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Droit des successions et des libéralités
Testament daté partiellement de la main du testateur : la nullité n’est pas automatique
Lorsqu’un testament olographe contient une date rédigée seulement en partie de la main du testateur, cette datation partielle équivaut à une absence de date en principe sanctionnée par la nullité. Cependant, cette sanction peut être évitée si des éléments intrinsèques à l’acte, dont la date en partie apposée par le rédacteur testamentaire, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, permettent d’établir que le testament a été rédigé au cours d’une période déterminée
Civ. 1re, 23 mai 2024, n° 22-17.127 B
En droit civil comme en droit commercial, l’actualité jurisprudentielle nous rappelle l’exigence d’un engagement daté directement de la main du souscripteur, assimilant la date en partie rédigée ou ajoutée par un tiers à un défaut de date. Ainsi la chambre commerciale a-t-elle récemment jugé qu’une première date apposée par le souscripteur d’un billet à ordre, raturée puis remplacée par une seconde date ajoutée ultérieurement par un tiers, rendait le titre cambiaire irrégulier, tout comme l’aval qui le garantissait. Dans cet arrêt commenté dans nos colonnes (Com. 23 mai 2024, n° 22-12.736), l’assimilation d’une date raturée à un défaut pur et simple de date témoignait d’une approche rigoureuse de l’exigence de datation à l’effet de protéger le souscripteur d’un billet à ordre avalisé contre un engagement dont la date 64 avait été modifiée sans son accord.
Dans l’arrêt rapporté, cette fois rendu en droit des successions, la première chambre civile adopte une méthodologie identique à celle déployée dans l’arrêt précité. Aux fins de préservation de la volonté du défunt, elle déduit du défaut d’écriture d’un seul chiffre de la date du testament litigieux, le chiffre « 9 », qui n’avait, lui aussi, pas été écrit par le rédacteur mais par un tiers pour former l’année de rédaction du testament, soit « 2009 », l’absence de date de l’acte testamentaire. Autrement dit, une date rédigée seulement en partie par le testateur équivaut à une absence pure et simple de datation. D’où l’on voit l’importance fondamentale d’une date conforme, apposée entièrement de la main de celui qui s’engage, toutes matières confondues.
Les ressemblances entre ces deux décisions s’arrêtent toutefois ici. En effet, le droit patrimonial de la famille prévoit une possibilité, ignorée du droit cambiaire, de reconstitution d’une date partiellement apposée de la main du rédacteur. Depuis la jurisprudence dite « Sauviat » (Civ. 1re, 10 mai 2007, n° 05-14.366), il est ainsi admis de reconstituer la date du testament grâce à des éléments intrinsèques autant qu’extrinsèques à l’acte. Ainsi l’acte testamentaire n’encourt-il pas automatiquement la nullité, dès lors que les éléments intrinsèques à l’acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, permettent d’établir qu’il a été rédigé au cours d’une période déterminée. C’est ce que rappelle la première chambre civile de la Cour de cassation dans la présente décision pour reconnaître la validité d’un testament daté partiellement par le de cujus. La cour d’appel l’avait pourtant déclaré nul au motif que sa date n’avait pas été entièrement rédigée par le testateur, alors que l’article 970 du Code civil dispose que pour être valable, le testament olographe doit être rédigé en entier, daté et signé de la main du testateur. Selon les juges du fond, ce vice formel suffisait à emporter la nullité du testament. Devant la Cour de cassation, il leur était alors reproché de ne pas avoir recherché si cette irrégularité entachant la validité de l’acte testamentaire ne pouvait pas être couverte par un faisceau d’éléments susceptibles d’établir la période de sa rédaction. Ce qui emporte l’adhésion de la première chambre civile qui, après avoir rappelé le principe issu de l’article 970 précité selon lequel le testament olographe qui n'est pas daté de la main du testateur n'est pas valable, lui apporte toutefois le tempérament suivant : « lorsqu'un testament olographe comporte une date dont un ou plusieurs éléments nécessaires pour la constituer ont été portés par un tiers, la nullité de celui-ci n'est pas encourue dès lors que des éléments intrinsèques à l'acte, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, établissent qu'il a été rédigé au cours d'une période déterminée et qu'il n'est pas démontré qu'au cours de cette période, le testateur ait été frappé d'une incapacité de tester ou ait rédigé un testament révocatoire ou incompatible. ». Ainsi la cour d’appel aurait-elle dû rechercher, comme elle y était invitée, si en dépit de l’irrégularité constatée, des éléments intrinsèques à l'acte, dont faisait partie la mention « 26 mars 200 » écrite de la main même de la testatrice, éventuellement corroborés par des éléments extrinsèques, ne permettaient pas d'établir que le testament avait été rédigé au cours d'une période déterminée.
À retenir : Les conséquences d’un défaut de date suscitent un contentieux qui doit, en tout état de cause, inviter les rédacteurs d’actes à la prudence. L’assimilation d’une datation partielle à une absence de date suppose de veiller aux défauts d’écriture susceptibles d’affecter directement la validité de l’engagement irrégulièrement daté, la possibilité de le régulariser ex post restant partielle dans son domaine et incertaine dans sa mise en œuvre.
Références :
■ Com. 23 mai 2024, n° 22-12.736 B : D. 2024. 1012.
■ Civ. 1re, 10 mai 2007, n° 05-14.366 P : D. 2007. 1510 ; ibid. 2126, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; ibid. 2327, chron. P. Chauvin et C. Creton ; AJ fam. 2007. 315, obs. F. Bicheron ; RTD civ. 2007. 604, obs. M. Grimaldi.
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