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Procédure civile
Un appel non motivé est en droit de le devenir !
Mots-clefs : Procédure civile, Déclaration d’appel, Obligation de motivation, Défaut de motifs, Régularisation, Délai d’appel
Si la recevabilité d’une déclaration d’appel dépend de sa motivation, celle-ci peut intervenir postérieurement à la déclaration initiale, sous la réserve que le délai d’appel ne soit pas expiré.
Un étranger ayant fait l’objet d’une ordonnance de prolongation de rétention administrative du juge des libertés et de la détention d’un tribunal de grande instance avait interjeté appel de cette décision. En l’espèce applicable, l’article R. 552-9 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) prévoit dans cette hypothèse que l’appel peut être formé par le ministère public ou l’autorité administrative compétente, mais également par l’intéressé. Le problème qui s’était alors posé était que l’appelant avait insuffisamment motivé sa déclaration d’appel, en violation de l’article R. 552-13 du CESEDA qui dispose que « le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d’appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel ». Or en en l’espèce, l’intéressé avait bien transmis une déclaration d’appel au greffe de la cour saisie de l’affaire, dont la motivation se limitait, cependant, à l’indication suivante : « j’estime que la procédure est irrégulière et qu’elle devra, par conséquence, être annulée ». Le premier président de la cour avait alors jugé son appel irrecevable : le simple fait d’indiquer, de manière générale, que « la procédure est irrégulière » sans préciser en quoi celle-ci serait, en l’occurrence, irrégulière et sans articuler cette assertion avec la procédure du dossier concerné ne pouvait être assimilé à une véritable motivation de la déclaration d’appel. Toutefois, durant le délai dérogatoire de vingt-quatre heures prévu pour interjeter appel de l’ordonnance, le délai de droit commun étant de quinze jours (C. pr. civ., art. 528, 538 et 675, al. 2), l’avocat de l’appelant avait fait parvenir une nouvelle déclaration d’appel, cette fois motivée. Cependant, le premier président de la cour considéra celle-ci insuffisante pour suppléer le défaut de motivation de la déclaration initiale au motif, d’une part, que par celle-ci, l’intéressé avait exercé son droit d’appel, épuisant par-là l’exercice de la voie de recours qui lui était ouverte contre la décision lui faisant grief et, d’autre part, qu’en vertu de l’article R. 552-13 du CESEDA, la motivation de l’appel doit figurer dans l’acte même d’appel et non dans un écrit indépendant ou postérieur en sorte que l’appel formé par l’intéressé demeurait irrecevable, faute de motivation. La première chambre civile de la Cour de cassation casse cette décision, au visa des articles R. 552-13 du CESEDA et de l’article 126 du Code de procédure civile, lequel dispose, en son premier alinéa, que « dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ». Elle affirme ainsi que s’il ressort du premier de ces textes que la déclaration d’appel doit bien, à peine d’irrecevabilité, être motivée, se déduit tout aussi nettement du second que la fin de non-recevoir tirée de l’absence de motivation est susceptible d’être régularisée avant l’expiration du délai d’appel.
Or en l’espèce, l’appel, quoique non motivé, avait été formé dans les temps et la fin de non-recevoir tirée de ce défaut de motivation devait être, selon la Cour de cassation, considérée comme régularisée dès lors que le conseil de l’appelant avait, à l’intérieur du délai de vingt-quatre heures requis pour former appel, corrigé sa déclaration d’appel en la motivant, cette fois, valablement. Ainsi la Cour de cassation précise-t-elle pour assouplir cette obligation de motivation que les motifs de l’appel peuvent figurer dans un mémoire complémentaire et postérieur dès lors que celui-ci est déposé au greffe avant l’expiration du délai d’appel, en l’occurrence très bref, ce qui peut expliquer la clémence dont elle fait preuve à l’égard de l’appelant. Ainsi, en affirmant au contraire que la motivation de l’appel ne peut que figurer dans l’acte originaire de la déclaration d’appel et non dans un écrit indépendant ou postérieur, la cour d’appel a violé les textes de droit interne précités, ainsi que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant le droit à un procès équitable, comme la Cour prend soin de le souligner dans le moyen annexe à l’arrêt rapporté.
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