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Droit du travail - relations collectives
Transfert conventionnel du contrat de travail et accord du salarié : la chambre sociale persiste et signe !
Mots-clefs : Novation, Code du travail, Convention collective, Situation juridique de l’employeur
Le changement d’entreprise opérant sur un marché public de traitement des déchets n’entraîne pas automatiquement la reprise du contrat de travail des salariés de la société sortante. L’accord de ces derniers reste nécessaire en vertu de la convention collective en vigueur.
En l’espèce, il s’agissait d’un chauffeur de camion poubelle, employé par la société X., qui avait refusé de changer d’employeur, lorsque la société Y. avait obtenu le marché de collecte des ordures ménagères du syndicat intercommunal de traitement des ordures ménagères de la ville de H.. Or, la convention collective du déchet prévoit dans son annexe V que la société qui se voit octroyer un marché public (société entrante) à la place d’une autre société (société sortante) a l’obligation de reprendre les salariés de l’ancienne société.
Cette disposition permet de protéger les employés en cas de changement de titulaire d’un marché public, sans bloquer pour autant les collectivités dans leur volonté de mettre en concurrence les prestataires.
Ce mécanisme a d’abord été fondé sur l’article L. 1224-1 du Code du travail, qui prévoit, en faveur des salariés, la novation automatique du contrat de travail dans l’hypothèse d’une « modification dans la situation juridique de leur employeur » (rachat, fusion, modification de statut de la personne morale).
Mais, par deux arrêts du 15 novembre 1985, l’Assemblée plénière avait jugé cette pratique contraire au Code du travail, en considérant que la perte d’un marché public ne pouvait pas constituer un « changement dans la situation juridique de l’entreprise ».
Suite à cette décision, les partenaires sociaux se sont lancés dans la négociation de conventions collectives validant cette pratique, soutenus par les gouvernements successifs, qui ont homologué par décret les conventions. Dans notre affaire, conformément aux termes de la convention collective du déchet, les deux sociétés avaient obtenu l’autorisation de l’inspection du travail pour prolonger les contrats de travail des salariés. Prenant appui sur l’article L. 1224-1 du Code du travail, elles avaient considéré que l’accord du salarié n’était pas nécessaire, et que les dispositions de la convention collective ne constituaient que des « modalités d’exécution secondaires ».
La chambre sociale, qui prend soin de préciser que les conditions nécessaires à l’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail n’étaient pas réunies en l’absence de changement de personnalité juridique de l’employeur, décide d’appliquer la convention collective au détriment des dispositions du Code. Et, posant le principe selon lequel lors d’un « transfert réalisé dans le cadre conventionnel, il appartenait [à l’employeur] de vérifier que le salarié avait donné son accord au changement d’employeur », la chambre sociale casse l’arrêt d’appel qui avait prononcé le licenciement du salarié, suite à son refus d’exécuter le nouveau contrat de travail.
Cet arrêt illustre parfaitement les conflits qui peuvent opposer le juge, chargé d’appliquer la loi, et les pouvoirs publics et économiques. Il se traduit souvent par des débats doctrinaux qui, comme en l’espèce, peuvent être virulents.
Soc. 3 mars 2010, n° 08-41.600 et n° 08-44.20
Références
« Convention par laquelle une obligation est éteinte et remplacée par une obligation nouvelle. La nouveauté peut résider dans un changement de débiteur, ou de créancier ou de la dette. »
« Corps de fonctionnaires chargé, entre autres, de contrôler l’application de la législation du travail et de l’emploi. »
■ AP, 15 nov. 1985, n° 82-41.510 et n° 82-40.301.
■ Article L. 1224 - 1 du Code du travail
« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »
■ Convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000
Annexe V, article 1
« Le nouveau titulaire doit reprendre à l'ancien titulaire, à tout le moins, les personnels ouvriers affectés antérieurement au marché concerné. (…)
La signature, par le salarié, du contrat de travail proposé par le nouveau titulaire vaudra acceptation par le salarié des modalités de reprise. Elle entraînera la rupture du contrat vis-à-vis de son ancien employeur sans qu'elle puisse être analysée comme un licenciement ; »
Annexe V, avenant n° 5 du 15 décembre 2003
« Les parties entendent, dans l'esprit de l'article L 122-12 du code du travail et de la jurisprudence européenne, garantir l'emploi des salariés affectés à un marché public faisant l'objet d'un changement de titulaire et, pour cela, organisent les conditions de transfert de ces salariés. »
■ Y. Chagny, « La continuité des contrats de travail du personnel d'un marché de prestation de services », RDT 2007.78.
■ Pr. Morvan « Application conventionnelle de l'article L. 122-12 et accord du salarié : plaidoyer pour un revirement. » JCP S 2006.1069, p.7.
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