avoir été pour un montant moindre (Com. 4 déc. 1990 ; Com. 30 mars 2010). Parfois, les dirigeants ou associés cautions sont également indemnisés de la perte d'une chance de sauvegarder tout ou partie de la valeur de leur investissement et de conserver leur poste à la tête de l'entreprise (Com. 17 juill. 2001).
En revanche, la réparation est refusée lorsque, comme en l’espèce, le préjudice est personnellement subi par le débiteur principal, et non par la caution. Elle le sera également lorsque les causes de la cessation des paiements sont étrangères à la faute commise par la banque et qu'il n'y a donc pas de lien de causalité entre celle-ci et le dommage allégué (Com. 23 oct. 2001), ou bien encore lorsque les dommages-intérêts versés par la banque, à la demande du liquidateur, ont replacé l'entreprise dans la situation patrimoniale qui était la sienne avant la rupture abusive du crédit et que la faute commise par la banque n'est pas la cause déterminante de la procédure collective ouverte postérieurement (Com. 9 juill. 2002).
Com. 24 mars 2015, n°13-16.076
Références
■ Article L. 313-12 du Code monétaire et financier
Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours. Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours. Dans le respect des dispositions légales applicables, l'établissement de crédit ou la société de financement fournit, sur demande de l'entreprise concernée, les raisons de cette réduction ou interruption, qui ne peuvent être demandées par un tiers, ni lui être communiquées. L'établissement de crédit ou la société de financement ne peut être tenu pour responsable des préjudices financiers éventuellement subis par d'autres créanciers du fait du maintien de son engagement durant ce délai.
L'établissement de crédit ou la société de financement n'est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise.
Le non-respect de ces dispositions peut entraîner la responsabilité pécuniaire de l'établissement de crédit ou de la société de financement.
■ Com. 31 mars 1992, n°90-14.867, Bull. civ. IV, n° 145.
■ Com. 14 déc. 1999, n°97-14.500, Bull. civ. IV, n° 230.
■ Com. 26 sept. 2006, n° 05-16.954.
■ Com. 25 mars 2003, n° 00-11.674.
■ Com. 4 déc. 1990, n° 89-16.338.
■ Com. 30 mars 2010, n° 09-14.287.
■ Com. 19 juin 2007, n° 05-14.300.
■ Com. 17 juill. 2001, n° 98-21.545.
■ Com. 23 oct. 2001, n° 98-16.286.
■ Com. 9 juill. 2002, n° 98-14.256.
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