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Droit européen et de l'Union européenne
Un accord de pêche suspendu au respect du droit à l’autodétermination
Mots-clefs : Accord de pêche, Maroc, Sahara occidental, Principe d’autodétermination, Droit international, Renvoi préjudiciel en validité
La Cour de justice réaffirme l’obligation pour les actes de l’Union de respecter le droit international dans son ensemble.
Le contrôle de validité peut être exercé à l’égard des accords internationaux eux-mêmes qui lient l’Union européenne. C’est ainsi que la Cour reconnaît la validité de l’accord de partenariat dans le secteur de la pêche entre l’Union européenne et le Maroc dès lors que le Sahara occidental est exclu du champ d’application de celui-ci, condition nécessaire au respect du principe d’autodétermination visé à l’article 1er de la Charte des Nations Unies.
Dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, la Cour de justice était saisie afin de se prononcer sur la validité d’un accord de partenariat dans le secteur de la pêche conclu entre l’UE et le Maroc, approuvé et mis en œuvre par le règlement (CE) n° 764/2006 du Conseil, du 22 mai 2006. La motivation du requérant était que cet accord s’appliquait au Sahara occidental et aux eaux adjacentes à celui-ci.
Ce n’est pas la première fois que des accords signés par l’Union avec le Maroc font l’objet de contentieux, la Cour de justice ayant déjà examiné les accords d’association et de libéralisation conclus respectivement le 26 février 1996 et le 16 février 2012. Concernant ces derniers accords, dans un arrêt du 21 décembre 2016 (CJUE, Conseil contre Front Polisario, n° C‑104/16 P), les juges ont décidé qu’ils étaient valides dès lors qu’ils n’étaient pas applicables au Sahara occidental.
Le raisonnement de la Cour de justice est similaire dans cet arrêt, accordant une nouvelle fois une place prépondérante au droit international.
Avant d’étudier la validité de l’accord au regard du droit de l’Union et du droit international, la Cour de justice vérifie qu’elle est compétente pour analyser la validité des accords internationaux, le Conseil la lui contestant.
Au sujet de sa compétence, la Cour revient sur l’article 267 TFUE. Cet article précise qu’elle est compétente pour statuer sur l’interprétation du droit de l’Union et la validité des actes adoptés par les institutions de l’Union. La Cour contrôle les actes de conclusions des accords internationaux, mais également les accords internationaux, ceux-ci constituant des actes pris par les institutions. Cette solution est d’autant plus importante que les accords internationaux intègrent l’ordre juridique de l’Union à compter de leur entrée en vigueur et qu’ils doivent dès lors pouvoir être contrôlés par rapport aux traités et aux principes constitutionnels de l’Union. En outre, la Cour réaffirme que l’Union doit exercer ses compétences dans le respect du droit international et en conséquence être en mesure de réaliser un contrôle que ce soit dans le cadre d’un recours en annulation ou d’un renvoi préjudiciel en validité. Pour ce contrôle, le droit international doit être entendu de manière étendue, les juges incluant les règles, les principes, la coutume, mais également les traités internationaux qui lient l’UE.
Sur le fond, la Cour considère que le contenu de l’accord de pêche renvoie au territoire du Maroc ou au territoire du Royaume du Maroc. Pour interpréter ces références, la Cour de justice s’appuie sur la Convention de Vienne sur le droit des traités (1969) et sur la Convention sur le droit de la mer (1982), les deux textes liant l’Union européenne. Le droit international constitue concrètement une source pour le contrôle de la validité de l’accord de pêche.
Les juges retiennent alors que l’accord se limite ainsi à l’espace géographique sur lequel le Royaume du Maroc exerce sa souveraineté au regard du droit international. Ceci exclut en conséquence le Sahara occidental. Cependant, la Cour insiste sur le caractère indispensable de cette exclusion par rapport au droit international, considérant qu’une interprétation contraire conduirait à ne pas respecter notamment le principe d’autodétermination, énoncé à l’article 1er de la Charte des Nations Unies. La même approche vaut pour les eaux territoriales adjacentes du Sahara occidental, indépendamment des éventuelles prétentions du Maroc.
Il en résulte que l’accord de pêche est valide, n’étant pas en contradiction avec le droit international.
CJUE, gr. ch., 27 févr. 2018, Western Sahara Campaign UK, n° C-266/16
Références
■ Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
Article 267
« La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel:
a) sur l'interprétation des traités,
b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.
Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.
Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.
Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais. »
■ Charte des Nations-Unies
Article 1er
« Les buts des Nations Unies sont les suivants :
Maintenir la paix et la sécurité internationales et à cette fin : prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir et d'écarter les menaces à la paix et de réprimer tout acte d'agression ou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux principes de la justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement de différends ou de situations, de caractère international, susceptibles de mener à une rupture de la paix;
Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes, et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix du monde;
Réaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinctions de race, de sexe, de langue ou de religion;
Être un centre où s'harmonisent les efforts des nations vers ces fins communes. »
■ CJUE, gr. ch., 21 déc. 2016, Conseil c/ Front Polisario, n° C‑104/16 P
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