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Droit du travail - relations collectives
Syndicats et transparence financière
Dans deux arrêts du 17 octobre 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation a apporté des précisions sur le critère de transparence financière que doivent satisfaire les syndicats dans le cadre de la désignation d’un représentant de la section syndicale dans l’entreprise.
Dans la première affaire (n° 17.19.732), un employeur contestait devant le tribunal d’instance la désignation d’un salarié par un syndicat comme représentant de la section syndicale (RSS). Le tribunal d’instance l’a débouté et a considéré la désignation du RSS conforme aux règles fixées par le code du travail.
L’employeur a formé un pourvoi en cassation. Ce dernier estimait, d’une part, que le syndicat ne pouvait désigner un représentant de la section syndicale au motif qu’il ne remplissait pas le critère de transparence financière (C. trav., art. L. 2121-1), devant être satisfait de manière autonome et permanente. D’autre part, l’employeur avançait, qu’au moment de la désignation, les comptes du dernier exercice clos n’étaient ni approuvés, ni publiés, et que la publication était intervenue après la contestation de la désignation. Selon l’employeur, le syndicat avait fait preuve de négligence et ne respectait pas les règles de certification et de publication des comptes prévues aux articles L. 2135-1 et L. 2135-5 du Code du travail.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle rappelle que la confection et la publication des documents comptables ne constituent que des éléments de preuve de la transparence financière, leur défaut pouvant être suppléé par d’autres documents produits par le syndicat et que le juge doit examiner. Elle ajoute que le syndicat avait fait établir ses comptes par un expert-comptable et les avait fait approuver et publier par la Direccte aux cours des trois derniers exercices, ce qui a permis au tribunal d’instance de déduire que le critère de transparence financière était satisfait.
Dans la seconde affaire (n° 18-60.030), un employeur contestait également la désignation d’un salarié comme représentant de la section syndicale. Le tribunal d’instance, saisi de cette contestation, a annulé la désignation au motif que le syndicat ne satisfaisait pas au critère de transparence financière. Cette fois, c’est le syndicat qui forme un pourvoi en cassation.
Le syndicat estimait que le tribunal d’instance n’avait pas étudié les documents qu’il avait produits, et qu’il s’était contenté de constater que les comptes n’étaient pas publiés au jour de la désignation du RSS. Par ailleurs, le syndicat expliquait avoir publié des comptes simplifiés sur sa page Facebook publique, ce qui rendait, selon lui, les informations disponibles dans l’espace public.
La Cour de cassation, comme dans la première affaire, rappelle que la confection et la publication des documents comptables ne constituent que des éléments de preuve de la transparence financière, leur défaut pouvant être suppléé par d’autres documents produits par le syndicat et que le juge doit examiner. Toutefois, dans cet arrêt, la Cour a estimé que le syndicat ne justifiait pas de la publication de ses comptes sur son site internet, ni par tout autre mesure de publicité équivalente, et qu’ainsi, le critère de transparence n’était pas rempli comme l’avait justement constaté le tribunal d’instance. Elle rejette ainsi le pourvoi du syndicat.
Les syndicats professionnels ont pour objet l’étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, collectifs et individuels des personnes mentionnées dans leurs statuts (C. trav., art. L. 2131-1). Ils peuvent s'organiser librement dans toutes les entreprises conformément aux dispositions du code du travail (C. trav., art. L. 2141-4). L'exercice du droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution. Il se traduit par la possibilité pour les syndicats, de désigner des représentants dans l’entreprise.
Une section syndicale peut être créée dès lors que le syndicat possède au moins deux adhérents dans l'entreprise (C. trav., art. L. 2142-1). La section syndicale a pour mission de défendre les droits et les intérêts des salariés qu'elle représente. Pour assurer ses différentes missions, elle dispose de moyens d'action qui varient selon l'effectif de l'entreprise ou de l'établissement. Par ailleurs, pour constituer une section syndicale, le syndicat doit respecter au moins une des conditions suivantes (C. trav., art. L. 2142-1) : soit être représentatif dans l'entreprise ou l'établissement ; soit être affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ; soit respecter les valeurs républicaines et d'indépendance, et avoir une ancienneté dans le champ professionnel et géographique de l'entreprise d'au moins deux ans.
Lorsque le syndicat est représentatif dans l’entreprise, il peut désigner un délégué syndical qui peut notamment négocier et conclure des accords collectifs. Lorsque le syndicat n'est pas représenté dans l'entreprise (ou l'établissement), il peut, s’il existe une section syndicale, désigner un représentant de la section syndicale (C. trav., art. L. 2142-1-1). Ses prérogatives sont les mêmes que celles du délégué syndical (DS), à l'exception du droit de conclure des accords collectifs. Un RSS peut également être désigné dans une entreprise de moins de cinquante salariés, à des conditions spécifiques (C. trav., art. L. 2142-1-4). L’objectif pour le syndicat étant de devenir représentatif lors des prochaines élections professionnelles.
Pour pouvoir exercer des prérogatives dans l’entreprise, et désigner un représentant de la section syndicale, le syndicat doit satisfaire au critère de transparence financière prévu par l’article L. 2121-1 du Code du travail comme l’a affirmé un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 22 février 2017 (n° 16-60.123). Les deux décisions du 17 octobre 2018 apportent des précisions sur l’appréciation du critère de la transparence financière.
Les articles L. 2135-1, L. 2135-5 et D. 2135-1 du Code du travail prévoient la confection et la publication de documents comptables par les syndicats souhaitant exercer des prérogatives dans l’entreprise. L’article D. 2135-8 du Code du travail dispose que les comptes peuvent être publiés : sur le site internet du syndicat ; sur le site de la Direction de l’information légale et administrative ou par transmission à la Direccte.
Dans ces arrêts du 17 octobre 2018, la Cour de cassation a affirmé que ces documents comptables ne constituent que des éléments de preuve de la transparence financière, dont le défaut peut être suppléé par d’autres documents produits par les syndicats. Ainsi, pour la Cour, il est nécessaire que les comptes soient publiés sur le site internet du syndicat ou par « toute autre mesure équivalente ». Or, la publication des comptes simplifiés sur le compte Facebook du syndicat ne constitue pas une mesure suffisante. En conséquence, le syndicat ne remplissait pas le critère de transparence financière et ne pouvait désigner un RSS.
En revanche, s’agissant de la date de publication des comptes, la Cour de cassation se montre plus souple. En effet, elle considère que le critère de transparence financière est rempli, même en cas de retard de publication, dès lors que les comptes avaient été publiés trois mois après la désignation, auprès de la Direccte et que le syndicat fournissait au débat les documents comptables régulièrement publiés des exercices antérieurs.
Soc. 17 octobre 2018, n° 18-60.030
Soc. 17 octobre 2018, n° 17.19-732
Références
■ Fiches d’orientation Dalloz : Représentant de la section syndicale
■ Soc. 22 févr. 2017, n° 16-60.123 P : D. 2017. 514 ; Dr. soc. 2017. 575, obs. F. Petit ; RDT 2017. 433, obs. I. Odoul-Asorey
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