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Procédure civile
Syndicats : conditions de leur intérêt à agir en justice
Mots-clefs : Syndicats professionnels, Action en justice, Droit, Intérêt à agir, Conditions
Le syndicat national des dermatologues-vénérologues qui a pour objet la défense des intérêts professionnels, moraux et matériels des médecins qui en sont membres, justifie d'un intérêt à agir contre une société à qui il reproche des pratiques susceptibles de relever d'une catégorie d'actes que la loi réserve aux médecins.
Le Syndicat national des dermatologues-vénérologues avait saisi le juge des référés aux fins de voir juger que les actes d'épilation par lumière pulsée pratiqués par deux sociétés constituaient bien des actes d'exercice illégal de la médecine produisant un trouble manifestement illicite qu'il convenait, en application de l'article 809, 1er alinéa, du Code de procédure civile, de faire cesser. Ce dernier, comme la cour d’appel, ensuite saisie, déclara sa demande recevable. L’une des deux sociétés forma un pourvoi en cassation pour soutenir que si les syndicats ont le droit d’agir en justice, ils ne peuvent l’exercer qu’à la condition que les intérêts défendus correspondent à la spécialité des membres qu’ils représentent, cette condition n’étant pas en l’espèce satisfaite, la dermatologie ne recouvrant pas la pratique d’actes d’épilation. La Cour de cassation rejette son pourvoi.
Elle rappelle tout d’abord qu'aux termes de l'article 31 du Code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Puis elle ajoute qu'en vertu de l'article L. 2132-3 du Code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
Elle approuve en conséquence de la combinaison de ces deux textes, rendant le moyen infondé, l’analyse des juges du fond qui après avoir constaté que, selon ses statuts, le syndicat avait pour objet la défense des intérêts, notamment professionnels, de ses membres et que tout médecin exerçant en France la spécialisation de dermatologie-vénérologie et inscrit au tableau de l'ordre des médecins pouvait adhérer à ce syndicat, et a jugé à bon droit que ce dernier justifiait d'un intérêt à agir dans la mesure où, reprochant aux deux sociétés mises en cause des pratiques susceptibles de relever d'une catégorie d'actes que la loi réserverait aux médecins, le syndicat invoquait légitimement une atteinte aux intérêts professionnels de ses membres.
Selon l'article 31 du Code de procédure civile l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. En application de l’'article L. 2132-3 du Code du travail, reprenant la formule d'un arrêt des chambres réunies du 5 avril 1913 (Ch. réunies, 5 avr. 1913), les syndicats « peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ».
Ainsi, un syndicat, qu'il soit ou non représentatif, peut ester en justice devant toutes les juridictions (civiles, répressives, administratives ou sociales), soit seul (à titre principal, en vertu d'un droit propre) soit parallèlement à une action engagée pour la défense de ses biens et droits propres, pour la défense des intérêts collectifs de la profession ou pour celle d’intérêts professionnels individuels. En effet, et de façon générale, la personnalité juridique d’un groupement est par principe distincte de celle de ses membres ; raison pour laquelle seule une habilitation législative peut l’autoriser à agir en défense des intérêts qui ne sont pas les siens propres.
Les syndicats sont les premiers attributaires de la défense des intérêts individuels de leurs membres. Ce type d’actions syndicales, dites de « substitution » (V. A. Supiot, La protection du droit d'agir en justice, Dr. soc. 1985. 774) repose sur la technique de la qualification pour agir énoncée par l'article 31 du Code de procédure civile. Il ne s'agit pas dans ce cas d’une représentation ad litem mais d'une action que le syndicat peut exercer sans avoir à justifier d'un mandat explicite de la part des individus en cause. Cependant, en vertu du principe de spécialité applicable aux personnes morales, un syndicat voit son action limitée à son objet, déterminé par ses statuts, ce qui s'oppose à ce qu'il puisse agir pour la défense d'autres intérêts que ceux qu'il représente (voir, pour des cas d’irrecevabilité de l’action syndicale, Rouen, 4 nov. 1948 ; Crim. 7 juin 1956). C’est la raison pour laquelle, notamment dans le cadre d’une action de substitution, la jurisprudence exige que le droit individuel invoqué soit très précisément de ceux que le syndicat est habilité à défendre (Soc. 12 mars 1969, n° 68-40.403).
L’auteure du pourvoi s’était précisément appuyée sur ces limites apportées au droit d’agir des syndicats pour contester la recevabilité de la demande formée par le défendeur. Cependant, la Cour juge, à la lumière des statuts du Syndicat que dès lors que ce dernier imputait aux sociétés des pratiques susceptibles de relever d'une catégorie d'actes que la loi réserverait expressément aux médecins, et en particulier aux dermatologues, spécialisés en la matière, il excipait d'une atteinte aux intérêts professionnels de ses membres, ce qui justifiait son intérêt à agir. Il eut aussi été possible d’ajouter, sous l’angle de l’intérêt collectif, que ce dernier était également atteint par la violation de la réglementation de la profession, la pratique ayant été illégalement exercée.
Civ.1re, 14 décembre 2016, n° 15-21.597 et 15-24.610
Références
■ Ch. réunies, 5 avr. 1913
■ Rouen, 4 nov. 1948 ; D. 1949, p. 242
■ Crim. 7 juin 1956
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