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[ 12 juin 2017 ] Imprimer

Droit de la responsabilité civile

Trouble anormal du voisinage : qui peut agir et contre qui ?

Mots-clefs : Trouble anormal de voisinage, Titulaire du droit d’agir, Syndicat de copropriétaires, Responsabilité, Auteur du trouble, Propriétaire actuel

Un syndicat de copropriétaires peut agir à l’encontre d’un copropriétaire sur le fondement d’un trouble anormal du voisinage, et celui-ci engage la responsabilité de plein droit de l’actuel propriétaire du bien même s’il n’en est pas l’auteur.

Par deux décisions rendues le même jour, la troisième chambre civile est venue utilement préciser les titulaires du droit d’agir en réparation ainsi que la qualité de ceux susceptibles d’engager, à ce titre, leur responsabilité.

Dans la première espèce, un syndicat de copropriétaires avait, après expertise, assigné en indemnisation un copropriétaire qu’il considérait responsable d’infiltrations nuisibles à l’immeuble. Pour rejeter cette demande, la cour d’appel retint que le litige, qui portait sur l’engagement de la responsabilité d'un copropriétaire par le syndicat des copropriétaires, était soumis aux dispositions de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et non au régime jurisprudentiel de la responsabilité pour trouble anormal du voisinage. Visant le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, leur décision est cassée au motif qu'un syndicat des copropriétaires peut agir à l'encontre d'un copropriétaire sur le fondement d'un trouble anormal du voisinage.

Dans la seconde espèce, le propriétaire d’un appartement y avait effectué des travaux d'abattage de cloisons avant de procéder à la vente de cet appartement. Après que celui-ci fut vendu, le propriétaire de l’appartement situé au-dessus avait assigné l’actuel propriétaire en indemnisation sur le fondement du trouble anormal du voisinage. Pour rejeter sa demande, la cour d’appel jugea à l’appui des expertises ordonnées que la cause principale des désordres affectant l'appartement résidait dans le décloisonnement de l'appartement du rez-de-chaussée et retint que son action était en conséquence mal dirigée puisque elle aurait dû l’être contre le premier propriétaire, le seul à être à l'origine des désordres et devant pour cette raison répondre, en sa qualité de maître de l'ouvrage, de l'ensemble des conséquences dommageables provoquées par les travaux qu'il a entrepris. Reprenant le principe figurant au visa de la décision précitée, la troisième chambre civile censure à nouveau la décision des juges du fond, l’actuel propriétaire de l’appartement étant responsable de plein droit des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage constatés dans le fonds voisin.

Dans la première décision rapportée, la Cour juge, dans le prolongement du principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble de voisinage » s'applique aux rapports entre copropriétaires (Civ. 3e, 20 févr. 1973, n° 71-14.174), qu’un syndicat de copropriétaires peut agir sur le fondement d’un tel principe à l’encontre d’un copropriétaire. Rappelons que la jurisprudence entend conférer à ce principe général une portée maximale, notamment en rendant le cercle des personnes recevables à agir sur son fondement particulièrement large : ainsi la Cour de cassation a-t-elle déjà jugé, dans une formule très générale, que le principe trouvait à s’appliquer à tous les occupants d'un immeuble en copropriété, quel que soit le titre de leur occupation (Civ. 2e, 17 mars 2005, n° 04-11.279). Dans le même sens, elle avait également considéré qu’un propriétaire, même s'il ne résidait pas sur son fonds, demeurait recevable à demander qu'il fût mis fin aux troubles anormaux de voisinage provenant d'un fonds voisin (Civ. 2e, 28 juin 1995, n° 93-12.681). Par ailleurs, le statut de la copropriété des immeubles bâtis, tel qu'il résulte de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, confère en son article 15 au syndicat de copropriétaires « qualité pour agir en justice, tant en demandant qu’en défendant, même contre certains des copropriétaires (…) en vue de la sauvegarde des droits afférents à l’immeuble » et donc, notamment, en cessation des troubles de voisinage susceptibles d’être causés par ses habitants ou par des tiers. Outre la question de la qualité à agir du syndicat, l’article 9 de cette même loi, propre à la copropriété, s’accorde avec le droit commun pour poser comme condition à la liberté du copropriétaire d’user et de jouir librement des parties privatives et communes de l’immeuble de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble. Ainsi les droits du copropriétaire trouvent-ils leur limite dans l'obligation que ce dernier a de ne causer à la copropriété aucun dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage ; le cas échéant, le syndicat des propriétaires sera recevable à agir contre lui. 

Quant à la seconde décision rapportée, elle présente l’intérêt de rappeler l’indifférence de la théorie du trouble anormal de voisinage à la faute constitutive de l’abus pour tenir compte exclusivement du dommage subi. Seule l’anormalité du dommage constitue la condition indispensable à la mise en œuvre de cette responsabilité sans faute. C’est la raison pour laquelle le propriétaire actuel d’un bien immobilier doit être jugé de plein droit, donc même sans faute de sa part (Civ. 2e, 31 mai 2000, n° 98-17.532) des troubles issus de travaux immobiliers même si ces travaux, cause des désordres, ont été réalisés avant leur manifestation (V. déjà Civ. 3e, 11 mai 2000, n° 98-18.249).

Civ. 3e, 11 mai 2017, n° 16-14.665

Civ. 3e, 11 mai 2017, n° 16-14.339

Références

■ Civ. 3e, 20 févr. 1973, n° 71-14.174 P.

■ Civ. 2e, 17 mars 2005, n° 04-11.279 P, D. 2005. 917 ; ibid. 2352, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; AJDI 2005. 762 ; RDI 2005. 197, obs. F. G. Trébulle.

■ Civ. 2e, 28 juin 1995, n° 93-12.681 P, D. 1996. 59, obs. A. Robert ; AJDI 1995. 971 ; ibid. 972, obs. C. Giraudel ; RDI 1996. 175, obs. J.-L. Bergel ; RTD civ. 1996. 179, obs. P. Jourdain.

■ Civ. 2e, 31 mai 2000, n° 98-17.532, D. 2000. 171 ; RDI 2000. 527, obs. M. Bruschi.

 

Auteur :M. H.

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