Actualité > À la une
À la une
![](typo3temp/pics/4808141014.jpg)
Droit des obligations
Sanctions de l’inexécution : point sur les sanctions visant à obtenir l’exécution du contrat
Lorsque le débiteur n’a pas exécuté ses obligations et à supposer que cette inexécution ne soit pas imputable à un cas de force majeure, le créancier a le choix entre trois sanctions pour obtenir l’exécution de l’obligation.
La première, l’exception d’inexécution, se présente comme un remède temporaire à l’inexécution alors que les deux suivantes – l’exécution forcée en nature et la réduction du prix – ont un caractère définitif. Toutes ont en revanche pour point commun de permettre au créancier d’obtenir l’exécution du contrat, se distinguant ainsi des sanctions de l’inexécution ayant pour objet distinct de mettre fin à la convention par la résolution ou d’obtenir l’indemnisation du préjudice subi du fait de l’inexécution (v. C. civ. art. 1217).
■ Pour obtenir l’exécution de la convention, le créancier peut tout d’abord opposer au débiteur l’exception d’inexécution (C. civ. art. 1219), à la condition que son obligation soit interdépendante de celle inexécutée, et qu’il invoque un manquement grave. Ce moyen de défense propre au contrat synallagmatique permet à chaque partie de refuser d’exécuter son obligation tant qu’elle n’a pas reçu la prestation qui lui est due.
Depuis l’ordonnance du 10 février 2016, elle peut être exercée de manière préventive en cas de risque manifeste d’une grave inexécution par le débiteur de ses obligations (art. 1220). Si elle vise, de façon générale, à faire pression sur le débiteur récalcitrant, elle est, par essence, purement temporaire puisque les obligations sont seulement suspendues, et restent exigibles.
La mise en œuvre de l’exception d’inexécution obéit à des conditions très souples. Unilatéralement, celle-ci s’exerce hors de toute intervention du juge, constituant ainsi, de façon originale, une voie de justice privée. En outre, la mise en demeure préalable du débiteur n’est pas exigée.
■ Pour remédier à l’inexécution, le créancier peut également intenter une action en exécution forcée en nature de l’obligation (C. civ. art. 1221), qui lui permet de mettre en œuvre des moyens de contrainte variés, dont l’astreinte, qui consiste dans la condamnation judiciaire du débiteur à des dommages et intérêts proportionnels au nombre de jours de retard dans l’exécution, en sorte de le contraindre à s’exécuter.
Cette exécution forcée est possible à l’encontre de toute obligation, sauf lorsque celle-ci s’avère impossible. Dans cette perspective, il suffit que l’exécution en nature soit matériellement ou juridiquement impossible, sans que le créancier n’ait à rapporter la preuve supplémentaire d’un cas de force majeure (Civ. 1re, 18 déc. 2024, n° 24-14.750). Depuis l’ordonnance du 10 février 2016, l’exécution forcée en nature est également exclue en cas de disproportion manifeste de son coût pour le débiteur de bonne foi au regard de l’intérêt procuré au créancier.
En raison de sa distinction avec la réparation en nature, l’exécution forcée en nature ne peut porter que sur une obligation expressément prévue au contrat : le créancier ne peut donc pas obtenir du juge qu’il contraigne le débiteur à s’exécuter en lui ordonnant de modifier sa prestation initiale par une prestation de remplacement qui reposerait sur une obligation contractuelle implicite. Par exemple, si un distributeur s’engage à livrer de l’eau potable au domicile de son cocontractant, il ne peut se voir ordonner, en cas d’impossibilité d’exécuter son obligation, de lui livrer de l’eau minérale en bouteilles dès lors qu’une telle obligation alternative, implicite, n’est pas stipulée au contrat (Civ. 1re, 18 déc. 2024, préc.)
