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[ 22 février 2010 ] Imprimer

Droit administratif général

Suppression de la publicité à France Télévisions

Mots-clefs : Acte faisant grief, Instruction, Annulation, Article 34 de la Constitution de 1958

Dans un arrêt du 11 février dernier, le Conseil d’État a jugé que le ministre de la Culture et de la Communication ne pouvait demander au PGD de France Télévisions de supprimer la publicité entre 20h et 6h sur les chaînes de son groupe avant que la loi prévoyant cette suppression ait été votée.

Par une lettre en date du 15 décembre 2008 adressée au PDG de France Télévisions, la ministre de la Culture et de la Communication, Christine Albanel, avait demandé d’envisager les mesures nécessaires pour ne plus commercialiser les espaces publicitaires entre 20 heures et 6 heures, à partir du 5 janvier 2009, sur les chaînes du groupe France Télévisions conformément à l’esprit et à la lettre de la réforme législative en cours. Le conseil d’administration de l’entreprise a adopté une délibération en ce sens le 16 décembre 2008.

Plusieurs sénateurs, en qualité d’usagers du service public de la télévision, ont saisi le Conseil d’État pour obtenir l’annulation des deux actes : la lettre de la ministre et la délibération du conseil d’administration.

Dans un premier temps, les requérants avaient demandé au juge des référés la suspension de l’exécution de ces deux actes. Par une ordonnance en date du 6 février 2010 (n° 32423), le juge des référés du Conseil d’État avait considéré qu’il n’y avait pas urgence en l’espèce, la loi supprimant notamment la publicité entre 20 heures et 6 heures étant maintenant votée par le Parlement et publiée au Journal officiel le 7 mars 2009 (L. n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision).

Dans l’arrêt du 11 février 2010, les juges du Conseil d’État se prononcent sur le fond de cette même affaire. Ils considèrent tout d’abord que la lettre de la ministre priant le PGD de France Télévisions de bien vouloir prendre les mesures nécessaires afin de renoncer à la commercialisation des espaces publicitaires dans les programmes des chaînes de son groupe entre 20 heures et 6 heures avant l’entrée en vigueur de la loi relative à ce sujet s’analyse en une instruction, une décision faisant grief. Par ailleurs, cette instruction prive la société d’une part importante de ses recettes et affecte la garantie de ses ressources qui constitue un élément de son indépendance. Or, les règles relatives à l’indépendance des médias relèvent du pouvoir législatif en vertu de l’article 34 de la Constitution. La lettre de la ministre, qui a outrepassé ses compétences, est annulée par le Conseil d’État.

Enfin, par voie de conséquence, la délibération du conseil d’administration de France Télévisions en date du 16 décembre 2008 ayant pris acte d’une instruction ministérielle illégale, est également annulée par le Conseil d’État.

Ainsi, sont annulées l’instruction ministérielle et la délibération pour la période du 5 janvier 2009 au 8 mars 2009, date d’entrée en vigueur de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision qui modifie notamment l’article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui supprime les messages publicitaires entre 6 heures et 20 heures sur les chaînes publiques.


CE 11 février 2010, Mme B. et autres, n°s324233, 324407

 

Références

 Grief (Actes faisant)

« Expression désignant, dans la terminologie du recours pour excès de pouvoir, les actes administratifs de nature à produire par eux-mêmes des effets juridiques et contre lesquels ce recours est ainsi recevable. »

 Article 34 de la Constitution

« La loi fixe les règles concernant :

– les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques; la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias; les sujétions imposées par la Défense Nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;

– la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ;

– la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;

– l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie.

La loi fixe également les règles concernant :

– le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ;

– la création de catégories d'établissements publics ;

– les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État ;

– les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé.

La loi détermine les principes fondamentaux :

– de l'organisation générale de la Défense Nationale ;

– de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;

– de l'enseignement ;

– de la préservation de l'environnement ;

– du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;

– du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.

Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État.

Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques.

Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique. »

 Article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

« I. - Des contrats d'objectifs et de moyens sont conclus entre l'État et chacune des sociétés ou établissements suivants : France Télévisions, Radio France, la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, Arte-France et l'Institut national de l'audiovisuel. La durée de ces contrats est comprise entre trois et cinq années civiles. Un nouveau contrat peut être conclu après la nomination d'un nouveau président.

