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Droit des biens
Servitude naturelle d’écoulement des eaux : droit du propriétaire du fonds inférieur en cas d’aggravation
Mots-clefs : Servitude naturelle d'écoulement des eaux, Aggravation, Expertise, Atteinte au droit de propriété
Le propriétaire du fonds inférieur ne peut être contraint d’accepter la réalisation d’un ouvrage sur son propre fonds afin de remédier à une aggravation de la servitude naturelle d’écoulement des eaux causée par le propriétaire du fonds supérieur.
Les propriétaires d’un terrain se sont plaints d’être inondés par l’arrivée d’eau en provenance de parcelles situées à un niveau plus élevé. Souhaitant voir réparé leur préjudice, ils ont assignés les propriétaires des fonds supérieurs et demandé que les dites propriétés soient raccordées au réseau communal. L’expertise judiciaire démontra que la construction de maisons et piscines sur les fonds dominants était effectivement à l’origine de la stagnation des eaux sur le fonds servant mais préconisa une autre solution plus efficace et économique pour faire cesser le dommage : la réalisation de travaux sur la propriété du fonds inférieur.
Les époux victimes pouvaient-ils refuser la solution retenue par l’expert et les juges du fonds sous le seul prétexte qu’elle portait atteinte à leur propre terrain ?
Oui, répond la Haute cour qui casse l’arrêt d’appel au visa des articles 640, 544, 545 et 641 du Code civil : « Le propriétaire du fonds inférieur ne peut être contraint, afin de remédier à une aggravation de la servitude naturelle d’écoulement des eaux causée par le propriétaire du fonds supérieur, d’accepter la réalisation d’un ouvrage sur son propre fonds. »
Cette solution s’explique par le fait que si le propriétaire du fond situé en contrebas est tenu de laisser s’écouler sur son fonds les eaux provenant du fonds supérieur (art. 640 al. 1er C. civ.), rien ne doit être fait par le propriétaire du fond dominant qui aggraverait la servitude du fonds inférieur (art. 640 al. 3 C. civ.). En outre, en imposant aux propriétaires du fond inférieur la solution retenue par l’expert, quand bien même elle aurait mis fin au désordre, les juges du fond ont porté atteinte au droit de propriété (art. 545 C. civ.) et aux prérogatives du propriétaire sur son bien, à savoir : le droit de jouir et de disposer de sa propriété de la manière la plus absolue (art. 544 C. civ.).
Civ. 3e, 29 sept. 2010, n°09-69.608
Références
« Charge imposée à un immeuble, bâti ou non bâti (le fonds servant), au profit d’un autre immeuble appartenant à un propriétaire distinct (le fonds dominant). La servitude établit une sorte de rapport juridique entre deux fonds, s’imposant ou bénéficiant à tous les propriétaires successifs du même fonds. Elle est un droit réel principal attaché au fonds auquel elle profite. Elle est apparente lorsqu’un signe extérieur la révèle. Elle est continue lorsqu’elle s’exerce sans l’intervention de l’homme. Elle est positive lorsqu’elle confère au propriétaire du fonds dominant le droit de faire un acte positif sur le fonds servant (droit de passage par ex.).
Quant à son origine, la servitude dérive ou de la situation naturelle des lieux (écoulement des eaux), ou des obligations imposées par la loi (marchepied), ou des conventions entre propriétaires (passage). »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■Code civil
« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. »
« Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité. »
« Les fonds inférieurs sont assujettis envers ceux qui sont plus élevés à recevoir les eaux qui en découlent naturellement sans que la main de l'homme y ait contribué.
Le propriétaire inférieur ne peut point élever de digue qui empêche cet écoulement.
Le propriétaire supérieur ne peut rien faire qui aggrave la servitude du fonds inférieur. »
« Tout propriétaire a le droit d'user et de disposer des eaux pluviales qui tombent sur son fonds.
Si l'usage de ces eaux ou la direction qui leur est donnée aggrave la servitude naturelle d'écoulement établie par l'article 640, une indemnité est due au propriétaire du fonds inférieur.
La même disposition est applicable aux eaux de sources nées sur un fonds.
Lorsque, par des sondages ou des travaux souterrains, un propriétaire fait surgir des eaux dans son fonds, les propriétaires des fonds inférieurs doivent les recevoir ; mais ils ont droit à une indemnité en cas de dommages résultant de leur écoulement.
Les maisons, cours, jardins, parcs et enclos attenant aux habitations ne peuvent être assujettis à aucune aggravation de la servitude d'écoulement dans les cas prévus par les paragraphes précédents.
Les contestations auxquelles peuvent donner lieu l'établissement et l'exercice des servitudes prévues par ces paragraphes et le règlement, s'il y a lieu, des indemnités dues aux propriétaires des fonds inférieurs sont portées, en premier ressort, devant le juge du tribunal d'instance du canton qui, en prononçant, doit concilier les intérêts de l'agriculture et de l'industrie avec le respect dû à la propriété.
S'il y a lieu à expertise, il peut n'être nommé qu'un seul expert. »
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