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Libertés fondamentales - droits de l'homme
Traitement défavorable en raison du sexe retenu à l’égard d’une mère en congé de maternité
Mots-clefs : Formation, Traitement défavorable, Discrimination, Sexe, Âge
Est victime d’un traitement défavorable, la femme qui, en raison de son congé de maternité, est exclue d’une formation et tenue d’attendre la prochaine session sans date certaine.
Une femme italienne avait été admise à suivre une formation qui devait débuter quelques jours après avoir été reçue à un concours. Du fait de son accouchement, cette dernière a été placée en congé obligatoire de maternité pour trois mois. L’administration italienne lui précisa : qu’elle serait exclue de la formation à l’issue des 30 premiers jours de sa période de congé de maternité, que le versement de son salaire serait interrompu et qu’elle serait admise de plein droit à suivre ladite formation au cours d’une prochaine session, sans toutefois se voir préciser sa date. Cette formation permettait l’accès à la titularisation de son poste.
La législation italienne selon laquelle une femme est exclue, en raison de la prise d’un congé de maternité obligatoire, d’une formation professionnelle qui fait partie intégrante de son emploi et qu’elle doit impérativement suivre pour prétendre à une nomination à un poste de fonctionnaire et bénéficier ainsi d’une amélioration de ses conditions d’emploi est-elle contraire à la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail, quand bien même ladite législation lui garantit cependant le droit de participer à une formation ultérieure organisée à une date inconnue ?
Saisie de la question par le tribunal italien, la CJUE rappelle que, selon le droit de l'Union, un traitement moins favorable lié à la grossesse ou au congé de maternité d’une femme constitue une discrimination fondée sur le sexe (CJCE 8 nov. 1990, Dekker). Elle énonce que l’article 15 de la directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à la législation nationale italienne considérée comme constitutive d’un traitement défavorable. En effet, l’exclusion à la formation entraine pour la requérante une perte d’une chance de bénéficier, de la même manière que ses collègues, d’une amélioration de ses conditions de travail et ce, en raison du congé de maternité obligatoire.
Enfin, la Cour précise que les dispositions des articles 14, paragraphe 1, sous c), et 15 de la directive 2006/54 sont suffisamment claires, précises et inconditionnelles pour pouvoir produire un effet direct.
Rappelons qu’en France, l’article L. 1132-1 du Code du travail vise spécifiquement le motif de discrimination fondée sur le sexe, au même titre que l’origine, l’appartenance religieuse ou encore l’âge (sur le refus de formation d’un pilote proche de l’âge de la retraite, Soc. 18 févr. 2014). Toutefois, une différence de traitement peut être justifiée, lorsque celle-ci répond à une « exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée » (art. 14 § 2 de la directive transposé à l’art. L. 1133-1 du Code du travail).
CJUE 6 mars 2014, Napoli c. Italie C-595/12
Références
■ Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail
Article 14 - Interdiction de toute discrimination
« 1. Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe est proscrite dans les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne :
a) les conditions d'accès à l'emploi, aux activités non salariées ou au travail, y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d'activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle, y compris en matière de promotion ;
b) l'accès à tous les types et à tous les niveaux d'orientation professionnelle, de formation professionnelle, de perfectionnement et de formation de reconversion, y compris l'acquisition d'une expérience pratique du travail;
c) les conditions d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement ainsi que la rémunération, comme le prévoit l'article 141 du traité ;
d) l'affiliation à, et l'engagement dans, une organisation de travailleurs ou d'employeurs, ou toute organisation dont les membres exercent une profession donnée, y compris les avantages procurés par ce type d'organisation.
2. Les États membres peuvent prévoir, en ce qui concerne l'accès à l'emploi, y compris la formation qui y donne accès, qu'une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée au sexe ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature des activités professionnelles particulières concernées ou du cadre dans lequel elles se déroulent, une telle caractéristique constitue une exigence professionnelle véritable et déterminante, pour autant que son objectif soit légitime et que l'exigence soit proportionnée. »
Article 15 - Retour de congé de maternité
« Une femme en congé de maternité a le droit, au terme de ce congé, de retrouver son emploi ou un emploi équivalent à des conditions qui ne lui soient pas moins favorables et de bénéficier de toute amélioration des conditions de travail à laquelle elle aurait eu droit durant son absence. »
■ CJCE 8 nov. 1990, Dekker, C-177/88.
■ Soc. 18 févr. 2014, n°13-10.294, Dalloz actualité, 11 mars 2004.
■ Code du travail
« Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »
« L'article L. 1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée.»
«Les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés.
Ces différences peuvent notamment consister en :
1° L'interdiction de l'accès à l'emploi ou la mise en place de conditions de travail spéciales en vue d'assurer la protection des jeunes et des travailleurs âgés ;
2° La fixation d'un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d'une période d'emploi raisonnable avant la retraite.»
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