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[ 23 octobre 2015 ] Imprimer

Droit du travail - relations collectives

Travail le dimanche : les compensations doivent être effectives

Mots-clefs : Travail le dimanche, Repos dominical, Infraction, Salarié, Rémunération, Repos compensateur

A l’heure où le législateur s’emploie à flexibiliser davantage le rapport de travail, en ouvrant notamment les facultés de dérogation à la règle du repos dominical, la chambre criminelle de la Cour de cassation entend faire une stricte application des textes prévoyant des compensations pour les salariés.

En l’espèce, une société exploitant des enseignes bien connue de la mode vestimentaire est poursuivie du chef d’infractions au repos dominical (contravention de 5è classe). La société a ouvert ses magasins en conformité avec l’autorisation donnée par le maire sur le fondement de l’article L. 3132-26 du Code du travail, mais l’inspection du travail considère que le mode de rémunération ne satisfait pas aux exigences posées par l’article L. 3132-27 du même code aux termes duquel « chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps ». 

La Cour d’appel confirme la décision de relaxe prononcée par le tribunal de police. C’est à juste titre, estime-t-elle, que « le tribunal a jugé que les heures ainsi travaillées avaient été rémunérées une première fois à 100% au titre du salaire de base mensualisé, puis une seconde fois à 150% au titre de la majoration portée sur les fiches de paie, soit globalement à hauteur de 250% correspondant à plus du double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente ». Mais pour la Cour de cassation, l’analyse est erronée, en ce qu’elle fait « dépendre la rémunération du travail accompli dans le cadre d’une dérogation au repos dominical de celle, mensualisée, normalement versée aux salariés ». Or, comme elle l’énonce dans un attendu de principe sous le visa de l’article L. 3132-27 du Code du travail, le bénéfice de la double contrepartie prévue par ce texte doit être « indépendant de la rémunération mensuelle normalement versée aux intéressés ». 

En somme, une rémunération exceptionnelle doit être versée au salarié en plus du salaire mensualisé, sans qu’il soit possible de prendre en compte le temps non travaillé du fait du repos compensateur. Le salarié doit percevoir une rémunération équivalente à 200% des heures accomplies le dimanche qui s’ajoute au salaire mensualisé normalement dû. L’employeur aura même l’impression de rémunérer une troisième fois le dimanche travaillé puisque le repos compensateur équivalent a pour effet de réduire le temps de travail accompli effectivement dans le mois considéré sans perte de salaire pour le travailleur. En donnant sa pleine effectivité à la compensation due au salarié pour travail le dimanche, qu’elle distingue du salaire « normal », la Cour de cassation confirme le caractère exceptionnel et dérogatoire de celui-ci. Le rappel est d’autant plus important que les « dimanches du maire » comme on les nomme sont passés de cinq à douze depuis la loi « Macron » du 6 août 2015. Reste que les dérogations à la règle du repos dominical ne donnent pas toujours lieu à pareille compensation, l’article L. 3132-27 du Code du travail ne concernant que le secteur du commerce de détail et les dérogations accordées par le maire. Dans les autres cas, les contreparties sont le plus souvent octroyées par voie d’accords collectifs. 

Crim. 22 sept. 2015, n° 13-82.284.

Références

Code du travail

Article L. 3132-3 

« Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche. » 

Article L. 3132-27 

« Chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps.

L'arrêté pris en application de l'article L. 3132-26 détermine les conditions dans lesquelles ce repos est accordé, soit collectivement, soit par roulement dans la quinzaine qui précède ou suit la suppression du repos.

Si le repos dominical est supprimé un dimanche précédant une fête légale, le repos compensateur est donné le jour de cette fête. »

Article L. 3132-26

« Dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos peut être supprimé les dimanches désignés, pour chaque commerce de détail, par décision du maire prise après avis du conseil municipal. Le nombre de ces dimanches ne peut excéder douze par an. La liste des dimanches est arrêtée avant le 31 décembre, pour l'année suivante.

Lorsque le nombre de ces dimanches excède cinq, la décision du maire est prise après avis conforme de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre. A défaut de délibération dans un délai de deux mois suivant sa saisine, cet avis est réputé favorable.

Pour les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure au seuil mentionné au premier alinéa de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, lorsque les jours fériés mentionnés à l'article L. 3133-1, à l'exception du 3°, sont travaillés, ils sont déduits par l'établissement des dimanches désignés par le maire au titre du présent article, dans la limite de trois.

A Paris, la décision mentionnée aux trois premiers alinéas est prise par le préfet de Paris. »

Article R. 3135-2 

« Le fait de méconnaître les dispositions des articles L. 3132-1 à L. 3132-14 et L. 3132-16 à L. 3132-31, relatives au repos hebdomadaire, ainsi que celles des décrets pris pour leur application, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. 

Les contraventions donnent lieu à autant d'amendes qu'il y a de salariés illégalement employés. 

La récidive est réprimée conformément aux articles 132-11 et 132-15 du code pénal. »

 

Auteur :B. G.

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