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[ 4 décembre 2020 ] Imprimer

Libertés fondamentales - droits de l'homme

Soumission d’une épouse à son mari: cause de refus d’acquisition de la nationalité française pour le mari en raison de son mode de vie

Un étranger ne peut acquérir la nationalité française par mariage si son comportement est en contradiction avec les valeurs de la société française.

CE 9 novembre 2020, n° 436548

Un homme avait souscrit une déclaration d'acquisition de la nationalité française à raison de son mariage avec une ressortissante française. Mais le Premier ministre s'est opposé à l'acquisition de la nationalité française par décret car l'intéressé ne pouvait être regardé comme assimilé à la communauté française. Celui-ci a alors demandé au Conseil d’État l’annulation pour excès du décret refusant sa demande. 

Le Conseil d’État rejette sa requête.

Aux termes de l’article 21-2 du Code civil : « L'étranger ou apatride qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut, après un délai de quatre ans à compter du mariage, acquérir la nationalité française par déclaration à condition qu'à la date de cette déclaration la communauté de vie tant affective que matérielle n'ait pas cessé entre les époux depuis le mariage et que le conjoint français ait conservé sa nationalité. ». Ce délai de communauté de vie est porté à cinq ans lorsque l’étranger au moment de la déclaration, « soit ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue et régulière pendant au moins trois ans en France à compter du mariage, soit n'est pas en mesure d'apporter la preuve que son conjoint français a été inscrit pendant la durée de leur communauté de vie à l'étranger au registre des Français établis hors de France. En outre, le mariage célébré à l'étranger doit avoir fait l'objet d'une transcription préalable sur les registres de l'état civil français ». 

La loi n° 93-933 du 22 juillet 1993 réformant le droit de la nationalité permet au Gouvernement de s’opposer, par décret, à l’acquisition de la nationalité française par le conjoint étranger pour indignité ou défaut d’assimilation) «autre que linguistique» (C. civ., art. 21-4). L’article 32 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, prévoit que le ministre chargé des naturalisations doit notifier à l’intéressé les motifs de fait et de droit qui justifient l’intention de faire opposition. 

La circulaire du 24 août 2011, relative au contrôle de la condition d’assimilation dans les procédures d’acquisition de la nationalité française, donne des exemples concrets pour apprécier le défaut d’assimilation fondé sur le non-respect du principe de l’égalité des sexes. Ainsi, révèle un défaut d’assimilation l’adoption au quotidien d’attitudes discriminatoires vis-à-vis des femmes, telles que le refus de leur serrer la main, tout comme l’autorité abusive d’un époux à l’égard de son épouse marquée par une interdiction de participer à toute vie sociale, mais aussi le confinement au domicile, etc. La circulaire précise que : « l’assimilation à la communauté française suppose une adhésion aux règles de fonctionnement et aux valeurs de tolérance, de laïcité, de liberté et d’égalité de la société française. ». 

En l’espèce, dans l’arrêt du 9 novembre 2020, le Conseil d’État relève qu’il ressort des éléments versés au dossier, notamment des propos tenus par le requérant au cours des entretiens menés par les fonctionnaires de la préfecture chargés de l’instruction de son dossier, qu’il adopte un mode de vie caractérisé par une soumission de sa femme qui ne correspond pas aux valeurs de la société française, notamment l’égalité entre les sexes. 

Il s’ensuit que le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application de l'article 21-4 du Code civil en estimant que cet homme ne pouvait être considéré comme assimilé à la société française et en s'opposant à ce qu'il acquière la nationalité française.

En conséquence, le Conseil d’État rejette la demande, le requérant n’était pas fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir du décret lui refusant l’acquisition de la nationalité française. 

Ce n’est pas la première fois que le Conseil d’État se fonde sur le principe de l’égalité des sexes pour refuser l’acquisition de nationalité française que ce soit pour un homme ou une femme (V. refus de la nationalité française pour une femme : CE 27 juin 2008, n° 286798 : pratique radicale de la religion : port de la burqa et CE 6 nov. 2019, n° 428215 : soumission à son mari et large absence d'autonomie  ; refus de la nationalité française pour un homme : CE 27 nov. 2013, n° 365587 : refus de l’égalité homme-femme ; CE 25 févr. 2015, n° 385652). 

La reconnaissance par l’étranger désireux d’acquérir la nationalité française, notamment du principe d’égalité entre les hommes et les femmes, est une condition nécessaire pour être assimilé à la société française, et donc une condition pour sa naturalisation. 

Références

■ CE 27 juin 2008, n° 286798 B : AJDA 2008. 1296 ; ibid. 2013 ; ibid. 1997, étude H. Zeghbib, note P. Chrestia ; D. 2009. 345, note C. Vallar ; RFDA 2009. 145, chron. C. Santulli

■ CE 6 nov. 2019, n° 428215

■ CE 27 nov. 2013, n° 365587  ADalloz Actu Étudiant, 16 déc. 2013, obs. C. de Gaudemont ; AJDA 2013. 2405 

■ CE 25 févr. 2015, n° 385652

 

Auteur :Emmanuelle Arnould

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