Actualité > À la une
À la une
Procédure pénale
Travail dissimulé : recevabilité de l’action civile d’un syndicat
Mots-clefs : Travail dissimulé, Action civile, Syndicat, Recevabilité, Préjudice collectif (caractérisation, oui)
L’exercice d’un travail dissimulé est de nature à causer à la profession représentée par le syndicat demandeur un préjudice distinct de celui subi personnellement par les salariés, et peut fonder l’action civile du syndicat en application de l’article L. 2132-3 du Code du travail.
Dans le cadre de poursuites pénales pour travail dissimulé, le syndicat CFDT Construction et bois de Loire Atlantique avait souhaité se constituer partie civile. Les juges du fond avaient déclaré cette constitution de partie civile irrecevable au motif que le syndicat n’établissait l’existence d’aucun préjudice même indirect porté à l’intérêt collectif de la profession, distinct de l’intérêt général et du préjudice individuel subi par les salariés concernés.
Dans son pourvoi, le syndicat faisait valoir que le travail dissimulé exercé par les prévenus avait eu pour effet de priver les salariés des dispositions conventionnelles obligatoirement applicables, du paiement de leur salaire et des assurances sociales obligatoires, et de compromettre leur sécurité ainsi que les droits de la collectivité des salaires affectés par l’existence de telles entreprises. La Cour de cassation accueille cet argument. Au visa de l’article L. 2132-3 du Code du travail, la chambre criminelle estime que la cour d’appel a violé ce texte en l’espèce dès lors que « l’exercice d’un travail dissimulé est de nature à causer à la profession représentée par le syndicat demandeur un préjudice distinct de celui subi personnellement par les salariés concernés ».
Le syndicat, comme toute personne morale, peut faire valoir devant le juge répressif, un préjudice personnel directement causé par une infraction. En outre, la Cour de cassation est venue préciser que « l’action civile exercée par un syndicat est recevable dès lors qu’elle a pour objet, non de donner satisfaction aux intérêts individuels d’un ou de plusieurs de ses membres, mais d’assurer la protection de l’intérêt collectif de la profession envisagée dans son ensemble et représentée par le syndicat professionnel » (Ch. réun. 5 avr. 1913), une solution aujourd’hui traduite dans la loi, à l’article L. 2132-3 du Code du travail. Aux termes de ce texte, les syndicats professionnels « peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ».
L’action civile des syndicats professionnels est par principe une action en défense de l’intérêt collectif de la profession. Le syndicat doit donc apporter la preuve d’un préjudice certain, direct ou indirect, mais également celle d’une atteinte à l’intérêt collectif de la profession. Plusieurs domaines sont particulièrement propices à la reconnaissance d’un préjudice collectif (hygiène et sécurité au travail, droit des conventions collectives, transferts d’activités ou de contrats, décisions prises à l’encontre des représentants du personnel et des représentants syndicaux). La question était ici de savoir si cette reconnaissance pouvait s’étendre à des hypothèses de travail dissimulé (C. trav., art. L. 8221-1 s.).
La jurisprudence admet que la méconnaissance de la législation sur le travail clandestin, bien qu’édictée en vue de l’intérêt général, puisse causer aux particuliers un préjudice direct et personnel et donner lieu à réparation devant le juge pénal (Crim. 17 nov. 1998 ; 6 févr. 2001). Le présent arrêt confirme que le syndicat peut également agir et demander réparation pour l’atteinte subie à l’intérêt collectif de la profession qu’il représente (v. déjà, Crim. 6 déc. 2005).
Crim. 6 déc. 2011, FS-P+B, n° 10-86.829
Références
[Procédure pénale]
« Nom donné à la victime d’une infraction lorsqu’elle exerce les droits qui lui sont reconnus en cette qualité devant les juridictions répressives (mise en mouvement de l’action publique, action civile en réparation). »
[Droit du travail]
« (…)
Travail dissimulé : aux termes de la loi du 11 mars 1997, le travail dissimulé est un concept plus large que ce que le législateur dénommait antérieurement par l’expression « travail clandestin ». Il peut y avoir dissimulation d’entreprise ou dissimulation de salariés. Dans le premier cas, c’est le fait, pour une personne ou une entreprise, de se livrer à une activité commerciale, artisanale ou agricole sans respecter l’obligation d’obtenir l’inscription aux registres prévus par la loi ou sans établir les déclarations fiscales ou sociales exigées par la réglementation; dans le second cas, c’est le fait pour un employeur, tout en exerçant une activité au grand jour, de ne pas déclarer les salariés aux organismes de protection sociale, de ne pas délivrer de bulletins de paie ou de ne pas y mentionner l’intégralité des heures de travail accomplies par un salarié. Le travail dissimulé est pénalement sanctionné.
(…) »
Source : Lexique des termes juridiques 2012, 19e éd., Dalloz, 2011.
■ Code du travail
« Les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice.
Ils peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. »
« Sont interdits :
1° Le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 ;
2° La publicité, par quelque moyen que ce soit, tendant à favoriser, en toute connaissance de cause, le travail dissimulé ;
3° Le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé. »
« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité, l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :
1° Soit n'a pas demandé son immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;
2° Soit n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d'une partie de son chiffre d'affaires ou de ses revenus ou de la continuation d'activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l'article L. 133-6-7-1 du code de la sécurité sociale. »
« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales. »
■ Ch. réun. 5 avr. 1913, D. 1914. 1. 65.
■ Crim. 17 nov. 1998, Dr. pénal 1999. comm. 44, obs. Robert.
■ Crim. 6 févr. 2001, Bull. crim. no 32 ; D. 2002. Somm. 1457, obs. Pradel ; RSC 2002. 343, obs. Cerf-Hollender.
■ Crim. 6 déc. 2005, Bull. crim. no 315.
Autres À la une
-
[ 20 décembre 2024 ]
À l’année prochaine !
-
Droit du travail - relations collectives
[ 20 décembre 2024 ]
Salariés des TPE : à vous de voter !
-
Droit du travail - relations individuelles
[ 19 décembre 2024 ]
Point sur la protection de la maternité
-
Libertés fondamentales - droits de l'homme
[ 18 décembre 2024 ]
PMA post-mortem : compatibilité de l’interdiction avec le droit européen
-
Droit de la famille
[ 17 décembre 2024 ]
GPA : l’absence de lien biologique entre l’enfant et son parent d’intention ne s’oppose pas à la reconnaissance en France du lien de filiation établi à l'étranger
- >> Toutes les actualités À la une