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Droit du travail - relations individuelles
Travail de nuit et travail dominical
Mots-clefs : Travail de nuit, Arrêté préfectoral, Repos dominical, Ouverture des magasins le dimanche , QPC, Conseil constitutionnel, Syndicat, Liberté d’entreprendre, Droit à un recours juridictionnel effectif, Équilibre des droits des parties dans la procédure, Arrêté préfectoral, Parfumerie, Bricolage, Décret, Loisir dominical
Selon le Conseil constitutionnel, le travail de nuit est conforme à la Constitution en revanche le recours d’un syndicat contre un arrêté préfectoral autorisant l’ouverture d’un magasin le dimanche n’est plus suspensif. Par ailleurs, le juge des référés du Conseil d’État vient de refuser de suspendre le décret du 7 mars 2014 qui autorise les magasins de bricolage à ouvrir le dimanche.
▪ Les décisions QPC du Conseil constitutionnel du 4 avril 2014
La QPC n° 2014-373 en date du 4 avril 2014 relative au travail de nuit a pour origine un conflit entre divers syndicats et la société Sephora concernant les horaires d’ouverture de son établissement situé sur les Champs-Élysées. Ce magasin est ouvert tous les jours de 10 heures à minuit, voire 1 h ou 2 h du matin selon les jours et les saisons.
Le juge des référés de la cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 23 septembre 2013 (n°12/23124), avait ordonné sous astreinte à la société Sephora de cesser d’employer des salariés entre 21 h et 6 h dans cet établissement.
L’enseigne de parfumerie avait alors formé un pourvoi contre cet arrêt et demandé à la Cour de cassation de renvoyer au Conseil constitutionnel plusieurs questions relatives à la conformité à la Constitution des articles L. 3122-32, L. 3122-33 et L. 3122-36 du Code du travail.
La chambre sociale (Soc., QPC, 8 janv. 2014, arrêt n° 232) considérant que ces questions présentaient un caractère sérieux les a renvoyé au Conseil constitutionnel. La société Sephora estimait notamment qu’en réservant le recours au travail de nuit aux seuls employeurs justifiant de la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale, les dispositions de l’article L. 3122-32 du Code du travail méconnaissent la liberté d’entreprendre (DDH, art. 4).
En réponse, le Conseil constitutionnel considère que ces dispositions ne méconnaissaient pas ce principe. En effet, le législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, a opéré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre la liberté d'entreprendre et les exigences tant du droit à une vie familiale normale (Préamb. Const. 1946, al. 10) que du droit à la protection de la santé, à la sécurité matérielle, au repos et aux loisirs (Préamb. Const. 1946, al. 11).
Le même jour le Conseil constitutionnel a également rendu une décision QPC n° 2014-374 au sujet de l’effet des recours suspensifs contre les dérogations préfectorales au repos dominical (Soc., QPC, 8 janv. 2014, arrêt n° 233).
Le même établissement de parfumerie, la société Sephora, soutenait notamment que les dispositions de l’article L. 3132-24 du Code du travail méconnaissaient certaines exigences constitutionnelles (droit à un recours juridictionnel effectif, droits de la défense, droit à un procès équitable et principe d’égalité devant la loi) car elles privent l’employeur du bénéfice de l’autorisation de permettre aux salariés volontaires de travailler le dimanche sans qu’aucun juge ne puisse porter une appréciation sur le caractère excessif ou non de l’atteinte portée à ses droits dans un délai raisonnable.
Selon les dispositions du Code du travail précitées, tout recours formé contre un arrêté préfectoral d’autorisation de dérogation au repos dominical suspend de plein droit les effets de l’arrêté dès son dépôt par le requérant au greffe de la juridiction administrative. Cette suspension se prolonge jusqu’à la décision de la juridiction administrative alors que la dérogation au repos dominical prévue par l’arrêté préfectoral est accordée pour une durée limitée.
Selon le Conseil constitutionnel, ces dispositions sont contraires au droit à un recours juridictionnel effectif et à l’équilibre des droits des parties dans la procédure (DDH, art. 6 et 16) :
– d’une part, l’employeur ne dispose d’aucune voie de recours pour s’opposer à l’effet suspensif de l’arrêté préfectoral ;
– d’autre part, le législateur n’a pas prévu que la juridiction saisie soit contrainte de statuer dans un délai qui ne prive pas de tout effet utile l’autorisation préfectorale de dérogation au repos dominical en raison du caractère temporaire de l’autorisation.
