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[ 14 mars 2017 ] Imprimer

Droit des obligations

Transaction et renonciation : critères de la distinction

Mots-clefs : Transaction, Renonciation, Distinction, Acte unilatéral

La renonciation à un droit est un acte unilatéral qui, à ce titre, n'exige aucune concession réciproque de la part de son bénéficiaire.

Une société civile immobilière avait fait assurer à compter du 1er décembre 2009 un ensemble immobilier dont elle était propriétaire ; celui-ci avait été détruit dans un incendie déclaré le 2 septembre 2011. Après qu’elle eut signé, le 6 décembre 2011, une lettre d'acceptation d’une limitation contractuelle de la garantie due par son assureur, puis une quittance le 26 janvier 2012 subrogeant celui-ci dans ses droits à hauteur de la somme fixée pour l’indemnisation de son préjudice, la SCI avait assigné la société d’assurances en indemnisation de son préjudice résultant de la perte de chance de souscrire un contrat ne prévoyant pas de limitation contractuelle de garantie. Pour faire droit à sa demande, la cour d’appel retint, notamment, que son assureur ne pouvait invoquer une renonciation de la SCI à se prévaloir à son égard de l'inopposabilité de la clause de limitation de garantie dans la mesure où tant la « lettre d'acceptation » que la quittance subrogative n’ayant prévu aucune concession de sa part, elles ne pouvaient constituer une transaction et n'entraînaient donc pas une renonciation de la SCI à une contestation ultérieure relative au paiement d'une indemnité supplémentaire. Cette décision est cassée au motif que la renonciation à un droit est par principe un acte unilatéral qui n'exige pas l'existence de concessions réciproques.

La renonciation se définit comme un acte de disposition par lequel une personne abandonnant volontairement un droit déjà né dans son patrimoine éteint ce droit ou s'interdit de faire valoir un moyen de défense ou d'action sur cette base (G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association H. Capitant : PUF 2000, V° Renonciation). Si, comme la transaction, cette notion implique l'idée de renonciation, elle s'en différencie d'un point de vue technique. Alors que la transaction, impliquant l'existence de concessions réciproques, relève de la catégorie des contrats synallagmatiques, la renonciation s'inscrit, quant à elle, dans celle des actes unilatéraux car sa caractérisation ne repose que sur l'existence de concessions unilatérales. Techniquement et au sens strict, la notion d’actes abdicatifs ne vise donc que des actes unilatéraux et non des contrats tels que des actes transactionnels. Cependant, une appréciation large de la notion de renonciation a conduit à inclure la transaction, supposant pour les parties de renoncer à une procédure judiciaire, dans la catégorie des actes abdicatifs dès lors qu’elle implique tout de même l'idée de renonciation à travers l'exigence de concessions réciproques (G. Cornu, Vocabulaire juridique, préc., V° Abdication. Y. Saillan, L'acte abdicatif : RTD civ. 1966. 686).

Cependant, si le critère de distinction selon lequel la transaction qui suppose des renonciations réciproques a pour conséquence que toute prohibition de renoncer implique celle de conclure une transaction, en revanche, la règle inverse n'est pas vraie : toute prohibition de transaction n'empêche pas nécessairement de renoncer à un droit. 

Cette différence se comprend particulièrement à la lecture de la jurisprudence rendue en application de l’ancien article 389-5, alinéa 3 du Code civil. Ce texte interdisait aux parents, dans le cadre de l'administration légale pure et simple, de renoncer à un droit de leurs enfants sans l'accord préalable du juge des tutelles. En revanche, selon une lecture combinée de cet article et des dispositions de l'article 467, ils pouvaient librement transiger au nom de leur enfant. Dans une affaire où des parents avaient transigé pour leur fille, victime d'un viol, sur ses intérêts relevant du droit civil, alors que la Cour d'assises avait validé ce contrat, une chambre mixte a cassé cette décision au motif que « tout en se présentant comme une transaction, l'acte analysé par l'arrêt attaqué constitue une renonciation à un droit au sens de l'alinéa 3 de l'article 389-5 du Code civil» (Ch. mixte, 29 janv. 1971, n° 67-93.320). Transposée à l’affaire rapportée, cette articulation implique que l’absence de transaction n’empêche pas l’existence d’une renonciation. D’ailleurs, le nouvel article 387-1, 4° du Code civil, s’il interdit désormais aux parents de transiger au nom de leur enfant sans l’autorisation des juges des tutelles, le texte prend soin de distinguer l’acte de transiger et celui de renoncer, pour le mineur, à l’un de ses droits. Ainsi, si la transaction contient l’idée de renonciation propre aux actes abdicatifs, ceux-ci sont, par essence et par principe, unilatéraux de telle sorte que le raisonnement de la cour d’appel, fondé sur l’absence de transaction conclue entre les parties au litige pour exclure toute renonciation de la part de la société assurée, encourait en conséquence la cassation.

Civ . 2e, 2 février 2017, n° 16-13.521

Références

■ Ch. mixte, 29 janv. 1971, n° 67-93.320 P.

 

Auteur :M. H.


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