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Troubles anormaux du voisinage : le seul risque de dommage est réparable
Mots-clefs : Trouble anormal du voisinage, Fondement, Dommage, Risque, Réparabilité
Accru par le refus d’un propriétaire de réaliser des travaux, le risque d’effondrement de la maison du propriétaire voisin constitue un trouble anormal du voisinage.
En raison de pluies importantes, un terrain sur lequel est édifiée une maison d'habitation fait l'objet d'un glissement entraînant des fractures de sol et des fissurations sur la construction. Le propriétaire du fonds inférieur (comportant une ancienne carrière à ciel ouvert prolongée par une carrière souterraine) ayant refusé d'effectuer les travaux de confortement préconisés par un expert judiciaire et ordonnés en référé, se voit assigné par la propriétaire du fonds supérieur sur le fondement du trouble anormal de voisinage, en paiement d'une certaine somme.
Les juges du fond constatent, tout d’abord, que la réalisation sur le terrain inférieur d’un mur de soutènement pour stabiliser la carrière à ciel ouvert était la première étape des travaux à réaliser avant que la propriétaire du terrain au-dessus n'entreprenne les travaux sur sa propre propriété. Ils relèvent, ensuite, que la maison de celle-ci s'effondrerait, en cas de fortes précipitations, si les travaux de confortement n'étaient pas réalisés sur le terrain voisin. Aussi, la cour d'appel a pu en déduire qu'en ne procédant pas auxdits travaux, le propriétaire du fonds inférieur, dont l'attitude était à l'origine de la persistance du risque d'effondrement de la maison de la propriétaire du fonds supérieur en cas de fortes pluies, causait à celle-ci un trouble anormal de voisinage. Le pourvoi formé contre cette décision est rejeté par la Cour de cassation.
Les troubles de voisinage, dommages à la fois « continus » et « excessifs » (v. P. Capoulade) engagent la responsabilité de leur auteur dès lors qu'ils ont « dépassé la mesure coutumière de ce qui doit être supporté entre voisins » (v. J. Carbonnier) et qu'ils ont ainsi un caractère anormal.
La théorie des troubles de voisinage constitue « une source autonome de responsabilité qui ne doit être confondue ni avec l'application des articles 1382 et 1383, ni avec celle de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil » (v. G. Durry) ni avec celle édictée par l'article 1384, alinéa 2, du Code civil (Civ. 3e, 15 nov. 1978). Autonome, cette responsabilité est également objective : son unique fondement est le dommage, et la réparation sa seule fonction.
Outre ce rappel, la décision rapportée a l’intérêt d’illustrer la réparabilité, sur le fondement des troubles anormaux de voisinage, du seul risque de dommage. En effet, en cette matière, la condition de certitude du dommage est spécialement aménagée en sorte que la responsabilité peut être engagée en présence de simples risques de dommages, non encore réalisés. En l’espèce, c’est le risque d’effondrement causé par le refus du propriétaire de réaliser les travaux nécessaires qui justifie la réparation.
Des décisions antérieures reconnaissaient déjà qu’un simple risque puisse être constitutif d’un trouble. Ainsi, un arrêt du 24 février 2005 précisait que le fait d’entreposer de la paille à proximité d’une habitation constitue, en raison des risques d’incendie que cela fait naître, un trouble anormal du voisinage, et ce indépendamment de toute réalisation de ce risque.
Ainsi un simple risque de dommage peut-il s’analyser en un trouble anormal de voisinage. Encore faut-il que ce risque soit réel et certain. En effet, « c’est un point bien acquis tant en doctrine qu’en jurisprudence qu’un dommage purement “ hypothétique ” ou “ éventuel ” ne peut engager la responsabilité civile de son auteur » (v. G. Viney et P. Jourdain). Lorsqu’il existe un risque, sa réalisation est toujours hypothétique mais dans certains cas, on est sûr qu’un dommage est susceptible de se produire : le risque est alors certain.
En l’espèce, le trouble invoqué satisfaisait ces conditions : vivre sous la menace permanente de l’effondrement de sa maison d’habitation constitue un trouble actuel, entraînant un dommage au moins moral (sur ce point, v. la jurisprudence des antennes-relais reconnaissant le préjudice moral des propriétaires riverains résultant de l’angoisse créée et subie du fait de l’installation de ces antennes) nécessitant des mesures propres à s’en prémunir. La finalité préventive du droit de la responsabilité civile l’impose. Au-delà de la réparation, il favorise ainsi, parfois, la prévention des risques.
Civ. 3e, 24 avr. 2013, n°10-28.344
Références
■ P. Capoulade, in La protection du voisinage et de l'environnement, Travaux de l'association Capitant, t. XXVII, Dalloz, 1976, p. 98.
■ J. Carbonnier, Droit civil, Les biens, 19e éd., PUF, 2000, n° 57.
■ G. Durry, RTD civ. 1974. 609.
■ Civ. 3e, 15 nov. 1978, Bull. civ. 1978, III, n° 345 ; RTD civ. 1979. 802, obs. G. Durry.
■ Civ. 2e, 24 févr. 2005, n°04-10.362.
■ G. Viney et P. Jourdain, Traité de droit civil, Les conditions de la responsabilité, 3e éd., LGDJ, 2008, n°276.
■ Code civil
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
« Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. »
« On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.
Cette disposition ne s'applique pas aux rapports entre propriétaires et locataires, qui demeurent régis par les articles 1733 et 1734 du code civil.
Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ;
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère et les artisans ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
En ce qui concerne les instituteurs, les fautes, imprudences ou négligences invoquées contre eux comme ayant causé le fait dommageable, devront être prouvées, conformément au droit commun, par le demandeur, à l'instance. »
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