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Droit des obligations
Société anonyme : conditions de validité du cautionnement consenti par le président du directoire
Si le président du directoire a le pouvoir d'exécuter une décision prise par le directoire pour certains actes, dont la souscription d’un cautionnement, en vertu d'une autorisation préalablement donnée au directoire par le conseil de surveillance, il ne peut cependant conclure seul un contrat de cautionnement au nom de la société anonyme qu’à la condition d’avoir reçu du directoire une délégation de pouvoir spéciale à cette fin.
Com. 10 mai 2024, n° 22-20.439
Certaines sociétés anonymes sont dites bicéphales, en ce sens qu'elles sont dotées de deux organes de direction : un directoire et un conseil de surveillance. La conciliation des pouvoirs respectivement détenus par ces deux hémisphères est parfois délicate à opérer, comme en témoigne un arrêt rendu le 10 mai dernier à propos d’un cautionnement solidaire souscrit, sans habilitation spéciale, par le président du directoire d’une SA alors que seul le directoire, en tant qu’entité, avait été autorisé à contracter des garanties au profit de la société.
Au cas d'espèce, le président du directoire d'une société anonyme bicéphale avait conclu, au nom de la société, un cautionnement solidaire en garantie d’un prêt consenti à celle-ci. Appelée en garantie, la société prétendait ne pas avoir à honorer cet engagement de caution, dès lors que le président du directoire, l’ayant souscrit seul, n’avait pas été habilité à cette fin. En effet, si le conseil de surveillance, organe chargé par la loi d’autoriser les « cautions, avals et garanties » (article L. 225-68 C. com.), avait bien autorisé le directoire à consentir des garanties au nom de la société (article R. 225-53 du Code de commerce), le président du directoire n’avait, quant à lui, reçu aucun pouvoir pour agir de la sorte. En somme, une délégation de pouvoir du conseil de surveillance au directoire avait bien eu lieu, mais sans délégation spéciale du directoire lui-même à son président. Pour la cour d’appel, le cautionnement demeurait valable et opposable à la société, dès lors qu’il « ne résulte d'aucun texte, ni des statuts de la société (…), que le président du directoire de celle-ci doive lui-même être habilité par une décision spéciale du directoire à conclure l'acte de caution que le directoire a été autorisé à passer par le conseil de surveillance ».
Appelée à clarifier les dispositions précitées, la chambre commerciale devait ainsi répondre à la question de savoir si le président du directoire d’une société anonyme bicéphale peut valablement consentir un cautionnement dans la seule mesure où le conseil de surveillance a habilité le directoire à cette fin, ou s’il convient que le président du directoire ait en outre reçu une délégation spéciale pour contracter la garantie.
D’après la Chambre commerciale, si le président du directoire a le pouvoir d'exécuter une décision prise par le directoire, le cas échéant, pour certains actes au nombre desquels le cautionnement, en vertu d'une autorisation donnée au directoire par le conseil de surveillance, il ne peut, en l'absence d'une telle décision, décider par lui-même de consentir un engagement de caution au nom de la société qu’à la condition d’avoir reçu du directoire une délégation spéciale pour souscrire cette garantie. Or la Cour constate qu’en l’espèce, une décision du conseil de surveillance avait certes autorisé le directoire à souscrire un cautionnement au nom de la société anonyme, mais elle relève qu’aucune décision spéciale du directoire ne permettait en revanche à son président de conclure le cautionnement litigieux. Cassant leur décision pour manque de base légale, la Cour de cassation reproche ainsi aux juges du fond de ne pas avoir vérifié si le président du directoire avait été spécialement habilité par le directoire lui-même à conclure des cautionnements au nom de la société. Partant, pour permettre au président du directoire d’une société anonyme bicéphale de souscrire seul des actes de cautions, avals ou garanties, il convient non seulement que le conseil de surveillance ait préalablement habilité le directoire à agit à cette fin, mais il est encore requis que cette entité (le directoire) ait ensuite habilité son président à agir seul, notamment pour conclure un cautionnement au nom de la société anonyme.
À défaut, c’est la collégialité qui prévaut : le directoire habilité par le conseil de surveillance doit autoriser collégialement la constitution de sûretés.
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