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Contrats spéciaux
Transfert des risques et transfert de propriété dans le contrat de vente
Mots-clefs : Vente, Risque, Propriété, Prix
Le contrat de vente légalement formé transfère la propriété de la chose vendue à l'acquéreur, et avec elle les risques pesant sur la chose vendue. Si les parties peuvent modifier ce transfert des risques, il n'appartient pas aux juges de le faire en l'absence de stipulation contractuelle en ce sens.
Un catamaran avait été détruit lors d'une tempête, à la suite d'un choc avec un autre navire. Or, ce catamaran avait fait l'objet d'une vente un mois plus tôt, pour une somme de 360 00 euros, non encore réglée par l'acheteur. Les juges d'appel, constatant que le catamaran n'avait pas été livré à l'acquéreur, avaient décidé que le vendeur devait être indemnisé de la perte du bien vendu.
Cette solution, si elle semblait conforme à l'équité, puisque le bien n'avait été ni livré ni payé, était pourtant contraire au droit de la vente (art. 1583 C. civ.). En effet, le contrat de vente est « un contrat par lequel une personne, le vendeur, transfère ou s'engage à transférer un bien à une autre personne, l'acheteur, qui a l'obligation d'en verser le prix en argent ». Portant sur une chose, il est considéré comme formé dès lors que les parties se sont mises d'accord sur la chose vendue et sur le prix de cette chose. Une fois le contrat formé, la propriété de la chose change de mains pour passer immédiatement dans celles de l'acquéreur.
En outre, en droit civil, les risques suivent la propriété de la chose. Ce principe s'évince de l'application des articles 1138 et 1624 du Code civil. Pourtant, la cour d'appel avait décidé d'indemniser le vendeur de la perte de la chose vendue, puisque cette dernière n'avait pas été livrée à l'acquéreur.
La chambre commerciale casse donc logiquement l'arrêt de la cour d'appel pour manque de base légale, et renvoie les parties devant les juges du fond en rappelant que la vente mettait à la charge de l'acquéreur les risques pesant sur la chose.
Cependant, elle ne ferme pas complètement la porte à une indemnisation du vendeur. En effet, en droit de la vente, les parties sont libres d'aménager conventionnellement le transfert des risques, en intégrant par exemple une « clause anticipant le moment du transfert des risques au jour de la livraison à une clause de réserve de propriété » (v. infra, D. Mainguy). La Cour de cassation exige simplement des juges du fond qu'ils précisent « à quel titre, dès lors que les risques sont, en principe, à la charge de l’acquéreur dès le transfert de propriété, [l'acquéreur] pouvait prétendre être indemnisée pour la perte du navire vendu ».
Com. 5 oct. 2010, n° 08-19.408
Références
« Lorsque, dans un contrat synallagmatique, l'une des parties est exonérée en raison d'un événement de force majeure qui l'a empêchée de fournir sa prestation, la théorie des risques permet de désigner celui des contractants qui supportera les conséquences de l'inexécution; en règle générale, le débiteur exonéré ne peut recevoir la contrepartie de ce qu'il n'a pu accomplir : le débiteur supporte les risques. »
« Contrat par lequel une personne, le vendeur, transfère ou s'engage à transférer un bien à une autre personne, l'acheteur, qui a l'obligation d'en verser le prix en argent ».
■ Clause de réserve de propriété
« Clause par laquelle un vendeur – pour garantir sa créance – se réserve la propriété de la chose vendue jusqu'au paiement intégral du prix par l'acheteur. Elle a été introduite dans le Code civil par une ordonnance du 23 mars 2006. Cette clause est opposable aux tiers, notamment aux créanciers de l'acquéreur mis en redressement ou en liquidation judiciaires lorsque certaines conditions sont réunies. »
Lexique des termes juridiques 2011, 18e éd., Dalloz, 2010.
■ Code civil
« L'obligation de livrer la chose est parfaite par le seul consentement des parties contractantes.
Elle rend le créancier propriétaire et met la chose à ses risques dès l'instant où elle a dû être livrée, encore que la tradition n'en ait point été faite, à moins que le débiteur ne soit en demeure de la livrer ; auquel cas la chose reste aux risques de ce dernier. »
« Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ».
« La question de savoir sur lequel, du vendeur ou de l'acquéreur, doit tomber la perte ou la détérioration de la chose vendue avant la livraison, est jugée d'après les règles prescrites au titre "Des contrats ou des obligations conventionnelles en général" ».
■ D. Mainguy, Contrats spéciaux, 7e éd., Dalloz, coll. « Cours », 2010, n° 132 (Les aménagements conventionnels au transfert des risques).
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