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Droit pénal général
Tu ne prêcheras point !
L’interdiction d’exercer des fonctions religieuses peut être prononcée dans le cadre du contrôle judiciaire comme à titre de peine complémentaire.
Crim. 4 novembre 2021, n° 21-85.144
Crim. 4 novembre 2021, n° 21-80.413
L’interdiction d’exercer une activité professionnelle pouvant être prononcée au titre d’une mesure accompagnant le contrôle judiciaire mais également au titre de peine complémentaire, inclut les fonctions religieuses d’imam et de prêtre, sans qu’il soit porté atteinte à la liberté de culte.
A l’occasion de deux arrêts rendus par la chambre criminelle, la Cour de cassation précise les contours de la notion d’activité professionnelle ou sociale pouvait faire l’objet d’une interdiction d’exercice dans le cadre d’une procédure pénale.
La première affaire concernait un imam à l’encontre duquel une plainte pour des faits de viol et agressions sexuelles avait été déposée par sa belle-fille.
L’ordonnance rendue par le juge d’instruction l’avait placé sous contrôle judiciaire et soumis à plusieurs obligations. Le procureur de la République a relevé appel de cette ordonnance partiellement réformée par les juges du fond qui y ont ajouté l’interdiction d’exercer les fonctions d’imam et l’interdiction d’exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs. Une telle interdiction trouve son fondement dans l’article 138 du Code de procédure pénale selon lequel le contrôle judiciaire astreint la personne à se soumettre à une ou plusieurs obligations, notamment celles de ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale lorsque l’infraction a été commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ces activités et lorsqu’il est à redouter qu’une nouvelle infraction soit commise. Pour motiver leur décision, les juges du fond avaient observé « qu’il existe des indices graves et concordants que le mis en examen aurait imposé à sa belle-fille, en profitant de ses fonctions d’imam », ayant procédé à des Rouqyas, désenvoutements musulmans, lors desquels il a abusé d’elle. Le mis en cause forma un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la chambre de l’instruction. Plusieurs arguments viennent au soutien de son pourvoi dans lequel il reprochait à la cour d’appel de ne s’être pas interrogée quant au point de savoir si la fonction d’imam relevait de l’activité professionnelle telle que mentionnée par l’article 138 du Code de procédure pénale, de ne pas avoir suffisamment caractérisé les deux éléments permettant de prononcer une telle interdiction, à savoir que l’infraction a été commise dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de cette activité et qu’un risque de réitération existe, et de ne pas avoir vérifié que cette mesure ne portait pas une atteinte disproportionnée à l’exercice de la religion au regard de l’article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.
La seconde espèce est similaire bien qu’elle se place non plus au stade pré-sentenciel mais au stade de l’application des peines. Ainsi un prêtre était condamné pour violences et abus de faiblesse à trois ans d’emprisonnement et, à titre de peine complémentaire, à l’interdiction d’exercer les fonctions de prêtre pour une durée de cinq ans. Les juges du fond avaient considéré que « les faits d’abus de faiblesse [avaient] été commis à l’occasion de l’exercice de ses fonctions de prêtre ». Le prévenu forma un pourvoi en cassation et avançait des arguments similaires à ceux relevés au titre de la première espèce, énonçant notamment que la prêtrise ne constitue pas une activité professionnelle ou sociale visée par l’article 131-27 du Code pénal mais un ministère sacerdotal et invoquant une violation du principe constitutionnel de laïcité et de l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Deux questions se posaient ici à la Cour de cassation :
- l’exercice d’une fonction religieuse est-elle une activité professionnelle ou sociale dès lors accessible aux interdictions visées par les articles 138 du Code de procédure pénale et 131-22 du Code pénal ?
- par ailleurs, est-il possible de prononcer une telle interdiction sans porter atteinte à la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ?
Sur la question de la nature des activités, la Cour de cassation considère qu’elles sont toutes deux de nature professionnelle ou sociale. Au titre du premier arrêt, la Cour de cassation considère qu’ « une fonction religieuse, fut-elle bénévole, constitue une activité de nature professionnelle ou sociale au sein de l’article 138, 12° du code de procédure pénale ». Dans le second arrêt, elle relève, par une formulation quelque peu lapidaire, que l’article 223-15-3 du Code pénal réprimant l’abus de faiblesse prévoit l’interdiction d’exercice d’une activité professionnelle ou sociale au titre des peines complémentaire et qu’« aucune disposition n’en excepte un ministère sacerdotal ». Il aurait été appréciable que la Cour de cassation se prononce clairement sur la nature professionnelle ou sociale de l’activité en question. Cette solution est néanmoins cohérente avec les dispositions relatives au secret professionnel auquel sont soumis les ministres du culte.
La Cour considère par ailleurs que de telles interdictions ne portent pas atteinte à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme ayant relevé au titre du premier arrêt qu’elle répond aux conditions posées par ce même article. Elle relève en effet que l’interdiction est prévue par la loi, qu’elle répond aux objectifs de protection de l’ordre et de la sécurité publique et enfin, qu’ « elle est proportionnée en ce qu’elle est temporaire, qu’elle est prononcée au titre de mesure de sûreté, et, qu’en dehors de ses seules fonctions d’imam, elle ne porte aucune atteinte à la pratique religieuse personnelle de l’intéressé ».
Référence
■ A. Beziz-Ayache, V° Peines complémentaires, Rép. Pen. Dalloz.
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