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[ 26 juin 2017 ] Imprimer

Droit des obligations

Sous-traitance : subrogation et assiette de l’action directe

Mots-clefs : Contrat d’entreprise, Sous-traitance, Acceptation tacite du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, Effet, Subrogation de la caution, Action directe du sous-traitant, Assiette de l'action

Après acceptation tacite du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, la banque s’étant porté caution est subrogée, après paiement, dans les droits et actions du sous-traitant et fondée à exercer l'action directe dont disposait celui-ci contre le maître de l'ouvrage, l'assiette de cette action étant limitée au marché pour lequel il est intervenu.

Une société avait confié l'aménagement d'un parc à un constructeur, entrepreneur principal, cautionné par un établissement bancaire. Celui-ci avait sous-traité une part importante des travaux. Ensuite placé sous procédure de sauvegarde, son sous-traitant avait assigné la banque en sa qualité de caution qui, après s’être acquittée du paiement des prestations effectuées par le sous-traitant, avait exercé un recours subrogatoire dans les droits du sous-traitant. La cour d’appel déclara son recours recevable et condamna le maître de l’ouvrage au paiement d’une certaine somme. Le sous-traitant et le maître de l'ouvrage formèrent un pourvoi en cassation arguant, de l’impossibilité pour la banque caution d’être subrogée dans les droits de celui qui n’est pas son débiteur et d’exercer l’action directe en paiement contre le maître de l’ouvrage, garantie de paiement exclusivement réservée au sous-traitant. Le pourvoi est rejeté par la Cour de cassation qui juge que « la cour d'appel a retenu à bon droit qu'après acceptation tacite du sous-traitant par le maître de l'ouvrage - qui avait eu connaissance du contrat de sous-traitance par une mise en demeure et qui avait bloqué les sommes restant dues à l'entrepreneur principal -, la banque, qui avait fourni le cautionnement prévu à l'article 14 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, était subrogée, après paiement, dans les droits et actions du sous-traitant et fondée à exercer l'action directe dont disposait celui-ci contre le maître de l'ouvrage ». 

Aussi, la banque forma un pourvoi incident pour contester le montant fixé par les juges du fond de la somme que devait lui verser l’entrepreneur principal. Le pourvoi est également rejeté par la Haute juridiction qui juge que la cour d'appel a pu déduire des éléments de l'espèce « que l'assiette de l'action directe du sous-traitant était limitée au marché pour lequel il était intervenu et décider que la Société générale n'était pas fondée à réclamer les sommes payées en exécution d'un contrat distinct du marché sous-traité » ; autrement dit, la banque caution n'est pas fondée à réclamer les sommes payées en exécution d'un contrat distinct du marché sous-traité.

La sous-traitance est une opération économique et juridique visée par la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975. C’est l’opération par laquelle un entrepreneur confie sous sa responsabilité à une autre personne l’exécution de tout ou partie d’un contrat d’entreprise ou d’un marché public : l’entrepreneur, chargé par son client de l’exécution d’un « marché », s’adresse pour certaines opérations nécessitées par cette exécution à des sous-traitants qui vont intervenir au cours de cette exécution : cette sous-traitance vient se greffer sur le contrat principal qui est un contrat d’entreprise et prend elle-même la forme d’un contrat de même nature. Ainsi constitue-t-elle une hypothèse de sous-contrat. L’article 3 de la loi de 1975 dispose que l’entrepreneur principal qui entend recourir à des sous-traitants doit faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions du sous-traitant par le maître de l’ouvrage. Si elle n’est pas équivoque (Com. 14 juin 1988, n° 86-18.010 ; Civ. 3e, 30 oct. 1991, n° 90-11.753), l’acceptation peut, comme en l’espèce, être tacite (Cass., ch. mixte, 13 mars 1981, n° 79-16.281). 

En l’espèce, le maître de l’ouvrage ayant eu connaissance du contrat de sous-traitance par l’effet de la mise en demeure du sous-traitant contre le maître d’ouvrage lequel avait, en outre, déterminé les sommes, déduites des opérations sous-traitées, restant dues à l’entrepreneur principal (dans le même sens, V. Civ. 3e, 14 mars 2001, n° 99-14.312), il convenait dans ces conditions de considérer qu’il y avait eu acceptation tacite du sous-traitant par le maître de l’ouvrage, permettant l’exercice de l’action directe dont disposait le sous-traitant à l’égard du maître d’ouvrage et dont allait finalement bénéficier la caution subrogée. 

En effet, dans cette affaire, la caution s’était acquittée de la dette de l’entrepreneur principal à l’égard du sous-traitant. Or, en application de l’article 2306 du Code civil, « la caution qui a payé la dette est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur ». Bien que le maître d’ouvrage ait tenté d’exploiter l’article 14 de la loi du 31 décembre 1975 pour faire valoir que la caution bancaire de l’entrepreneur principal ne couvrait que la dette du sous-traitant et priver la banque de la possibilité d’exercer un recours subrogatoire à l’encontre du maître de l’ouvrage, la Cour, procédant du rappel du mécanisme subrogatoire, juge au contraire qu’une fois le paiement effectué, la banque ayant dû réglé, en sa qualité de caution, la dette d’autrui, celle du maître de l’ouvrage, avait de ce fait acquis, par l’effet de la subrogation, les droits et actions du sous-traitant (C. civ., anc. art. 1251, 3°, devenu art. 1346 depuis l’Ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016) et, notamment, l’action directe en paiement du sous-traitant contre le maître d’ouvrage. Cependant, alors que la banque caution sollicitait le recouvrement de l’ensemble des sommes dues par le maître d’ouvrage à l’entrepreneur principal, la Cour juge que les obligations du maître de l’ouvrage étant limitées à ce qu’il doit au titre du marché principal duquel résulte la créance du sous-traitant, la banque n’était en l’espèce pas fondée à réclamer dans le cadre de son action récursoire les sommes payées en exécution d’un contrat distinct du marché sous-traité. En effet, les sommes versées à l’entrepreneur par le maître d’ouvrage après la mise en demeure adressée à ce dernier trouvaient leur cause dans une prestation de maîtrise d’œuvre réalisée par l’entrepreneur, indépendante de la mission contractuellement dévolue au sous-traitant. La caution de l’entrepreneur principal n’était donc pas subrogée dans les droits de ce dernier mais dans ceux du sous-traitant. Par conséquent, dès lors qu’il s’agissait d’un marché distinct du marché sous-traité, celui-ci ne pouvait avoir d’incidence sur la procédure d’action directe fondée sur la subrogation de la caution dans les droits et actions du sous-traité et dont l’étendue dépend naturellement de celle réservée à l’action directe dont bénéficiait le sous-traitant contre le maître d’ouvrage. Autrement dit, l’assiette du recours subrogatoire de la caution équivaut à celle de l’action directe.

Civ. 3e, 18 mai 2017, n° 16-10.719

Références

■ Com. 14 juin 1988, n° 86-18.010 P.

■ Civ. 3e, 30 oct. 1991, n° 90-11.753 P, D. 1992. 112, obs. A. Bénabent ; RDI 1992. 70, obs. P. Malinvaud et B. Boubli.

■ Cass., ch. mixte, 13 mars 1981, n° 79-16.281 P.

■ Civ. 3e, 14 mars 2001, n° 99-14.312 P, RDI 2001. 244, obs. B. Boubli.

 

Auteur :M. H.


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