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Droit des obligations
Transformation d’une obligation naturelle en obligation civile : illustration en matière successorale
Mots-clefs : Succession, Obligation civile, Obligation naturelle, Transformation, Devoir de conscience, Devoir de justice, Engagement unilatéral de volonté
L’engagement unilatéral de volonté permet d’opérer la transformation d’une obligation naturelle en obligation civile.
La notion d’obligation naturelle suscite un contentieux important quant à son champ d’application. La Cour de cassation a déjà rendu des arrêts d’un grand intérêt permettant d’en dessiner les contours et d’en apprécier sa mutation en obligation civile (v. par ex. à propos du versement d’une pension alimentaire entre époux, Civ. 1re, 23 mai 2006, no 04-19.099). En matière successorale, un arrêt de la première Chambre civile en date du 11 octobre 2017 a retenu notre attention.
En l’espèce, par acte sous seing privé, deux sœurs s’étaient engagées à remettre à leur frère un tiers des actifs successoraux compris dans la succession de leur père. Condamnées en appel à exécuter leur engagement, elles formèrent un pourvoi en cassation.
La question se posait de savoir si l’exécution forcée de l’acte sous seing privé était envisageable. Pour y répondre, les juges devaient s’interroger sur l’existence d’une obligation naturelle et ensuite, sur son éventuelle mutation en obligation civile par la volonté unilatérale de ses débiteurs.
Pour mémoire, l’obligation civile contraint en droit et l’obligation naturelle ne contraint qu’en conscience (Civ. 1re, 14 févr. 1978, no 76-11.428). En effet, l’obligation naturelle a pour origine un devoir de conscience (C. civ., art. 1100, al. 2 ; V. not., Civ. 1re, 4 janv. 2005, no 02-18.904). Elle est soumise à un régime particulier : elle n'est pas susceptible de faire l'objet d'une exécution forcée, le créancier n’a pas le pouvoir d’agir en justice pour obtenir sa dette. Toutefois, un engagement unilatéral de l’exécuter suffisamment réfléchi et dépourvu d'équivoque (Civ. 14 janv. 1952) permet de la transformer en lui faisant quitter le ressort de la morale pour accéder à la condition d'une dette civile. Il en va de même lorsqu’elle fait l’objet d’une exécution spontanée par le débiteur, lequel ne peut pas alors le répéter.
Ainsi, la première Chambre civile, pour retenir l’existence d’une obligation naturelle, a identifié un devoir de justice. Elle justifie alors la remise par deux sœurs d’une part de l’actif successoral de leur père à leur frère, exclu de la succession. Pour conclure en la mutation de cette obligation naturelle, la Haute juridiction se fonde sur la réitération et l’établissement de l’intention, concrétisés par la signature d’un acte sous seing privé et l’envoi de lettres.
Cet arrêt est intéressant en ce qu’il rappelle que l’engagement unilatéral de volonté permet d’opérer la transformation d’une obligation naturelle en obligation civile. Il respecte les « prescriptions de Gény », pour qui il y a lieu de « déclarer obligatoires, non pas toutes promesses unilatérales, mais celles-là seulement qui paraîtront indispensables pour atteindre un résultat socialement désirable et impossible à réaliser pratiquement par une autre voie » (F. Gény, Méthode d'interprétation et sources en droit privé positif, tome 2, LGDJ, 1954, p. 164). Dans cet arrêt, le partage successoral est nécessaire au rétablissement de l’équilibre entre héritiers réservataires, résultat socialement désirable. L’équité familiale est alors respectée.
Civ. 1re, 11 oct. 2017, no 16-24.533
Références
■ Répertoire de droit civil Dalloz, v° Obligation naturelle.
■ Civ. 1re, 23 mai 2006, no 04-19.099 P: D. 2006. 1561; AJ fam. 2006. 287, obs. F. Chénedé ; RTD civ. 2006. 538, obs. J. Hauser ; ibid. 2007. 119, obs. J. Mestre et B. Fages.
■ Civ. 1re, 14 févr. 1978, no 76-11.428 P.
■ Civ. 1re, 4 janv. 2005, no 02-18.904 P: D. 2005. 1393, note G. Loiseau ; RTD civ. 2005. 397, obs. J. Mestre et B. Fages.
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