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Droit des successions et des libéralités
Substitution de bénéficiaires d’une assurance-vie : la forme est libre
La clause bénéficiaire d’une assurance-vie, initialement rédigée par testament authentique, peut être valablement modifiée par acte sous-seing privé.
Le souscripteur de plusieurs contrats d’assurance sur la vie avait, par testament authentique, désigné comme bénéficiaires son épouse, pour l’usufruit, et ses enfants, pour la nue-propriété. Par deux avenants, il avait, quelques années plus tard, modifié la clause bénéficiaire de ces contrats, désignant comme unique bénéficiaire son épouse et, à défaut, trois de ses cinq filles. À son décès, et après que le capital eut été versé à son épouse survivante, l’une de ses filles, non désignée par la clause bénéficiaire dans sa dernière rédaction, avait contesté la validité des avenants modificatifs pour obtenir de sa mère et de ses sœurs sa part dans le capital transmis par son père.
La cour d’appel rejeta sa demande, tenant compte de la volonté du souscripteur telle qu’elle ressortait des avenants modificatifs, dont elle admit la validité.
Ainsi déboutée, l’héritière forma un pourvoi en cassation, soutenant que lorsque le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie est désigné par un testament empruntant la forme authentique, le parallélisme des formes prévu à l’article 1035 du Code civil, selon lequel « (l)es testaments ne pourront être révoqués, en tout ou partie, que par un testament postérieur ou par un acte devant notaires portant déclaration de changement de volonté », prive de validité la modification, par simple voie d’avenant, de la clause bénéficiaire.
En vertu de la règle specialia generalibus derogant, la Cour de cassation rejette le pourvoi : « Mais attendu qu’après avoir énoncé que, selon l’article L. 132-8 du Code des assurances, à défaut d’acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre, l’arrêt relève que (le souscripteur) qui, dans un testament authentique (…), avait désigné comme bénéficiaires de ses contrats d’assurance sur la vie litigieux son épouse, en qualité d’usufruitière, et ses enfants, en qualité de nues-propriétaires, a ultérieurement manifesté la volonté certaine et non équivoque de modifier cette désignation par des avenants (…) au profit de son épouse et, à défaut, de trois de ses filles ; qu’en l’état de ses énonciations et constatations, la cour d’appel a exactement décidé que les avenants modificatifs étaient valables, dès lors que la modification des bénéficiaires pouvait intervenir soit par voie d’avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l’article 1690 du Code civil, soit par voie testamentaire, sans qu’il soit nécessaire de respecter un parallélisme des formes entre la voie choisie pour la désignation initiale et celle retenue pour la modification ».
La clause bénéficiaire, initialement rédigée par acte authentique, pouvait donc être valablement modifiée par acte sous-seing privé.
La solution est parfaitement justifiée.
D’abord en application des dispositions spéciales applicables, lesquelles priment sur les dispositions générales lorsqu’elles y dérogent, les articles L. 123-8 s. du Code des assurances laissant libre la forme de la désignation comme de la modification du bénéficiaire, celle-ci pouvant donc être effectuée par simple avenant au contrat d’assurance-vie, peu important que la désignation initiale ait emprunté une autre forme, en l’espèce authentique. Les modifications postérieures au testament authentique emportaient donc la révocation des dispositions testamentaires concernant la clause bénéficiaire des contrats, malgré l’absence de parallélisme des formes requis pour la modification d’un testament.
En outre, tant qu’elle n’a pas été acceptée, la clause bénéficiaire, manifestation de la seule volonté du souscripteur, doit être qualifiée d’acte unilatéral. Dans le fond comme dans la forme, sa liberté d’en modifier les termes doit en conséquence être respectée dès lors que l’acte exprime, quel que soit son support, sa volonté certaine et non équivoque d’y procéder, notamment lorsqu’il s’agit de substituer un bénéficiaire à un autre (V. déjà Civ. 1re, 25 sept. 2013, n°12-23.197), ce dont, en l’espèce, la précision et la clarté de la rédaction de la clause ne permettaient de douter.
Civ. 1re, 3 avr. 2019, n°18-14.640
Références
■ Civ. 1re, 25 sept. 2013, n° 12-23.197 P: D. 2014. 2259, obs. J.-J. Lemouland, D. Noguéro et J.-M. Plazy ; AJ fam. 2013. 716, obs. C. Vernières.
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