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Droit de la famille
Société créée de fait entre concubins et enrichissement sans cause
Mots-clefs : Concubinage, Société créée de fait (conditions, affectio societatis), Enrichissement sans cause (conditions, absence de cause, non)
Par trois arrêts du 20 janvier 2010, la première chambre civile confirme la difficulté, pour un concubin, de revendiquer la qualité d'associé d'une société créée de fait ou de démontrer l'existence d'un enrichissement sans cause.
Dans la première affaire (n° 08-13.200), deux concubins avaient souscrit un emprunt pour financer la construction d’un pavillon sur le terrain acquis par l’un d’eux. Le bien fut vendu et la concubine, invoquant l’existence d’une société créée de fait, assigna son partenaire en paiement de la moitié du produit de la vente. La Cour de cassation censure, au visa de l’article 1832 du Code civil, l’arrêt qui avait accueilli favorablement cette demande. Rappelant que « l’existence d’une société créée de fait entre concubins, qui exige la réunion des éléments caractérisant tout contrat de société, nécessite l’existence d’apports, l’intention de collaborer sur un pied d’égalité à la réalisation d’un projet commun et l’intention de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu’aux pertes éventuelles pouvant en résulter », ces éléments cumulatifs devant être établis séparément et ne pouvant se déduire les uns des autres, la Haute Cour estime qu’en se déterminant comme elle l’a fait, « alors que l’intention de s’associer en vue d’une entreprise commune ne peut se déduire de la participation financière à la réalisation d’un projet immobilier et est distincte de la mise en commun d’intérêts inhérents au concubinage, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision » (v. déjà, Civ. 1re, 12 mai 2004 ; Com. 23 juin 2004).
Sur ce même fondement (distinction entre affectio societatis et « mise en commun d’intérêts inhérents au concubinage »), la Cour de cassation approuve, dans la deuxième affaire (pourvoi n° 08-16.105), la cour d’appel qui a refusé la demande de la concubine tendant à la reconnaissance d’une société créée de fait au motif que « l’intention des concubins de collaborer sur un pied d’égalité à un projet commun n’était pas établie » et, également, débouté l’intéressée sur le terrain de l’enrichissement sans cause (art. 1371 C. civ.), au motif que « l’assistance apportée sur le plan administratif par [celle-ci] à la bonne marche de l’entreprise artisanale de maçonnerie […] n’excédait pas une simple entraide ». La demande fondée sur l’enrichissement sans cause est également repoussée dans la troisième affaire (pourvoi n°08-13.400 ; pour des paiements effectués par le concubin – capital du restant dû sur l’emprunt contracté par la concubine pour acquérir son logement et paiement de la soulte due par celle-ci à son ex-mari – qui avaient pour cause le fait qu’il était logé dans le pavillon appartenait à cette dernière sans avoir à s’acquitter de loyer).
Civ. 1re, 20 janvier 2010, n°08-13.200, n° 08-16.105, n°08-13.400
Références
« Intention, qui doit animer les associés, de collaborer sur un pied d’égalité.
L’affectio societatis implique non seulement un esprit de collaboration mais aussi le droit, pour chaque associé, d’exercer un contrôle sur les actes des personnes chargées d’administrer la société. »
« Enrichissement d’une personne en relation directe avec l’appauvrissement d’une autre, alors que le déséquilibre des patrimoines n’est pas justifié par une raison juridique.
La personne appauvrie peut exercer l’action “ de in rem verso ” .»
« Société résultant du comportement de personnes qui ont participé ensemble à une œuvre économique commune dont elles ont partagé les profits et supporté les pertes, et se sont en définitive conduites comme des associés sans en avoir pleine conscience. »
Source : Lexique des termes juridiques 2010, 17e éd., Dalloz, 2009.
■ Code civil
Article 1371
« Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties. »
« La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter.
Elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne.
Les associés s'engagent à contribuer aux pertes. »
■ Civ. 1re, 12 mai 2004, Bull. civ. I, n° 131 ; D. 2004. Somm. 2928, obs. Lamazerolles ; Rev. sociétés 2005. 131, note Lucas ; RTD com. 2004. 743, obs. Champaud et Danet.
■ Com. 23 juin 2004, Bull. civ. IV, n°s 134 et 135 ; D. 2004. Somm. 2969, obs. Vigneau ; Rev. sociétés 2005. 131, note Lucas ; RTD com. 2004. 740, obs. Champaud et Danet.
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