Ainsi, un magasin autorisé par le préfet à ouvrir le dimanche pour une durée limitée, ne fermera plus à l’occasion de recours des syndicats contre l’arrêté.
▪ L’ordonnance du juge des référés du Conseil d’État du 10 avril 2014
Plusieurs organisations syndicales ont saisi le juge des référés du Conseil d’État d’une demande de suspension du décret n° 2014-302 du 7 mars 2014 portant inscription des établissements de commerce de détail du bricolage sur la liste des établissements pouvant déroger à la règle du repos dominical.
Ce décret complète l’article R. 3132-5 du Code du travail qui donne la liste précise des catégories d’établissements disposant d’une dérogation permanente de droit au repos dominical.
En l’état actuel du dossier qui lui était présenté, le juge des référés a rejeté la demande de suspension au motif que le bricolage peut être regardé comme un besoin du public le dimanche au sens des dispositions de l’article L. 3132-12 du Code du travail. En effet, le bricolage constitue désormais une activité de loisir dominical pour une large majorité des Français. Par ailleurs, la possibilité d’acheter le jour même les fournitures permettant l’exercice de cette activité peut être regardée comme nécessaire à la satisfaction de ce besoin au sens des mêmes dispositions.
Cons. const. 4 avril 2014, Sté Sephora, n° 2014-373 QPC
Cons. const. 4 avril 2014, Sté Sephora, n° 2014-374 QPC
CE, réf., 10 avril 2014, Fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services et autre - Fédération des employés et cadres-CGT Force ouvrière et autres, req. n° 376266 et 376412
Références
■ Soc., QPC, 8 janv. 2014, n° 13-24.851 (arrêt n° 232).
■ Soc., QPC, 8 janv. 2014, n° 13-24.851 (arrêt n° 233).
■ Code du travail
« Certains établissements, dont le fonctionnement ou l'ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l'activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement.
Un décret en Conseil d'État détermine les catégories d'établissements intéressées. »
« Le recours au travail de nuit est exceptionnel. Il prend en compte les impératifs de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs et est justifié par la nécessité d'assurer la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale. »
« La mise en place dans une entreprise ou un établissement du travail de nuit au sens de l'article L. 3122-31 ou son extension à de nouvelles catégories de salariés sont subordonnées à la conclusion préalable d'une convention ou d'un accord collectif de branche étendu ou d'un accord d'entreprise ou d'établissement.
Cette convention ou cet accord collectif comporte les justifications du recours au travail de nuit mentionnées à l'article L. 3122-32. »
« Par dérogation aux dispositions de l'article L. 3122-33, à défaut de convention ou d'accord collectif de travail et à condition que l'employeur ait engagé sérieusement et loyalement des négociations tendant à la conclusion d'un tel accord, les travailleurs peuvent être affectés à des postes de nuit sur autorisation de l'inspecteur du travail accordée notamment après vérification des contreparties qui leur seront accordées au titre de l'obligation définie à l'article L. 3122-39, de l'existence de temps de pause et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État.
L'engagement de négociations loyales et sérieuses implique pour l'employeur d'avoir:
1° Convoqué à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise et fixé le lieu et le calendrier des réunions;
2° Communiqué les informations nécessaires leur permettant de négocier en toute connaissance de cause;
3° Répondu aux éventuelles propositions des organisations syndicales. »
« Les recours présentés contre les décisions prévues aux articles L. 3132-20 et L. 3132-23 ont un effet suspensif. »
■ Déclaration des droits de l’homme
« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. »
« La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
« Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. »
■ Préambule de la Constitution de 1946
« La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement. »
« Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. »
■ Article 34 de la Constitution
« La loi fixe les règles concernant :
– les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ; les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;
– la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ;
– la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;
– l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie.
La loi fixe également les règles concernant :
– le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ;
– la création de catégories d'établissements publics ;
– les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'État ;
– les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé.
La loi détermine les principes fondamentaux :
– de l'organisation générale de la Défense Nationale ;
– de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ;
– de l'enseignement ;
– de la préservation de l'environnement ;
– du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;
– du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.
Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État.
Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques.
Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique. »
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