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[ 2 octobre 2020 ] Imprimer

Droit des obligations

Solution attendue de la Cour de cassation : la résolution du contrat de vente entraîne la caducité, à la date d’effet de la résolution, du contrat de location avec option d’achat

Fortement répandu dans la pratique, le contrat de location avec option d’achat est un contrat de crédit (C. conso, art. L. 312-2 s.) qui offre la possibilité au locataire d’acheter le bien, jusque-là détenu par un établissement bancaire ou de crédit, au terme de la location.

Civ. 2e, 2 juillet 2020, no 17-12.611

Dans l’affaire rapportée, se posait la question du sort de ce contrat de crédit à la suite de la résolution du contrat de vente dont il dépendait.

Un particulier avait acheté un navire de plaisance fabriqué par un constructeur professionnel et cédé au vendeur par le distributeur exclusif de la marque. Afin de financer cette acquisition, il avait également conclu, avec un établissement bancaire, un contrat de location avec option d’achat dans lequel figurait une clause stipulant expressément qu’en cas de résolution judiciaire de la vente, le contrat de location serait résilié à compter du jour où cette résolution serait devenue définitive et que le locataire serait redevable des loyers impayés à cette date et d’une indemnité de résiliation. 

Postérieurement à la remise du rapport expertal concluant à l’existence de vices cachés sur le navire, l’acquéreur assigna, notamment, la société venderesse et la banque en résolution du contrat de vente et du contrat de location. 

En cause d’appel, les juges du fond prononcèrent la résolution de la vente, consistant en l’anéantissement du contrat en raison de la découverte de l’existence de vices cachés affectant le bien acquis, postérieurement à sa conclusion. 

De même, ils prononcèrent la caducité subséquente du contrat de location avec option d’achat, autre sanction applicable cette fois-ci en cas de perte d’un élément essentiel à la validité du contrat postérieurement à sa formation. 

Balayant l’application de la clause contractuelle litigieuse, la considérant abusive donc réputée non écrite, ils condamnèrent la banque à la restitution, à l’acheteur, de l’intégralité des loyers perçus

Il s’évince de cette analyse que le contrat de vente et le contrat de location-vente étant indivisibles, la résolution du premier devait nécessairement entraîner la caducité du second. 

Au soutien de son pourvoi en cassation, l’établissement bancaire allégua, sur le fondement du fameux ancien article 1134 du Code civil relatif à la force obligatoire des conventions (prévu par les dispositions du nouvel article 1103 depuis l’ordonnance no 2016-131 du 10 févier 2016, sur ce point, v. P. Ancel, Droit des obligations, 2e éd. Dalloz, coll. Séquences, 2020, p. 217), que l’anéantissement du contrat de vente entraînait la résiliation du contrat de location avec option d’achat, sous réserve de l’application de la clause ayant pour objet de régler les conséquences de cette résiliation et que l’obligation faite au locataire de s’acquitter des loyers impayés à cette date et de l’indemnité de résiliation devait s’appliquer.

Cet argument fut rejeté par la Cour de cassation qui retint que « la résolution du contrat de vente entraîne par voie de conséquence la caducité, à la date d’effet de la résolution, du contrat de location avec option d’achat et que sont inapplicables les clauses prévues en cas de résiliation du contrat ». 

La Haute juridiction approuve le raisonnement de la cour d’appel qui, « après avoir prononcé la résolution du contrat de vente, a retenu que cette résolution entraînait la caducité du contrat de location-vente, que la banque ne pouvait se prévaloir de clauses contractuelles de garantie et de renonciation à recours et devait restituer à l’acquéreur les loyers perçus en exécution du contrat de location-vente ».

En d’autres termes, les effets de la résolution judiciaire ont été que la banque ne pouvait se prévaloir d’une clause inapplicable et qu’elle était tenue, comme souvent, de restituer à son client les loyers perçus en exécution du contrat de location-vente.

Par ce mécanisme classique de restitution, souvent attaché à la résolution, les parties au contrat se retrouvent placées, peu ou prou, dans la situation dans laquelle elles auraient été si le contrat ou l’indu n’avaient pas existé (C. civ., art. 1352 à 1352-9).

En tout état de cause, cette solution n’a rien de particulièrement surprenant, notamment à la lecture de l’arrêt rendu le 13 avril 2018 par la Cour de cassation en chambre mixte, qui fit triompher la caducité en considérant que lorsque l’opération de crédit-bail s’articule sur une vente de bien préalable, la résolution de cette vente entraîne la caducité du contrat de crédit-bail (Cass., ch mixte, 13 avr. 2018, nos 16-21.345 et 16-21.947). 

Antérieurement à ce revirement de jurisprudence, malgré un désordre non négligeable dans le choix des différentes sanctions, la résiliation était majoritairement prononcée si bien que devaient être appliquées les clauses contractuelles relatives à la résiliation (Cass., ch mixte, 23 nov. 1990, no 87-17.044, no 88-16.883 et no 86-19.396), comme l’invoquaient les demandeurs au pourvoi dans l’arrêt du 2 juillet 2020.

Cette logique juridique, déjà ancienne, succomba dans cet arrêt (V. D. actu. 2 sept. 2020, obs. C. Hélaine), qui s’inscrit pleinement dans l’évolution récente de la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. ch mixte, 13 avr. 2018, no 16-21.345 ; Com. 12 juill. 2017, nos 15-27.703 et 15-23.552 ; Com. 4 nov. 2014, no 13-24.270 ; Com. 5 juin 2007, no 04-20.380).

Il convient de relever ce pragmatisme de la deuxième chambre civile qui poursuit l’homogénéisation du contentieux des ensembles indivisibles autour du crédit-bail et de la location avec option d’achat.

 

Références

 Cass., ch mixte, 13 avr. 2018, nos 16-21.345 et 16-21.947 P : D. actu. 4 mai 2018, obs. J.-D. Pellier ; D. 2018. 1185, note H. Barbier ; ibid. 2106., obs. D.R. Martin ; ibid. 2019. 279, obs. M. Mekki ; AJ contrat 2018. 277, obs. C.-E. Bucher ; RTD civ. 2018. 388, obs. H. Barbier ; RTD com. 2018. 434, obs. D. Legeais ; ibid. 450, obs. B Bouloc

 Com. 12 juill. 2017, nos 15-27.703 P et 15-23.552 P: D. 2017. 1468 ; ibid. 2176, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2328, chron. A.-C. Le Bras, F. Jollec, T. Gauthier, S. Barbot et S. Tréard ; ibid. 2018. 371, obs. M. Mekki ; AJ contrat 2017. 429, obs. S. Bros ; RTD civ. 2017. 846, obs. H. Barbier ; RTD com. 2017. 671, obs. D. Legeais

 Com. 4 nov. 2014, no 13-24.270 P : D. 2014. 2297 ; ibid. 2015. 529, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; RTD civ. 2015. 127, obs. H. Barbier

 Com. 5 juin 2007, no 04-20.380 P : D. 2007. 1723, obs. X. Delpech ; RTD civ. 2007. 569, obs. B. Fages ; RTD com. 2008. 173, obs. B. Bouloc

 Cass., ch mixte, 23 nov. 1990, no 87-17.044 P, no 88-16.883 P et no 86-19.396 P: D. 1991. 121, note C. Larroumet ; RTD civ. 1991. 325, obs. J. Mestre ; RTD com. 1991. 440, obs. B. Bouloc

 

Auteur :Anne Renaux


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