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Droit des sûretés et de la publicité foncière
Saisie immobilière, bien indivis et divorce
Saisie immobilière d’un bien hypothéqué devenu indivis après le divorce des époux et avant la procédure collective : pas de saisine nécessaire du juge commissaire.
Une banque a consenti un prêt par acte notarié les 20 mai et 2 juin 1999 à un couple, l’épouse étant autorisée à agir seule pour le compte de la communauté par un jugement du 23 mars 1999. Le prêt était garanti par une inscription d’hypothèque sur des biens immobiliers dépendant de la communauté. Un arrêt du 24 septembre 2002 a prononcé le divorce du couple. L’époux fut placé en liquidation judiciaire par un jugement du 4 mai 2004, lequel désigna un liquidateur.
Le 7 octobre 2015, la banque a délivré au couple un commandement de payer valant saisie des biens et droits immobiliers. Ce commandement étant resté sans effet, la banque a assigné ces derniers à l’audience d’orientation du juge de l’exécution.
L’épouse demanda à faire déclarer irrecevables les poursuites sur saisie immobilière en raison de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de son époux. Les deux premiers moyens intéressent le droit des régimes matrimoniaux, sur les conséquences de l’autorisation donnée par le juge à l’épouse de signer seule l’acte de prêt hypothécaire. Nous nous concentrons surtout sur le troisième moyen.
La cour d’appel d’Aix en Provence le 28 octobre 2016, rejeta l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’épouse.
L’épouse forma donc un pourvoi en cassation contre cette décision et avança notamment que le créancier hypothécaire, qui exerce des poursuites de saisie immobilière sur un bien indivis sur lequel une personne soumise à une procédure collective a des droits, est tenu de présenter une requête au juge-commissaire. Peu importe que le créancier soit titulaire d'une hypothèque consentie par tous les indivisaires, lui permettant de poursuivre la saisie et la vente de ce bien avant le partage de l’indivision en vertu de l’article 815-17 du Code civil.
La Cour de cassation rejeta le pourvoi. Elle considère en effet que le créancier hypothécaire de l’indivision préexistante à la procédure collective d’un indivisaire, qui entend poursuivre la saisie immobilière sur un bien indivis, n’est pas tenu de saisir le juge commissaire. Dès lors, la banque pouvait exercer son droit de poursuite sur le bien indivis, ce dernier échappait à la procédure collective. La banque pouvait donc fixer la modalité de la vente sans autorisation du juge commissaire.
Il convient tout d’abord de rappeler que la loi applicable en matière de procédures collectives était celle du 25 janvier 1985 car le jugement d’ouverture de la procédure collective datait du 4 mai 2004.
L’immeuble était tombé en indivision une fois le divorce prononcé en 2002 : l’indivision était préexistante à la procédure collective. De ce fait, la Cour de cassation écarte les règles prévues en matière de procédure collective (solution classique de la Cour de cassation : V. notamment Com. 13 déc. 2005, n° 02-17.778) pour la cession des biens et applique l’article 815-17, alinéa 1er du Code civil, selon lequel : « Les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût indivision, et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis, seront payés par prélèvement sur l'actif avant le partage. Ils peuvent en outre poursuivre la saisie et la vente des biens indivis ». Ainsi, les créanciers de l’indivision sont autorisés à poursuivre la saisie et la vente des biens indivis et peuvent donc fixer les modalités de la vente sans autorisation préalable du juge-commissaire.
Normalement les articles 154 et 161 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 s’imposent, respectivement, car le juge-commissaire doit fixer, après avoir recueilli les observations des contrôleurs, le débiteur et le liquidateur entendus ou dûment appelés, la mise à prix et les conditions essentielles de la vente et déterminer les modalités de la publicité et lorsqu'une procédure de saisie immobilière a été engagée avant le jugement d'ouverture. Le créancier titulaire d'une hypothèque est dispensé, lors de la reprise des poursuites individuelles, des actes et formalités effectués avant ce jugement. Cependant si l’indivision est postérieure à l’ouverture de la procédure collective la saisine préalable du juge commissaire serait nécessaire.
Civ. 1re, 24 mai 2018, n° 16-26.378
Référence
■ Com. 13 déc. 2005, n° 02-17.778 P : D. 2006. 302, obs. A. Lienhard.
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