■ Pour sanctionner l’inexécution du contrat qu’il entend maintenir, le créancier peut enfin opérer une réduction du prix du contrat inexécuté (C. civ. art. 1223). Innovation de la loi de ratification du 20 avril 2018, cette sanction est mise en œuvre unilatéralement par le créancier, victime d’une inexécution partielle de la convention, qui souhaite maintenir le contrat en payant un prix inférieur à celui initialement convenu. En théorie unilatérale en ce que le créancier se contente, dans un premier temps, de notifier au débiteur sa décision de réduire le prix, cette sanction est toutefois « bilatéralisée » par la nécessité du créancier d’obtenir, dans un second temps, l’acceptation écrite du débiteur. Et ce n’est pas la seule contradiction que révèle la mise en œuvre de cette sanction dont le caractère judiciaire a été récemment reconnu alors qu’elle se présente, en principe, comme une sanction unilatérale extrajudiciaire (Civ.1re, 18 déc.2024, préc.). Dans cette optique, deux situations sont distinguées par le texte de l’article 1223, selon que le créancier a déjà ou non payé la prestation partiellement inexécutée :
● La réduction du prix après paiement peut résulter soit d’un accord des parties, soit d’une décision du juge. Expressément prévu par la loi (art. 1223, al. 2), le recours au juge est ici logique : si le créancier a déjà tout payé au débiteur, il ne peut rien retenir. Il faut alors demander au juge de réduire le prix, mais ce n'est désormais plus une sanction unilatérale, extrajudiciaire …
● En l’absence de paiement total ou partiel du prix, le créancier peut unilatéralement réduire le prix à la condition de notifier sa décision au débiteur qui doit, en cas d’acceptation de cette décision, formaliser son accord par écrit à l’effet d’empêcher toute contestation ultérieure devant le juge (art. 1223, al. 1). Cependant, comme pour tout usage d’une prérogative contractuelle unilatérale, la voie judiciaire reste ouverte au débiteur si le créancier a usé abusivement de cette prérogative en retenant à tort une partie du prix. En outre, il est admis que le juge peut être saisi par le créancier pour mettre en œuvre cette sanction, pourtant extra-judiciaire. Autrement dit, la réduction du prix peut, en toute hypothèse, être demandée en justice, ce qui revient à aligner son régime sur celui de la résolution du contrat. En effet, en matière de résolution, si la résolution unilatérale est la règle, l'article 1227 prévoit que la résolution peut "en toute hypothèse", être demandée en justice. Il en va désormais de même de la réduction du prix. Rien de tel, en revanche, pour cette autre sanction unilatérale qu’est l’exception d’inexécution.
Or la possibilité pour le créancier qui n’a pas payé tout ou partie du prix de saisir le juge d’une demande de réduction du prix est non seulement contraire au mécanisme de la réduction unilatérale, précisément conçu comme un moyen destiné à éviter une saisine du juge, mais également dispensable en pratique, contrairement à l’hypothèse de l’alinéa 2.
À noter enfin que ce pouvoir judiciaire de réduction du prix laisse augurer d’importantes difficultés pratiques dans sa mise en application dès lors qu’en théorie, la réduction du prix doit être distinguée d’une action en réparation du préjudice causé par l’inexécution partielle.
Référence :
■ Civ. 1re, 18 déc. 2024, n° 24-14.750 : D. 2025. 172, note T. Genicon
Autres À la une
-
Droit des personnes
[ 12 février 2025 ]
La protection du patrimoine de la personne vulnérable (1er tableau)
-
Droit européen et de l'Union européenne
[ 11 février 2025 ]
Indépendance de l’avocat : la participation d’investisseurs purement financiers dans une société d’avocats peut être interdite
-
Introduction au droit
[ 10 février 2025 ]
Point sur l’application dans le temps de la jurisprudence
-
Droit des obligations
[ 7 février 2025 ]
Responsabilités contractuelle et extracontractuelle : point sur le principe de non-option
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 6 février 2025 ]
Irrecevabilité du fait de l’erreur de l’avocat et droit d’accès à un tribunal
- >> Toutes les actualités À la une