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Droit pénal général
Subdélégation et responsabilité de la personne morale
Mots-clefs : Accident du travail, Responsabilité pénale, Personne morale, Délégation, Subdélégation
Le salarié d’une société titulaire d’une délégation de pouvoirs en matière d’hygiène et de sécurité, et comme tel investi dans ce domaine de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires à l’exercice de sa mission, est un représentant de la personne morale au sens de l’article 121-2 du Code pénal, et engage la responsabilité de celle-ci en cas d’atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité physique trouvant sa cause dans un manquement aux règles qu’il était tenu de faire respecter en vertu de sa délégation.
À la suite d'un accident du travail subi par un salarié sous contrat de professionnalisation qui avait été blessé alors qu’il travaillait à proximité d’une pelle mécanique utilisée sur un chantier de l’entreprise, cette dernière a été déclarée coupable de blessures involontaires avec ITT supérieure à trois mois (C. pén., art. 222-19) et de défaut de formation pratique et appropriée à la sécurité des travailleurs (C. trav., art. L. 4141-1 s. ; art. L. 4741-1) et condamnée à une amende de 5 000 euros.
Les juges de la cour d’appel ont retenu que le directeur de la société, titulaire d'une délégation de pouvoirs en matière de sécurité, avait subdélégué ses pouvoirs au chef de centre, et que ce dernier, par ailleurs tuteur du salarié victime, disposait, compte tenu de son niveau hiérarchique, de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour assurer sa mission. Ils en avaient conclu que le manquement à l’origine de l’accident, à savoir l’absence de formation appropriée du salarié aux risques liés à l’utilisation d’une pelle mécanique, a été commis par un représentant de la personne morale, agissant pour le compte de celle-ci.
Statuant sur le pourvoi formé par la société, la chambre criminelle approuve logiquement l’analyse.
En effet, l’imputation de la responsabilité pénale à la personne morale suppose, aux termes de l’article 121-2 du Code pénal, que l’infraction soit commise par un de ses «organe ou représentant ».
La chambre criminelle admet classiquement que le salarié d'une société, titulaire d'une délégation de pouvoirs représente la personne morale en matière d'hygiène et de sécurité (Crim. 14 déc. 1999 ; Crim. 30 mai 2000). Seule exigence requise pour être qualifié de représentant : il faut que le salarié soit doté de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires. Aux mêmes conditions, la jurisprudence admet que le subdélégué est, lui aussi, un représentant au même titre que le délégué et que, comme ce dernier, il peut engager la responsabilité de la personne morale (Crim. 26 juin 2001).
On soulignera que le pourvoi contestait aussi le fait que les juges du fond n’avaient pas caractérisé la seconde condition d’imputabilité : une infraction commise « pour le compte de la personne morale ». Cet élément permet d’exclure les infractions commises par un organe ou représentant dans un intérêt strictement personnel.
En revanche, la jurisprudence n’exige pas une démonstration positive d'une infraction commise au profit de la personne morale. Traditionnellement, en matière d’infraction non intentionnelle, la formule « pour le compte » de la personne morale signifie que l'action constitutive de l’infraction a été commise au cours de son activité normale ou, selon la formule de MM. Desportes et Le Gunehec, « dans l'exercice d'activités ayant pour objet d'assurer l'organisation, le fonctionnement ou les objectifs du groupement doté de la personnalité morale ».
Crim. 25 mars 2014, n°13-80.376 F-P+B+I
Références
Article 121-2
« Les personnes morales, à l'exclusion de l'État, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants.
Toutefois, les collectivités territoriales et leurs groupements ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l'exercice d'activités susceptibles de faire l'objet de conventions de délégation de service public.
La responsabilité pénale des personnes morales n'exclut pas celle des personnes physiques auteurs ou complices des mêmes faits, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l'article 121-3. »
« Le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
En cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende. »
■ Crim. 14 déc. 1999, n°99-80.104, Bull. crim. no 306 ; Dr. pénal 2000, no 56 (2e arrêt), obs. préc. Véron ; RSC 2000. 600, obs. Bouloc.
■ Crim. 30 mai 2000, n°99-84.212, Bull. crim. no 206 ; D. 2001. Somm. 2350, obs. Roujou de Boubée ; RSC 2000. 816, obs. Bouloc.
■ Crim. 26 juin 2001, n°00-83.466, Bull. crim. no 161 ; D. 2002. Somm. 1802, obs. Roujou de Boubée ; RSC 2002. 99, obs. Bouloc ; JCP E 2002, p. 375, note Ohl ; Dr. pénal 2002. 8, obs. J.-H. Robert ; Gaz. Pal. 2002. 1. Somm. 549, note Monnet.
■ Code du travail
« L'employeur organise et dispense une information des travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité et les mesures prises pour y remédier.
Il organise et dispense également une information des travailleurs sur les risques que peuvent faire peser sur la santé publique ou l'environnement les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l'établissement ainsi que sur les mesures prises pour y remédier. »
« Est puni d'une amende de 3 750 euros, le fait pour l'employeur ou son délégataire de méconnaître par sa faute personnelle les dispositions suivantes et celles des décrets en Conseil d'État pris pour leur application :
1° Titres Ier, III et IV ainsi que section 2 du chapitre IV du titre V du livre Ier ;
2° Titre II du livre II ;
3° Livre III ;
4° Livre IV ;
5° Titre Ier, chapitres III et IV du titre III et titre IV du livre V ;
6° Chapitre II du titre II du présent livre.
La récidive est punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 9 000 euros.
L'amende est appliquée autant de fois qu'il y a de salariés de l'entreprise concernés indépendamment du nombre d'infractions relevées dans le procès-verbal prévu à l'article L. 8113-7. »
■ Desportes et Le Gunehec, Droit pénal général, Economica, 2010.
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