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[ 1 avril 2016 ] Imprimer

Droit des obligations

Suppression de la cause - Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations

Mots-clefs : Cause, Existence, Licéité

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a supprimé la notion de cause (art. 1131 s. C. civ.) ; elle maintient toutefois certaines de ses fonctions dans des textes éparses de la réforme.

La cause est actuellement une des conditions de validité de la convention (art. 1108 C. civ.). Son régime est déterminé par les articles 1131 et suivants du Code civil, ainsi que, dans une large mesure, par la jurisprudence. Bien qu’étant une notion centrale, l’ordonnance a choisi de supprimer toute référence à cette dernière. L’article 1128 du Code civil, tel qu’issu de l’ordonnance, dispose désormais que : « Sont nécessaires à la validité d'un contrat : 1° Le consentement des parties ; 2° Leur capacité de contracter ; 3° Un contenu licite et certain. ». Le rapport au Président de la République explique que : « l’abandon formel de la notion de cause, qui a suscité de nombreux débats, permettra à la France de se rapprocher de la législation de nombreux droits étrangers, tout en consacrant dans la loi les différentes fonctions, dont celle de rééquilibrage du contrat, que la jurisprudence lui avait assignées ». Ainsi, si le mot « cause » a été supprimé, ses fonctions essentielles sont maintenues par l’ordonnance.

En effet, en premier lieu, la cause a pour rôle de contrôler l’existence d’une justification à l’obligation contractée. L’article 1131 du Code civil dispose que : «  L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, […], ne peut avoir aucun effet. ». Pour apprécier l’existence de la cause, la jurisprudence se fonde sur une cause dite objective, appelée aussi cause de l’obligation, qui est le but immédiat et direct qui a conduit le débiteur à s’engager, identique pour chaque catégorie de contrat et qui permet de contrôler la rationalité de l’engagement. Dans l’ordonnance, l’article 1169 énonce qu’ « Un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire. ». Par ailleurs, l’ordonnance consacre, notamment, la jurisprudence Chronopost et Faurecia (Com. 22 oct. 1996, n° 93-18.632 ; Com. 29 juin 2010, n° 09-11.841) : elle énonce à l’article 1170 du Code civil que « Toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. ». Cette disposition a désormais un champ beaucoup plus étendu et ne se cantonne pas aux seules clauses limitatives de responsabilité. S’agissant de la disparition de la cause après la formation du contrat et des contrats interdépendants, le nouvel article 1186 dispose que la disparition d’un des éléments essentiels du contrat entraîne la caducité de ce dernier. En outre, il est prévu que : « Lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie. 

La caducité n'intervient toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement. ».

Dans son second rôle, la cause est un outil permettant de contrôler la licéité du contrat. En effet, l’article 1131 du Code civil dispose que : « L'obligation […] sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. »,  et l’article 1133 précise, pour sa part, que : « La cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes mœurs ou à l'ordre public. ». Pour apprécier la licéité de la cause, la jurisprudence se fonde sur une cause dite subjective, appelée aussi cause du contrat, qui correspond aux motifs personnels qui conduisent une partie à contracter. L’article 1162 du Code civil, tel qu’issu de l’ordonnance, énonce désormais que : « Le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par ses stipulations, ni par son but, que ce dernier ait été connu ou non par toutes les parties. ». La référence aux bonnes mœurs est ici supprimée. Toutefois, l’article 6 du Code civil demeure quant à lui inchangé et prévoit qu’ : « On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs. ». En outre, le texte consacre ici la jurisprudence qui retenait qu’ : « un  contrat peut être annulé pour cause illicite ou immorale, même lorsque l'une des parties n'a pas eu connaissance du caractère illicite ou immoral du motif déterminant de la conclusion du contrat » (Civ. 1re, 7 oct. 1998, n° 96-14.359).

En définitive, il est donc possible de constater que malgré la suppression de la notion de cause, l’ordonnance semble toutefois conserver son esprit. Néanmoins, loin de simplifier les choses, il conviendra de surveiller l’interprétation par la jurisprudence de ces nouvelles dispositions, notamment, s’agissant des nouveaux termes de « contenu » et de « but ».

Articles 1162, 1169, 1170 et 1186 du Code civil, tels qu’issus de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, entrant en vigueur le 1er octobre 2016

Références

■ Com. 22 oct. 1996Chronopost, n° 93-18.632 P, D. 1997. 121, note A. Sériaux ; ibid. 145, chron. C. Larroumet ; ibid. 175, obs. P. Delebecque ; RTD civ. 1997. 418, obs. J. Mestre ; ibid. 1998. 213, obs. N. Molfessis ; RTD com. 1997. 319, obs. B. Bouloc.

■ Com. 29 juin 2010Faurecia, n° 09-11.841 P, D. 2010. 1832, obs. X. Delpech, note D. Mazeaud ; ibid. 1697, édito. F. Rome ; ibid. 2011. 35, obs. P. Brun et O. Gout ; ibid. 472, obs. S. Amrani Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; RTD civ. 2010. 555, obs. B. Fages.

■ Civ. 1re, 7 oct. 1998, n° 96-14.359 P, D. 1998. 563, concl. J. Sainte-Rose ; ibid. 1999. 110, obs. P. Delebecque ; ibid. 237, chron. O. Tournafond ; RTD civ. 1999. 383, obs. J. Mestre.

 

Auteur :C. D.

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