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[ 30 mars 2022 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Salut Marie !

Le Conseil d’État confirme que la statue de la Vierge doit être retirée d’un terrain appartenant à une commune et précise que l’interdiction d’élever ou d’apposer des signes ou emblèmes religieux s’applique au domaine public mais également au domaine privé des personnes publiques.

CE 11 mars 2022, n° 454076

Une Vierge de 3,60 mètres, financée par des personnes privées, a été installée en 2014 sur le territoire d’un petit village savoyard d’environ 300 âmes, à 30 minutes à pied du village sur un promontoire rocheux où l’on trouve également une croix vers laquelle des « processions cheminent à la Pentecôte depuis l'église du village à travers un sentier dans les bois ».

Au nom du principe de laïcité, quelques administrés ont saisi le juge administratif afin qu’il soit enjoint au maire de retirer la statue de la Vierge Marie. Si le tribunal administratif n’a pas fait droit à leur demande, la cour administrative d’appel et le Conseil d’État ont estimé que la statue litigieuse ne devait plus se situer sur le domaine communal.

La parcelle où est installée la statue de la Vierge constitue-t-elle par elle-même un édifice servant au culte ?

Selon le Conseil d’État, même si la parcelle où est installée la statue de la Vierge est un lieu de procession depuis le XVIIIème siècle où est également implantée une ancienne croix romaine, cette parcelle ne peut être regardée comme constituant par elle-même un édifice servant au culte au sens de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État. Pour mémoire, cet article pose le principe selon lequel « il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit », et énumère ensuite les exceptions pour lesquelles il est possible d'élever ou d'apposer des signes ou emblèmes religieux sur le domaine public : les édifices servant au culte, les terrains de sépulture dans les cimetières, les monuments funéraires, les musées ou expositions. 

Cette parcelle peut-elle être qualifiée de dépendance immobilière nécessaire de l’église de la commune ?

Pour qu’un emplacement soit qualifié de dépendance d’un édifice du culte ou plus exactement de dépendance immobilière nécessaire de l'église (V. L. 1905 préc., art. 12 et 13 et L. du 2 janv. 1907 concernant l'exercice public des cultes, art. 5), il doit exister un lien fonctionnel entre la dépendance et l’église, « une soumission de cet emplacement au même régime juridique que l’église elle-même », c’est-à-dire que l’emplacement doit être affecté et associé à l’exercice du culte (CE, ass., 1er avr. 1938, Sieurs Laplanche-Coudert et autres, n° 53490). Toutefois, dans l’affaire du 11 mars 2022, le Conseil d’État note que cette question est sans incidence sur la légalité de la statue litigieuse puisque même si la parcelle sur laquelle elle est installée était considéré comme une dépendance immobilière nécessaire de l'église, il demeure interdit d’installer de nouveaux signes ou emblèmes religieux sur un emplacement public. 

Le domaine privé des personnes publiques est-il également concerné par l’interdiction d'élever ou d'apposer des signes ou emblèmes religieux ?

Le Conseil d’État précise explicitement pour la première fois qu’il ne résulte ni de l'article 28 de la loi du 9 décembre 1905 ni d'aucune autre disposition législative que l'interdiction « à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux en quelque emplacement public que ce soit » serait limitée aux seules dépendances du domaine public, sans devoir aussi trouver application au domaine privé des personnes publiques. Ainsi, que le domaine d’une commune soit privé ou public, il est interdit d’y installer des signes religieux de quelque nature que ce soit.

 

Auteur :Christelle de Gaudemont

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