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[ 5 juin 2015 ] Imprimer

Droit pénal général

« Tu ne voleras point » : bien indivis et res derelicta

Mots-clefs : Vol, Autrui, Chose commune, Res derelicta

Deux arrêts rendus le même jour par la chambre criminelle permettent de revenir sur les éléments de cette infraction et plus précisément sur l’objet  de ce délit –« le bien d’autrui »- lorsqu’il s’agit de Res derelicta ou de bien commun.

Aux termes de l’article 311-1 du Code pénal, le vol est, selon une définition ancienne, la soustraction frauduleuse de la chose d’autrui. L'un des éléments essentiels du vol est que la chose soustraite ne soit pas la propriété de l'auteur de la soustraction. 

Dans la première affaire (n° 13-87.668), un frère a porté plainte contre sa sœur et sa nièce, pour avoir frauduleusement soustrait des objets mobiliers se trouvant dans la succession de leur oncle, dont ils étaient tous trois co-héritiers, et s’agissant de sa sœur seule, pour avoir volé des bons au porteur se trouvant dans la succession de leur mère, et avoir abusé, de son vivant, de la faiblesse de leur oncle. 

Alors que le tribunal correctionnel avait déclaré l’infraction de vol en réunion établie, l’arrêt avait été infirmé en appel. Selon les juges du second degré « les intéressées étant copropriétaires des biens divertis, le délit de soustraction frauduleuse du bien d'autrui ne peut être constitué ». Une telle solution allait à l’encontre d’une jurisprudence constante selon laquelle le copropriétaire qui s'empare d'une partie de la chose commune ne saurait invoquer l'exception de propriété. (Crim. 21 avr. 1964 ; Crim. 28 juin 1966)C’est donc fort logiquement que la chambre criminelle censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 311-1 du Code pénal et rappelle dans un attendu de principe que « le détenteur de biens meubles indivis qui se les approprie ou en dispose à l’insu des autres coindivisaires commet un vol au préjudice de ces derniers ».

La seconde affaire concernait la notion de res derelicta. Il s'agit de choses qui ont été appropriées, mais qui ne le sont plus par suite d'un abandon de leur propriétaire. Elles deviennent, par la théorie de l'occupation, la propriété de la première personne qui s'en empare. Ne commet ainsi pas de délit de vol celui qui s'empare d'une chose volontairement abandonnée par son propriétaire (Rennes, 22 juin 1926). Mais pour que la qualification de res derelicta puisse être appliquée, il faut que la volonté d'abandon soit effective ou incontestable. Tel n’était pas le cas dans les faits de l’espèce. 

Lors d’un contrôle aéroportuaire, un individu a été trouvé en possession d’une somme d’argent de 130 760 euros, qu’il a expliqué avoir découverte, quelques jours auparavant, dans un sac dont s’était débarrassé sous ses yeux un individu, en vue d’échapper aux poursuites d’un tiers. Renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de vol au préjudice d’une personne non identifiée, l’individu avait été relaxé.  Sur appel du ministère public, la cour d’appel l’a condamné à deux ans d’emprisonnement, dont un an avec sursis, et a ordonné une mesure de confiscation.

Selon les juges, « le bien ne pouvait néanmoins être regardé comme ayant été volontairement abandonné, dès lors que, eu égard à sa grande valeur et aux circonstances dans lesquelles son détenteur s’en était dessaisi, il est manifeste que ce dernier avait l’intention de venir le rechercher après avoir échappé à son poursuivant ». La Chambre criminelle a rejeté le pourvoi, les juges du second degré ayant souverainement apprécié qu'il n'y avait pas eu abandon volontaire de la chose par son propriétaire inconnu. La nature et la valeur de la chose (une forte somme d’argent) inclinait effectivement à le penser.

Crim. 12 mai 2015, n° 13-87.668 et Crim. 12 mai 2015, n° 14-83.310.

Références

■ Code pénal

Article 311-1

« Le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui. »

■ Crim. 21 avr. 1964: Bull. crim. no 119.

■ Crim. 28 juin 1966: Bull. crim. no 176; D. 1967. Somm. 3; Gaz. Pal. 1966. 2. 9.

■ Rennes, 22 juin 1926: DP 1927. 2. 32.

 

Auteur :C. L.

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