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Droit des obligations
SARL : nullité des assemblées générales en raison de la participation d'une personne n'ayant pas la qualité d'associé
Il résulte de la combinaison des articles 1844, alinéa 1er, et 1844-10, alinéa 3, du Code civil que la participation d'une personne n'ayant pas la qualité d'associé aux décisions collectives d'une société à responsabilité limitée constitue une cause de nullité des assemblées générales au cours desquelles ces décisions ont été prises, dès lors que l'irrégularité est de nature à influer sur le résultat du processus de décision.
Com. 11 oct. 2023, n° 21-24.646
Par la décision rapportée, la chambre commerciale de la Cour de cassation apporte des précisions au sujet de la nullité d’une AGO fondée sur le vote de non-associés.
Le 22 juin 1992, une mère et son fils avaient constitué à parts égales une société à responsabilité limitée, détenant chacun deux cent cinquante parts. Par deux actes du 11 mars 1998, des époux s’étaient portés acquéreurs de l’intégralité des parts de la mère. Par deux actes du même jour, son fils avait cédé deux cents parts à deux autres personnes physiques. La mère est décédée le 4 septembre 2010, laissant pour lui succéder ses deux enfants. Soutenant avoir appris, à l’ouverture de la succession de sa mère, que les parts que celle-ci détenait dans le capital de la SARL ne faisaient plus partie du patrimoine successoral, la fille de la défunte contesta la signature prétendument apposée par sa mère sur les actes de cession et assigna les cessionnaires en nullité de la cession des parts pour voir celles-ci réintégrées à l’actif successoral. Intervenu volontairement à l’instance, son frère – associé fondateur de la SARL – assigna quant à lui la société en annulation de diverses assemblées générales ordinaires auxquelles avaient participé les cessionnaires. La nullité de la cession des parts et des assemblées a été prononcée par la cour d’appel, aux motifs que les cessionnaires n’avaient pas la qualité d’associé, entraînant de facto la nullité des décisions collectives (C. civ., art. 1844, al. 1er et 1844-10, al. 3). La SARL et les cessionnaires forment alors un pourvoi en cassation dans lequel ils contestent d’abord la recevabilité de l’action en nullité de la cession des parts, puis le fondement de la nullité des assemblées. Leur pourvoi est rejeté.
Concernant la recevabilité de l’action en nullité de la cession, que les demandeurs estimaient prescrite, la Chambre commerciale rappelle que l’action en nullité exercée par un héritier, destinée à protéger l'intérêt privé d’un associé, est soumise à la prescription quinquennale prévue par l’article 1304 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008, dont le point de départ court pour l’héritier non pas depuis la date de la cession, mais depuis celle du décès de l’associé, soit le 4 septembre 2010, de sorte que l’action n'’était pas prescrite.
Concernant le bien-fondé de l’action en nullité des assemblées, il n’était pas contesté par les demandeurs au pourvoi que la nullité de la cession avait emporté la perte rétroactive de la qualité d’associé des cessionnaires et la nullité en cascade des assemblées auxquelles ils avaient participé. Pour contester le prononcé de la nullité de ces assemblées, la SARL et les cessionnaires prétendaient alors que celles-ci étaient fondées sur l’irrégularité de la convocation du fait de la présence des cessionnaires. Or en cas d’irrégularité de convocation, la nullité est facultative (C. com., art. L. 223-27, al. 4), si bien qu’en l’espèce, la cour d’appel aurait dû, au regard de ses conséquences sur le fonctionnement de la société, s’abstenir de la prononcer. L’argumentation est balayée par la chambre commerciale au motif que l’annulation des assemblées générales était sollicitée « non pas parce qu’elles ont été irrégulièrement convoquées, mais parce qu’elles ont été tenues avec des personnes dépourvues de la qualité d’associé ». Autrement dit, le fondement de la demande n’était pas l’irrégularité de convocation mais le fait qu’un non-associé a participé à une décision collective, si bien que la délibération violait l’article 1844 du Code civil selon lequel tout associé a le droit de participer aux décisions collectives, ce qui se lit aussi comme signifiant que seul un associé peut y participer. L'article L. 223-27 du Code de commerce étant ainsi inapplicable au litige, le juge était privé de la liberté que ce texte de droit spécial lui reconnaît : en l’espèce, les juges du fond étaient bien tenus de prononcer la nullité d’une délibération qui violait une disposition impérative du titre IX du livre III du code civil (C. civ., art. 1844-10, al. 3).
La Cour de cassation vient toutefois poser une condition à l’annulation de ces assemblées: de la combinaison des articles 1844, alinéa 1, et 1844-10, alinéa 3, du Code civil, il résulte que la participation d'une personne n'ayant pas la qualité d'associé aux décisions collectives d'une société à responsabilité limitée constitue une cause de nullité des assemblées générales au cours desquelles ces décisions ont été prises, dès lors que l'irrégularité est de nature à influer sur le résultat du processus de décision. Pareille influence existait bien, en l’espèce, puisque les cessionnaires - privés rétroactivement du droit de participer aux assemblée - détenaient 90 % des parts sociales de la SARL.
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