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Droit des obligations
Sort du bail conclu au nom d'une indivision et exécuté par les locataires
Mots-clefs : Bail d’habitation, Indivision, Congé, Nullité, Exécution du contrat, Exception de nullité (non)
Le congé délivré à des locataires par une indivision est nul mais ne peut être opposé par eux, par voie d’exception, en cas d’exécution du contrat.
Les propriétaires indivis d'un appartement donné à bail avaient délivré un congé pour vendre à leurs locataires puis les avaient assignés en validité du congé. Les locataires leur avaient opposé l'inexistence ou bien la nullité du bail et, par voie de conséquence, la nullité du congé laquelle, étant absolue, n’avait pu être régularisée par le paiement des loyers en cours d’exécution de la location. La cour d’appel rejeta la demande des locataires. La Cour de cassation l’approuve : si le bail conclu au nom d'une indivision dépourvue de personnalité juridique est nul de nullité absolue, l’exception de nullité ne peut cependant prospérer que pour faire échec à la demande d’exécution d’un acte juridique qui n’a pas encore été exécuté, sans qu’il y ait lieu de distinguer entre nullité relative et nullité absolue, en sorte qu’au cas d’espèce, les locataires ne pouvaient se prévaloir, par voie d’exception, de cette nullité dès lors qu’ils avaient réglé les loyers entre les mains du mandataire des propriétaires indivis.
Ainsi la Cour commence-t-elle par rappeler qu’un congé donné à des locataires par une indivision n'est pas valable. La solution n'est pas nouvelle. Elle avait d’abord été retenue, implicitement, par la troisième chambre civile (Civ. 3e, 25 avr. 2001, n° 99-14.368. Civ. 3e, 5 déc. 2001), avant d’être explicitement consacrée par la première chambre civile (Civ. 1re, 25 oct. 2005, n° 03-20.382) et aussi clairement partagée par la troisième chambre (Civ. 3e, 3 oct. 2007. Civ. 3e, 11 juill. 2007, n° 06-12.210). Ainsi, lorsqu’un congé est délivré par une indivision, parce que celle-ci est dépourvue de la personnalité juridique, le congé est affecté d'une irrégularité de fond entraînant sa nullité à défaut de régularisation (Civ. 2e, 9 juin 2011, n° 10-19.241).
Et la Cour de procéder à un second rappel, celui de la règle selon laquelle l’exception de nullité, même absolue, n’est susceptible d’être invoquée qu’autant que le contrat n’a pas encore été exécuté. Rappelons tout d’abord que les parties ont deux techniques pour demander la nullité d’un acte : l’action - les parties au contrat prennent l’initiative de l’action en justice pour obtenir la nullité d’un acte – et l’exception, par laquelle la nullité est opposée comme moyen de défense, celui qui s’en prévaut l’invoquant donc sous la forme d’une défense au fond. Contrairement à l’action en nullité, l’exception de nullité présente l’avantage de ne pas être soumise au jeu de la prescription. Ainsi peut-elle, en principe, être opposée à tout moment. On dit, en ce sens, que l’exception de nullité est perpétuelle : la prescription d’une action en nullité n’éteignant pas le droit d’opposer celle-ci comme exception à une action principale, la nullité peut être demandée par voie d’exception même après que le délai de prescription de l’action en nullité est expiré. Cependant, celle-ci ne peut en aucun cas prospérer lorsque le contrat a reçu un commencement d’exécution par les parties. Cette limite est immense car cette absence d’exécution est très rare en pratique. En outre, la Cour de cassation fait une application très stricte de cette limite. Ainsi, considère-t-elle, comme en témoigne la décision rapportée, qu’elle doit même être respectée dans l’hypothèse d’une nullité absolue (Civ. 1re, 24 avr. 2013, n° 11-27.082), et peu important que le commencement d'exécution porte sur d'autres obligations que celles arguées de nullité (Com. 13 mai 2014, n° 12-28.013). En l’occurrence, le paiement des loyers par le locataire en cours de bail interdisait à celui-ci de se prévaloir, par voie d’exception, de la nullité du bail.
Civ. 3e, 16 mars 2017, n° 16-13.063
Références
■ Civ. 3e, 25 avr. 2001, n° 99-14.368 P ; D. 2001. 1591, et les obs. ; RTD civ. 2002. 130, obs. J. Patarin.
■ Civ. 3e, 5 déc. 2001, n° 00-10.731 P ; D. 2002. 1072, obs. Y. Rouquet ; AJDI 2002. 128, obs. M.-P. Dumont ; RTD com. 2002. 274, obs. J. Monéger.
■ Civ. 1re, 25 oct. 2005, n° 03-20.382 P, D. 2005. 2873, obs. A. Lienhard ; ibid. 2006. 79, obs. P. M. Le Corre et F. X. Lucas ; ibid. 1380, obs. M. Bourassin, E. Claudel, A. Danis-Fatôme et B. Thullier ; AJ fam. 2006. 34, obs. P. Hilt.
■ Civ. 3e, 3 oct. 2007 ; n° 06-16.716 P ; D. 2008. 2245, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJDI 2008. 791, obs. S. Prigent.
■ Civ. 3e, 11 juill. 2007, n° 06-12.210 P, D. 2007. 2169.
■ Civ. 2e, 9 juin 2011, n° 10-19.241 P, D. 2011. 2188, note F. Julienne.
■ Civ. 1re, 24 avr. 2013, n° 11-27.082 P, D. 2013. 1132 ; ibid. 2014. 630, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; RTD civ. 2013. 596, obs. H. Barbier.
■ Com. 13 mai 2014, n° 12-28.013 P, D. 2014. 1148 ; ibid. 2015. 529, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; RTD civ. 2014. 646, obs. H. Barbier.
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