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Droit des sociétés
Traitement liquidatif des parts sociales de l’époux associé commun en biens
Les bénéfices et dividendes perçus par l’époux associé pendant l’indivision post-communautaire accroissent à l’indivision.
Parmi les difficultés soulevées par la liquidation des communautés conjugales, la qualification des parts sociales de personnes mariées sous un régime communautaire figure en bonne place. Plusieurs moyens d’articuler les règles issues de la communauté entre époux et le droit des sociétés ont été proposés en doctrine, dont les conséquences liquidatives, distinctes, devaient conduire la Cour de cassation à se prononcer. Il semble ressortir de la jurisprudence récente le maintien de l’approche duale traditionnelle, distinguant le titre de la finance, reposant sur cette idée que les parts sociales ne peuvent être ni tout à fait propres, ni tout à fait communes. Ainsi, la part est-elle considérée comme propre dans son principe, mais commune dans sa valeur (Civ. 1re, 4 juill. 2012, n° 11-13.384, à propos de parts sociales d’une SARL acquises par l’époux au moyen de fonds communs, et après que la communauté fut dissoute : « ces parts n’étaient entrées en communauté que pour leur valeur patrimoniale et (…) ne pouvaient qu’être attribuées au titulaire des droits sociaux lors du partage ; V. déjà Civ. 1re, 9 juill. 1991, n° 90-12.503). Puisque la part est propre, seule la valeur patrimoniale qu’elle représente constitue un bien dépendant de la communauté conjugale, maintenue à l’actif de cette communauté puis de l’indivision, jusqu’au partage. La Cour en déduit que les fruits et revenus de ces parts, découlant de leur valeur, accroissent l’indivision post-communautaire. C’est ce qui ressort de la décision rapportée, dans laquelle la Cour de cassation confirme la décision des premiers juges ayant constaté que les parts sociales détenues par l’époux associé, marié sous le régime de la communauté, avaient été acquises au cours du mariage, et exactement retenu que ces parts seraient portées à l'actif de communauté pour leur valeur au jour du partage, la qualité d'associé s'y attachant ne relevant pas de l'indivision, la cour d'appel en avait à juste titre déduit que les bénéfices et dividendes perçus par l’époux de toutes les sociétés du groupe pendant l'indivision post-communautaire étaient des fruits accroissant à l'indivision.
Le moyen du pourvoi faisait valoir que s’agissant de parts sociales non négociables, seule la valeur de ces parts était entrée en communauté, et non la qualité d’associé qui lui restait personnelle, son ex-épouse, n’ayant pas elle-même la qualité d’associée, ne pouvait donc prétendre participer aux bénéfices postérieurement à la dissolution de la communauté. Ainsi prenait-il appui sur une approche plus récente, faisant dépendre de la seule qualité d’associé du conjoint apporteur, en tant que prérogative extrapatrimoniale, les droits de chacun des anciens époux au moment du partage (V. Barabé-Bouchard, « Société entre époux communs en biens : la qualité d’associé ne dépend pas de la répartition des parts entre les conjoints »; D. 2012. 1856). Ainsi, parce qu’à la dissolution de la communauté, la qualité d'associé attachée à des parts sociales non négociables dépendant de celle-ci ne tombe pas dans l'indivision, qui n'en recueille que leur valeur, le conjoint associé peut en disposer seul et, notamment, les céder pendant l’indivision post-communautaire, le prix de cession représentant la valeur de ces parts telle qu’elles doivent être portées à l'actif de la communauté au jour du partage (Civ. 1re, 22 oct. 2014, n° 12-29.265).
Cette décision illustre la fragilité de la distinction du titre et de la finance pour les parts de société, la nature propre du titre peinant en l’espèce à se traduire concrètement : le rattachement ici réaffirmé (V. déjà Civ. 1re, 10 févr. 1998, n° 96-16.735) des fruits et revenus des parts à leur valeur, commune, après la dissolution de la communauté, justifie leur intégration à l’indivision post-communautaire qu’elles contribuent à augmenter.
Il est toutefois à noter que la portée de cette décision doit être cantonnée au cas où seul l’un des époux a la qualité d’associé. En effet, lorsque celle-ci est également revêtue par les deux membres du couple, il est admis que chacun d’eux a, à ce titre, seul qualité pour percevoir les dividendes afférents aux parts sociales communes dont il est titulaire, en sorte que la décision des juges du fond refusant de constater l'existence d'une créance de l’épouse vis-à-vis de son époux au prétexte que les dividendes qu'il a perçus à sa place sont devenus acquêts de communauté (C. civ., art. 1401) encourt la cassation (Civ. 1re, 5 nov. 2014, n° 13-25.820).
Civ. 1re, 28 mars 2018, n° 17-16.198 P
Références
■ Fiches d’orientation Dalloz : Part sociale ; Communauté légale (Actif) ; Communauté légale (Passif)
■ Civ. 1re, 4 juill. 2012, n° 11-13.384 P : D. 2012. 2493, note V. Barabé-Bouchard ; ibid. 2476, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; ibid. 2688, obs. J.-C. Hallouin, E. Lamazerolles et A. Rabreau ; AJ fam. 2012. 508, obs. P. Hilt ; Rev. sociétés 2012. 717, note I. Dauriac.
■ Civ. 1re, 9 juill. 1991, n° 90-12.503 P: RDI 1992. 389, obs. J. Foyer et J. Hudault ; RTD com. 1992. 204, obs. M. Jeantin.
■ Civ. 1re, 22 oct. 2014, n° 12-29.265 P: D. 2014. 2175 ; ibid. 2015. 649, obs. M. Douchy-Oudot ; ibid. 2094, obs. V. Brémond, M. Nicod et J. Revel ; AJ fam. 2014. 707, obs. J.-F. Desbuquois.
■ Civ. 1re, 10 févr. 1998, n° 96-16.735 P : D. 1998. 64 ; RTD civ. 1998. 435, obs. J. Patarin.
■ Civ. 1re, 5 nov. 2014, n° 13-25.820 P : D. 2014. 2342 ; AJ fam. 2014. 706, obs. P. Hilt ; Rev. sociétés 2015. 190, note E. Naudin.
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