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Droit de la responsabilité civile
Sur les difficultés à établir un lien de causalité entre une vaccination et l’apparition ultérieure d’une maladie grave
Mots-clefs : Responsabilité, Lien de causalité, Preuve, Présomptions graves, précises et concordantes, Laboratoire, Victime, Vaccin, Hépatite B, Sclérose en plaques
Le fait qu’une personne ne présente aucun antécédent personnel ou familial et le fait que les premiers troubles sont apparus quinze jours après la dernière injection du vaccin contre l’hépatite B ne constituent pas des présomptions graves, précises et concordantes permettant d’établir un lien de cause à effet entre la vaccination et l’apparition chez la victime de symptômes qui ont ultérieurement abouti au diagnostic de la sclérose en plaques.
Vraiment on a un peu de mal à suivre la Cour de cassation en ce qui concerne sa jurisprudence sur l’indemnisation des victimes de la maladie de la sclérose en plaques qui prétendent qu’ils ont contracté la dite affection à la suite de la vaccination contre l’hépatite B.
L’obstacle sur lequel butent régulièrement ces victimes est de nature probatoire. En raison du doute scientifique persistant sur la corrélation entre la vaccination contre l’hépatite B et la maladie en question, les malades ne parviennent pas à démontrer l’existence d’un lien de causalité entre l’une et l’autre. Et, si on s’en tient aux règles cardinales de notre droit de la responsabilité civile, cette impossibilité d’apporter la preuve d’un lien de causalité certain entre la vaccination et le préjudice emporte fatalement le rejet de leur demande d’indemnisation. Le doute sur le lien de causalité doit, en effet, profiter au défendeur à l’action en responsabilité civile.
Pourtant, après bien des hésitations, la première chambre civile de la Cour de cassation (Civ. 1re, 9 juill. 2009), s’était contentée d’un lien de causalité seulement probable entre la vaccination et la maladie pour retenir la mise en jeu du laboratoire qui avait fabriqué le vaccin et indemnisé les victimes. Les juges du fond avaient, en effet, considéré qu’en dépit de l’incertitude scientifique qui subsistait, celle-ci n’excluait pas un lien possible de causalité. Ils avaient ensuite relevé que « les premières manifestations de la sclérose en plaque avaient eu lieu moins de deux mois après la dernière injection du produit et que ni [le demandeur] ni aucun membre de sa famille n’avaient souffert d’antécédents neurologiques » et souverainement estimé, comme l’a affirmé la Cour de cassation, que « ces faits constituaient des présomptions graves, précises et concordantes » dont un lien de causalité pouvait être induit.
Dans des circonstances identiques, la même chambre de la Cour de cassation, en se retranchant à nouveau derrière le pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, rend une décision en tous points contraire… Alors, qu’un malade agissait contre le laboratoire qui fabrique le vaccin contre l’hépatite B, la première chambre civile a décidé, in fine, que le lien de causalité entre la vaccination et la maladie de la sclérose en plaque n’était pas établi. Elle a, en effet, décidé, qu’au regard des preuves qui leurs étaient soumis, les juges du fond avaient souverainement apprécié qu’en l’absence de certitude scientifique sur la corrélation entre la vaccination et la sclérose en plaques, « le fait que la demanderesse ne présentait aucun antécédent personnel ou familial et le fait que les premiers symptômes étaient apparus quinze jours après la dernière injection ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes ».
Difficile d’identifier la ligne directrice de la Cour de cassation et les juges du fond dans ce domaine, ce qui est pour le moins discutable au regard de la situation des victimes qui ne savent plus à quelle jurisprudence se vouer.
Civ. 1re, 25 nov. 2010, pourvoi n°09-16.556
Références
« Dans le droit des obligations, lien de cause à effet entre la faute d’une personne ou le rôle d’une chose et le préjudice subi par un tiers.
Plusieurs facteurs pouvant intervenir dans la réalisation d’un dommage, la doctrine s’est efforcée de préciser cette notion; on a parfois soutenu que toute cause est à l’origine de l’intégralité du dommage (théorie de l’équivalence des conditions); mais on a dit, à l’inverse, qu’il fallait rechercher la cause adéquate, c’est-à-dire celle qui, normalement, est de nature à provoquer le dommage considéré. La jurisprudence applique généralement la théorie de la causalité adéquate. »
« Mode de raisonnement juridique en vertu duquel de l’établissement d’un fait on induit un autre fait qui n’est pas prouvé. La présomption est dite de l’homme (ou du juge) lorsque le magistrat tient lui-même et en toute liberté ce raisonnement par induction, pour un cas particulier; elle n’est admise que lorsque la preuve par témoins est autorisée.
La présomption est légale, c’est-à-dire instaurée de manière générale, lorsque le législateur tire lui-même d’un fait établi un autre fait dont la preuve n’est pas apportée. La présomption légale est simple lorsqu’elle peut être combattue par la preuve du contraire. Lorsque la présomption ne peut être renversée, elle est dite irréfragable ou absolue.
On qualifie de présomption mixte la présomption dont la preuve contraire est réglementée par le législateur, qui restreint les moyens de preuve ou l’objet de la preuve.
Les présomptions simples sont dites également juris tantum, les présomptions irréfragables sont désignées parfois par l’expression latine juris et de jure. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Civ. 1re, 9 juill. 2009, D. 2009. AJ. 1968, obs. I. Gallmeister ; ibid. 2010. Pan. 49, obs. P. Brun et O. Gout ; RTD civ. 2009. 723, obs. P. Jourdain ; ibid. 735, obs. P. Jourdain.
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