Les contrats d'objectifs et de moyens déterminent notamment, dans le respect des missions de service public telles que définies à l'article 43-11, pour chaque société ou établissement public :

– les axes prioritaires de son développement ;

– les engagements pris au titre de la diversité et l'innovation dans la création ;

– les montants minimaux d'investissements de la société visée au I de l'article 44 dans la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes et d'expression originale française, en pourcentage de ses recettes et en valeur absolue ;

– les engagements permettant d'assurer, dans un délai de cinq ans suivant la publication de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, l'adaptation à destination des personnes sourdes ou malentendantes de la totalité des programmes de télévision diffusés, à l'exception des messages publicitaires, sous réserve des dérogations justifiées par les caractéristiques de certains programmes ;

– les engagements permettant d'assurer la diffusion de programmes de télévision qui, par des dispositifs adaptés, sont accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes ;

– le coût prévisionnel de ses activités pour chacune des années concernées, et les indicateurs quantitatifs et qualitatifs d'exécution et de résultats qui sont retenus ;

– le montant des ressources publiques devant lui être affectées en identifiant celles prioritairement consacrées au développement des budgets de programmes ;

– le montant du produit attendu des recettes propres, en distinguant celles issues de la publicité et du parrainage ;

– les perspectives économiques pour les services qui donnent lieu au paiement d'un prix ;

– les axes d'amélioration de la gestion financière et des ressources humaines ;

– le cas échéant, les perspectives en matière de retour à l'équilibre financier.

Avant leur signature, les contrats d'objectifs et de moyens ainsi que les éventuels avenants à ces contrats sont transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat et au Conseil supérieur de l'audiovisuel. Le contrat d'objectifs et de moyens de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ils peuvent faire l'objet d'un débat au Parlement. Les commissions peuvent formuler un avis sur ces contrats d'objectifs et de moyens dans un délai de six semaines.

La société Arte-France et l'Institut national de l'audiovisuel transmettent chaque année, avant la discussion du projet de loi de règlement, aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur l'exécution de leur contrat d'objectifs et de moyens.

II. - Le conseil d'administration de la société France Télévisions approuve le projet de contrat d'objectifs et de moyens de cette société et délibère sur l'exécution annuelle de celui-ci.

Chaque année, les présidents de France Télévisions et de Radio France présentent, devant les commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société qu'ils président.

Chaque année, le président de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France présente, devant les commissions chargées des affaires culturelles, des finances et des affaires étrangères, un rapport sur l'exécution du contrat d'objectifs et de moyens de la société qu'il préside.

Les conseils d'administration de l'Institut national de l'audiovisuel, de la société Radio France et de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, ainsi que l'organe compétent de la société ARTE-France, approuvent leurs contrats d'objectifs et de moyens respectifs et délibèrent sur leur exécution annuelle.

III. - Chaque année, à l'occasion du vote de la loi de finances, le Parlement, sur le rapport d'un membre de chacune des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ayant les pouvoirs de rapporteur spécial, approuve la répartition entre les organismes affectataires des ressources publiques retracées au compte de concours financiers institué au VI de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

Les ressources publiques allouées aux organismes du secteur audiovisuel public en compensation des obligations de service public mises à leur charge n'excèdent pas le montant du coût d'exécution desdites obligations.

IV. Le montant des ressources publiques retracées au compte mentionné au III allouées aux sociétés mentionnées à l'article 44 est versé à ces sociétés qui en affectent, le cas échéant, une part à leurs filiales chargées de missions de service public.

V. - Les exonérations de redevance audiovisuelle décidées pour des motifs sociaux donnent lieu à remboursement intégral du budget général de l'État "Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par décision du Conseil constitutionnel n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000.

Ce remboursement est calculé sur le fondement des exonérations en vigueur à la date de publication de la loi n° 2000-719 du 1er août 2000 précitée ainsi que celles qui pourraient intervenir postérieurement.

VI. - Les programmes diffusés entre vingt heures et six heures des services nationaux de télévision mentionnés au I de l'article 44, à l'exception de leurs programmes régionaux et locaux, ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique. Cette disposition s'applique également aux programmes diffusés par ces services entre six heures et vingt heures à compter de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision mentionnés au même I sur l'ensemble du territoire métropolitain. Elle ne s'applique pas aux campagnes d'intérêt général. Le temps maximal consacré à la diffusion de messages publicitaires s'apprécie par heure d'horloge donnée. A l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision sur le territoire d'un département d'outre-mer, d'une collectivité d'outre-mer ou de Nouvelle-Calédonie, et au plus tard le 30 novembre 2011, les programmes de télévision de la société mentionnée au même I diffusés sur le territoire de la collectivité en cause ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique, sous réserve de l'existence d'une offre de télévision privée diffusée par voie hertzienne terrestre en clair.

Au plus tard le 1er mai 2011, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport évaluant, après consultation des organismes professionnels représentatifs du secteur de la publicité, l'incidence de la mise en œuvre du premier alinéa du présent VI sur l'évolution du marché publicitaire et la situation de l'ensemble des éditeurs de services de télévision.

La mise en œuvre du premier alinéa du présent VI donne lieu à une compensation financière de l'État. Dans des conditions définies par chaque loi de finances, le montant de cette compensation est affecté à la société mentionnée au I de l'article 44.

VII. - A l'issue du premier exercice au cours duquel les règles mentionnées au VI sont appliquées, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport évaluant leur incidence sur l'évolution du marché publicitaire. »

 

 

 

Auteur :C. G.

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