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Droit du travail - relations collectives
Temps de pause rémunéré
Mots-clefs : Temps de travail, Pause rémunérée, Négociation collective, Contrat de travail
S'il résulte de l’accord collectif que les salariés concernés doivent bénéficier d'un temps de pause rémunéré à l'intérieur d'un cycle de 3 heures de travail effectif, il ne s'en déduit pas que ce temps de pause rémunéré doive augmenter le temps de présence ou se traduire par l'octroi d'un supplément de rémunération.
A l’heure où le législateur s’apprête à la promouvoir davantage au détriment de la loi, cet arrêt illustre les difficultés d’interprétation que peut générer la négociation collective d’entreprise en matière de temps de travail. La question soulevée est celle du régime juridique des temps de pause rémunérés par l’employeur sans pour autant constituer légalement du temps de travail effectif. Ces temps de pause doivent-ils s’ajouter au temps de travail effectif tel que convenu dans le contrat de travail ou peuvent-ils intégrer son décompte ?
L’espèce met en scène un accord collectif conclu au sein de la Société Brink’s évolution, nommé « contrat de progrès ». Son article 5.9 prévoit une pause rémunérée de 10 minutes au cours d'un cycle de trois heures de travail effectif au bénéfice des salariés affectés au traitement des valeurs.
S’appuyant sur un courrier de l’inspection du travail, des syndicats contestent en justice l’application faite de l’accord par l’employeur qui intègre le décompte du temps de pause dans celui du temps de travail. La Cour d’Aix-en-Provence fait droit à leur demande, estimant que cette pratique « est défavorable aux salariés car elle conduit à les priver d'une partie de la rémunération qui leur est due pour les temps de pause et qui doit venir s'ajouter au salaire mensuel ». Elle condamne par conséquent l’employeur à verser mensuellement aux salariés la prime de pause et à l’identifier dans les bulletins de paie « afin d’éviter toute confusion possible avec le temps de travail effectif ». Saisie sur pourvoi de l’employeur, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Les hauts magistrats estiment que si les salariés doivent bénéficier d’un temps de pause rémunéré, « il ne s'en déduit pas que ce temps de pause rémunéré doive augmenter le temps de présence ou se traduire par l'octroi d'un supplément de rémunération ».
La solution retenue par la Cour de cassation permet ainsi aux employeurs de s’acquitter de leur engagement de rémunérer des temps pause en réduisant le temps de travail effectif de leurs salariés. Concrètement, si un salarié est engagé à temps plein, et qu’il bénéficie sur une semaine de deux heures de pause rémunérées, l’employeur peut se contenter de fournir 33 heures de travail effectif et verser le salaire convenu pour 35 heures sans autre supplément. La disposition conventionnelle accordant le temps de pause rémunéré est respectée. D’un certain point de vue, cette disposition demeure favorable aux salariés. Les temps de pause n’étant pas légalement considérés comme du travail effectif, ils n’ont pas à faire obligatoirement l’objet d’une rémunération (Il n’en va autrement que lorsque les critères du travail effectif sont réunis et que la pause n’a de pause que le nom, le salarié devant se tenir prêt à travailler à tout moment, sur demande de l’employeur. Mais ce n’est pas ce que prévoit l’accord d’entreprise en l’espèce, qui se contente d’imposer la rémunération d’un temps de pause, comme l’y autorise d’ailleurs l’art. L. 3121-2, al. 2 C. trav.). Or, ici, le salarié sera payé normalement (35 heures) alors qu’il travaille moins (33 heures). Encore que le salarié pourrait préférer continuer à travailler autant pour … gagner plus ! En l’espèce, d’ailleurs, le temps de travail des salariés concernés se trouve annualisé, si bien que l’employeur intègre les temps de pause rémunérés dans les « compteurs de modulation ». L’employeur peut donc veiller à ne pas dépasser le seuil d’heures annuel prévu (1607 h par application de la loi) pour ne pas rémunérer davantage les salariés qui perçoivent un salaire mensuel « lissé » équivalent à 151, 67 heures de travail.
Mais pour la Cour de cassation, la question n’est tant pas celle de savoir si la pratique est ou non favorable aux salariés. Se trouve plutôt posée celle du sens de l’engagement conventionnel pris par l’employeur de rémunérer un temps de pause. Alors que la cour d’appel avait lu dans la disposition concernée un engagement de verser une « prime de pause » s’ajoutant à la rémunération des heures de travail effectif, la Cour de cassation se contente d’une interprétation plus littérale. L’engagement consiste seulement à accorder une pause dans une période de travail de trois heures. Implicitement, la Cour de cassation refuse de suivre quelque « principe de faveur » pour interpréter la convention collective. La solution peut s’étendre à tous les temps qui, bien que ne constituant pas du temps de travail effectif au sens de la loi, se trouvent rémunérés par l’employeur. Qu’on songe par exemple au temps de restauration, visé également à l’article L. 3121-2 du Code du travail. Il pourrait en être de même des temps qui légalement doivent donner lieu à une contrepartie, sans être qualifiés de temps de travail effectif, sauf lorsque la loi dispose en sens contraire (V. par ex. pour une application de l’art. R. 3121-2 C. trav. : Soc. 19 nov. 1996, n° 94-44.243 : « il en résulte que le montant de la rémunération afférente au temps de douche doit apparaître distinctement sur les bulletins de salaire; qu'à défaut, la rémunération est présumée n'avoir pas été versée et il appartient à l'employeur d'établir qu'il s'est acquitté de ses obligations à cet égard »).
La portée de la solution doit toutefois être relativisée. Face à une pratique patronale telle que celle décrite dans l’arrêt, les salariés pourraient faire valoir le respect non pas de la convention collective, mais de leurs contrats de travail. Rappelons en effet qu’en concluant un contrat de travail, l’employeur s’engage non seulement à verser un salaire en contrepartie du travail réalisé, mais encore à fournir du travail dans la mesure ce qui est prévu au contrat, durée du travail et nature des fonctions.
En l’espèce, l’action syndicale devant le tribunal de grande instance ne concerne que le respect de la convention collective par l’employeur. Mais chaque salarié concerné pourrait se tourner devant le conseil de prud’hommes pour réclamer l’exécution de son obligation contractuelle par l’employeur. En pratique, l’employeur, pour éviter toute action, devrait recueillir le consentement de chaque salarié concerné en vue d’une modification de son contrat de travail. Il faudrait même opérer, comme dans l’exemple pris plus haut, le passage d’un temps plein (35 h de travail effectif) à un temps partiel (33 h.) … À moins que la Cour de cassation n’admette que l’obligation patronale de fournir du travail ne s’entende que d’une obligation de rémunérer le salarié à hauteur d’un nombre d’heures convenues. Mais cela reviendrait à en ruiner la portée.
Soc. 2 mars 2016, n° 14-25.896
Référence
■ Soc. 19 nov. 1996, n° 94-44.243.
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