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[ 17 novembre 2010 ] Imprimer

Droit des personnes

Sort de l’action en annulation pour insanité d’esprit d’un acte passé avec autorisation judiciaire par un majeur protégé

Mots-clefs : Curatelle renforcée, Incapacité, Nullité, Promesse synallagmatique de vente

L'autorisation donnée par le juge des tutelles à l'incapable majeur de vendre son domicile principal ne fait pas échec à ce que ce dernier intente une action en nullité de la vente, dès lors qu'il prouve avoir agi sous l'empire d'un trouble mental.

Une femme avait été placée sous curatelle renforcée dans le courant de l'année 1999. En janvier 2005, une ordonnance du juge des tutelles l'avait autorisé à vendre l'appartement qui lui tenait lieu de résidence principale, conformément aux exigences de l’article 490-2 du Code civil (devenu l’article 426 du même code).

Or, elle signa une promesse synallagmatique de vente de l'appartement en mai 2005, alors qu'elle avait entre temps été admise à l'hôpital pour « décompensation dépressive et délire hallucinatoire ».

La cour d'appel avait infirmé le jugement de première instance déclarant l'acte valable, en relevant que l’article 489 du Code civil (devenu l’article 414-1 du même code) exigeait qu'une personne soit saine d'esprit « pour faire un acte valable ».

Selon les juges du fond, tel n'était pas le cas en l'espèce, puisque cette femme suivait un traitement comprenant treize médicaments, et qu’une de ses amies venue lui rendre visite avait témoigné devant la cour de son état de perturbation au jour de la signature.

La question de droit qui se posait à la première chambre civile était la suivante : l'autorisation donnée par le juge des tutelles de vendre la résidence principale de l'incapable majeur prive-t-elle  ce dernier de la possibilité d'agir en nullité de cette vente?

La Cour de cassation estime que « l'autorisation donnée par le juge des tutelles de vendre la résidence d'un majeur protégé ne fait pas obstacle à l'action en annulation, pour insanité d'esprit, de l'acte ». La Haute cour laisse aux juges du fond le pouvoir d'apprécier si le majeur protégé était, au jour de la signature de l'acte, sain d'esprit, nonobstant l'autorisation donnée par le juge des tutelles.

Cet arrêt renforce la protection accordée aux majeurs sous curatelle, mais risque toutefois de multiplier le contentieux autour des ventes réalisées par ces derniers.

Civ. 1re, 20 oct. 2010, n° 09-13.635, FS-P+B+I

Références

Curatelle

« Régime de protection des majeurs qui permet d'assister une personne lorsque, sans être hors d'état d'agir elle-même, elle est dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération de ses facultés mentales ou corporelles. Elle ne peut être prononcée que s'il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante; à l'inverse, si la personne doit être représentée d'une manière continue dans les actes de la vie civile, elle doit être placée en tutelle. En revanche, l'oisiveté et la prodigalité ne sont plus des causes d'ouverture d'une curatelle.

La curatelle peut être renforcée, permettant au curateur, dont la mission se borne à l'assistance, de percevoir seul les revenus de la personne en curatelle et d'assurer lui même le règlement des dépenses auprès des tiers. »

Juge des tutelles

« Juge du tribunal d'instance chargé d'organiser et de faire fonctionner la tutelle des mineurs ainsi que celle des incapables majeurs et des régimes de protection aménagés en leur faveur, sauvegarde de justice, curatelle, mesure d'accompagnement judiciaire. Le juge des tutelles est également compétent pour contrôler les administrateurs légaux, prononcer l'émancipation du mineur à la demande des père et mère ou de l'un d'eux, et organiser la gestion des biens du présumé absent. Dans une proposition de loi en cours de discussion au Parlement (mars 2009) les fonctions de juge des tutelles des mineurs seraient exercées par le juge aux affaires familiales. »

Annulation

« Anéantissement rétroactif d'un acte juridique, pour inobservation de ses conditions de formation, ayant pour effet soit de dispenser les parties de toute exécution, soit de les obliger à des restitutions réciproques. La Cour de justice des Communautés européennes et le Conseil d'État ont admis que des annulations ne produisent effet que pour l'avenir. La Cour de cassation s'interroge à ce sujet. On parle d'annulation ex tunc, pour l'annulation d'un acte juridique produisant ses effets depuis l'origine de celui-ci, c'est-à-dire avec effet rétroactif (règle de principe). Et d'annulation ex nunc, pour l'annulation dont les effets ne se produisent qu'à compter du jugement, voire à une date postérieure, en respectant les effets passés de l'acte (situation exceptionnelle pour tenir compte, essentiellement, d'exigences de sécurité juridique). »

Nullité

« Sanction prononcée par le juge et consistant dans la disparition rétroactive de l'acte juridique qui ne remplit pas les conditions requises pour sa formation. Les régimes respectifs des nullités absolue et relative sont différents. »

Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.

■ Code civil

Article 414-1

« Pour faire un acte valable, il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. »

Article 426

« Le logement de la personne protégée et les meubles dont il est garni, qu'il s'agisse d'une résidence principale ou secondaire, sont conservés à la disposition de celle-ci aussi longtemps qu'il est possible.

Le pouvoir d'administrer les biens mentionnés au premier alinéa ne permet que des conventions de jouissance précaire qui cessent, malgré toutes dispositions ou stipulations contraires, dès le retour de la personne protégée dans son logement.

S'il devient nécessaire ou s'il est de l'intérêt de la personne protégée qu'il soit disposé des droits relatifs à son logement ou à son mobilier par l'aliénation, la résiliation ou la conclusion d'un bail, l'acte est autorisé par le juge ou par le conseil de famille s'il a été constitué, sans préjudice des formalités que peut requérir la nature des biens. L'avis préalable d'un médecin inscrit sur la liste prévue à l'article 431 est requis si l'acte a pour finalité l'accueil de l'intéressé dans un établissement. Dans tous les cas, les souvenirs, les objets à caractère personnel, ceux indispensables aux personnes handicapées ou destinés aux soins des personnes malades sont gardés à la disposition de l'intéressé, le cas échéant par les soins de l'établissement dans lequel celui-ci est hébergé. »

 

Auteur :B. H.


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